En testant divers matériaux biodégradables pour des applications en robotique, des chercheurs ont découvert que le papier de riz disposait de propriétés comparables à celles des matériaux en silicone couramment utilisés dans la robotique douce. Il pourrait à terme être utilisé pour le prototypage de robots souples destinés à un usage ponctuel et se dégrade en toute sécurité dans l’environnement en seulement 32 jours.
La robotique douce, fondée sur l’utilisation de matériaux souples, suscite un intérêt croissant ces dernières années, en raison de ses multiples applications, allant de la médecine à l’agriculture, en passant par la surveillance environnementale ou encore l’exploration spatiale. Sa souplesse structurelle lui confère une polyvalence notable, difficile à atteindre pour la robotique conventionnelle.
Parmi ses principaux atouts figure notamment la capacité d’adaptation à des environnements dynamiques et imprévisibles : navigation dans des fluides à forte turbulence, déplacement dans des espaces restreints — à l’intérieur d’organes ou de vaisseaux sanguins — ou encore progression en terrains accidentés.
La malléabilité des matériaux employés permet en outre de les façonner avec une grande flexibilité. Les avancées en impression 3D facilitent, par exemple, l’usage d’élastomères et le moulage de matériaux hybrides souples aux formes variées. Certains de ces élastomères intègrent des réseaux covalents thermoréversibles : endommagés, ils peuvent s’auto-réparer sous l’effet de la chaleur, un atout certain pour la robotique douce.
Cependant, malgré ces progrès, l’un des principaux défis du secteur réside dans l’identification de matériaux à la fois performants, durables et écologiquement responsables. « La robotique souple est un domaine en pleine expansion à l’échelle mondiale. Elle implique la création de robots plus flexibles et adaptables utilisant des matériaux souples comme les élastomères de silicone », explique dans un communiqué Christine Braganza, membre de la Faculté des sciences et de l’ingénierie de l’Université de Bristol. « Cependant, travailler avec du silicone génère des déchets durables et n’est pas toujours respectueux de l’environnement. »
Pour répondre à cette problématique, Braganza et ses collègues ont exploré plusieurs matériaux biodégradables et non toxiques à base d’amidon. « Les matériaux à base d’amidon peuvent répondre aux enjeux environnementaux posés par les matériaux traditionnels non dégradables comme le silicone, en réduisant significativement l’énergie de production et les déchets », précisent-ils dans leur étude publiée sur la plateforme IEEE Xplore et présentée lors de la 8e Conférence internationale IEEE 2025 sur la robotique douce.
Des performances mécaniques comparables au silicone
Les chercheurs ont mené une série d’expériences pour comparer le papier de riz issu de sources durables de Oryza sativa L., un matériau à base de racine de manioc (Manihot esculenta) et le silicone. Ils ont évalué leurs propriétés mécaniques (résistance, souplesse, malléabilité, etc.), ainsi que leur capacité à se décomposer dans l’environnement sans libérer de sous-produits toxiques.
L’équipe a constaté que le papier de riz présente des performances similaires à celles du silicone en matière de résistance et de flexibilité. « Nous démontrons qu’il offre une solution biodégradable, hydrosoluble, non toxique et économique, avec des propriétés mécaniques adaptées à la robotique souple », affirment les chercheurs dans leur rapport.
Une biodégradation dans la nature en 32 jours
Le matériau présente également l’avantage de se décomposer rapidement sans exiger des conditions extrêmes de température ou d’humidité. Les tests ont montré qu’il se dégrade intégralement dans le sol en 32 jours et se dissout totalement dans l’eau à 20 °C en 18 jours.
Selon les chercheurs, un robot en papier de riz pourrait trouver des applications pratiques en agriculture ou dans des projets de reforestation, notamment pour le réensemencement de zones difficilement accessibles. Il pourrait également être mobilisé dans des opérations de surveillance environnementale, avec l’assurance de ne laisser aucune trace nocive dans des écosystèmes sensibles.
Afin d’évaluer ce potentiel, les scientifiques ont mené une expérience consistant à insérer des graines entre les couches du matériau, avant de les placer dans un milieu de culture. Les graines ont germé avec succès, les racines ayant poussé à travers le matériau — démontrant ainsi que ce dernier n’entrave pas le développement végétal.
Dans le domaine médical, un tel robot biodégradable pourrait être utilisé lors d’interventions chirurgicales mini-invasives ou pour l’administration ciblée de traitements. Le caractère non toxique et la facilité de biodégradation du matériau pourraient par ailleurs améliorer l’acceptabilité publique de la robotique douce, suggèrent les auteurs de l’étude.
À l’avenir, l’équipe envisage de concevoir des robots souples entièrement autonomes, intégrant des composants exclusivement biodégradables. Cela impliquerait, entre autres, le recours à des carburants et à des mécanismes de contrôle compostables, afin que ces machines s’intègrent facilement dans l’environnement.