Les supernovas pourraient temporairement devenir des « PeVatrons », des accélérateurs naturels de particules capables de produire des rayonnements cosmiques d’une énergie dépassant le pétaélectronvolt (PeV), selon une récente étude. Ce phénomène se manifesterait lorsque l’onde de choc d’une explosion traverse une couche dense de matière circumstellaire, augmentant l’énergie maximale atteinte par les particules accélérées. Toutefois, ce phénomène se dissiperait en quelques mois seulement, ce qui pourrait expliquer l’absence d’observations directes de PeVatrons en activité.
Les rayonnements cosmiques intergalactiques sont essentiellement composés de particules à haute énergie, principalement des protons, et plus rarement des noyaux d’atomes lourds. La plupart sont filtrés par le champ magnétique terrestre et l’atmosphère, mais une infime fraction parvient jusqu’au sol. On estime qu’un rayonnement cosmique traverse notre corps environ une fois par seconde — une fréquence plausible, bien qu’elle mériterait d’être étayée par une source plus précise.
Ces rayonnements couvrent une large gamme spectrale, allant de quelques électronvolts (eV) à plusieurs pétaélectronvolts (PeV) — soit un million de milliards d’électronvolts. À titre de comparaison, c’est environ 1 000 fois plus que l’énergie produite par les collisions du Grand collisionneur de hadrons (LHC). Les astrophysiciens soupçonnent depuis longtemps que les rayonnements les plus énergétiques, ceux dépassant le PeV, pourraient provenir de phénomènes extrêmes comme les supernovas.
La capacité d’une supernova à accélérer des particules dépend notamment de la vitesse des vents stellaires générés lors de l’explosion, ainsi que de la densité et de l’intensité des champs magnétiques dans son environnement immédiat. Les supernovas particulièrement énergétiques, évoluant dans un milieu dense, apparaissent dès lors comme des candidats plausibles à la génération de rayonnements de type PeV.
Pourtant, malgré les progrès réalisés en matière de détection, aucune supernova n’a encore été identifiée comme pouvant accélérer des particules au-delà de 100 téraélectronvolts (TeV). Des vestiges bien connus tels que ceux de Tycho ou Cassiopée A, considérés comme prometteurs, ont montré des émissions bien en deçà des seuils attendus.
Nos instruments détectent néanmoins des rayonnements de l’ordre du PeV sans que leurs sources puissent être formellement identifiées. Dans une étude récemment déposée sur la plateforme arXiv, une équipe menée conjointement par l’Université de Potsdam (Allemagne) propose une explication : certaines supernovas deviendraient brièvement des PeVatrons lorsqu’elles interagissent avec un nuage circumstellaire dense.
« Il est essentiel d’identifier quelles sources de rayons cosmiques galactiques peuvent accélérer des particules jusqu’au « coude » du spectre, à quelques PeV, et notamment si les rémanents de supernova peuvent en être à l’origine », écrivent les chercheurs. « Nous examinons les effets des coquilles circumstellaires denses sur l’accélération des particules par les ondes de choc de supernova dans les années suivant l’explosion, afin d’évaluer si ces supernovas d’interaction peuvent agir comme des PeVatrons », poursuivent-ils.
Une coquille de matière amplifiant les rayonnements
Les modèles actuels d’accélération des particules dans les rémanents de supernovas très jeunes suggèrent que le milieu circumstellaire est généralement formé par des vents stellaires à écoulement libre. Cependant, des observations indiquent que certaines supernovas peuvent s’étendre et générer de la matière circumstellaire bien plus dense. Ce phénomène se produirait à la suite d’éruptions épisodiques survenues peu avant l’explosion.
Bien que la fréquence exacte de ce processus reste à préciser, il semble relativement courant. Il entraîne une perte de masse importante — parfois l’équivalent de deux masses solaires — via des vents puissants qui arrachent les couches externes de l’étoile peu avant son effondrement. Si la vitesse de ces vents reste faible, une bulle compacte et dense peut alors se former autour de l’étoile mourante.
Certaines études antérieures ont suggéré que ce type d’environnement pourrait réunir les conditions nécessaires à la formation de PeVatrons. Dans leur nouvelle publication, les chercheurs approfondissent cette hypothèse en recourant au code de simulation hydrodynamique « Pion » pour modéliser les effets d’un épisode bref, mais intense, de perte de masse — à raison, selon leur estimation, pouvant atteindre jusqu’à 2 masses solaires par an. Ce chiffre élevé mérite d’être confronté aux observations réelles des variables bleues lumineuses, dont il est question ici.
Ces dernières sont des hypergéantes bleues aux variations de luminosité lentes mais marquées, connues pour expulser de grandes quantités de matière. Dans leurs simulations, les chercheurs résolvent simultanément les équations de transport des rayons cosmiques, de turbulence magnétique et de dynamique des fluides du plasma thermique, à la limite dite des « particules d’essai ».
Leurs résultats montrent que lorsque l’explosion de la supernova se produit, l’onde de choc traverse la coquille circumstellaire dense, induisant une amplification brutale du champ magnétique. Ce dernier propulse les particules à des vitesses extrêmes, leur permettant d’atteindre l’échelle du PeV au cours de leur passage à travers la coquille, avant de se diffuser dans l’espace.
Toutefois, ce régime ne dure qu’un temps. D’après les chercheurs, les cinq premiers mois suivant l’explosion suffisent à faire grimper l’énergie des rayonnements au-delà du seuil du PeV, mais cette intensité décline rapidement par la suite. Ce caractère transitoire expliquerait pourquoi aucun PeVatron actif n’a encore été détecté directement : bien que les supernovas se produisent en moyenne tous les quelques dizaines d’années dans notre galaxie, aucune n’a jusqu’ici éclaté suffisamment près pour permettre l’observation de cette courte fenêtre énergétique.