Patagonie : un nouveau mégaraptor découvert, avec sa dernière proie encore entre les dents

L'un des derniers représentants de son groupe avant l'extinction des dinosaures.

megaraptor proie patagonie
Représentation artistique du nouveau mégaraptor: Joaquinraptor casali. | Andrew McAfee/Musée d'histoire naturelle Carnegie
⇧ [VIDÉO]   Vous pourriez aussi aimer ce contenu partenaire

Des paléontologues ont découvert une nouvelle espèce de mégaraptor dans le centre de la Patagonie, en Argentine. Baptisé Joaquinraptor casali et doté de puissantes griffes semblables à des faucilles, l’animal a été retrouvé avec un humérus de crocodyliforme encore coincé dans la mâchoire. Cette découverte suggère qu’il occupait probablement le sommet de la chaîne alimentaire dans la région jusqu’à l’extinction des dinosaures, à la fin du Crétacé.

Les mégaraptorans (ou mégaraptors), un groupe de dinosaures théropodes élancés, comptent parmi les plus énigmatiques des théropodes non aviaires du Crétacé. Répartis en Asie, en Australie et en Amérique du Sud, ils se distinguaient par des crânes allongés et de longs membres antérieurs terminés par de grandes griffes sur les premier et deuxième doigts.

Bien que les représentants les plus anciens aient été trouvés en Asie, les mégaraptorans étaient particulièrement abondants en Amérique du Sud au cours du Crétacé supérieur, il y a environ 70 à 66 millions d’années. Leur évolution au sein de leur environnement demeure toutefois débattue, faute de preuves fossiles suffisamment complètes. La plupart des spécimens exhumés jusqu’à présent se révèlent fragmentaires et incomplets.

En fouillant la formation de Lago Colhué Huapi, dans le centre-sud de la province de Chubut, une équipe de l’Institut patagonien de géologie et de paléontologie du CONICET a mis au jour le squelette remarquablement bien conservé d’une nouvelle espèce de mégaraptoran. Il aurait compté parmi les derniers représentants du clade, peu avant l’impact de l’astéroïde de Chicxulub qui mit fin à l’ère des dinosaures.

L’un des derniers représentant de son groupe avant l’extinction des dinosaures

« Ce dinosaure carnivore était certainement l’un des principaux prédateurs de l’écosystème de cette formation et représente l’un des membres les plus récents du groupe, puisqu’il serait mort relativement peu de temps avant l’extinction des dinosaures, survenue il y a environ 66 millions d’années », explique dans un communiqué du CONICET Lucio Ibiricu, l’auteur principal de la recherche.

« Joaquinraptor nous permet de mieux comprendre le mode de vie et l’évolution de ce groupe énigmatique de dinosaures prédateurs. Considéré comme le dernier mégaraptoran survivant, ce fossile éclaire la phase finale de leur évolution en Amérique du Sud, avant l’extinction massive », ajoute Darla Zelenitsky, paléontologue à l’Université de Calgary (Canada), qui n’a pas participé aux travaux, dans un entretien accordé à Live Science.

Découvert pour la première fois en 2019, le fossile de J. casali a nécessité trois campagnes de fouilles étalées sur plusieurs saisons pour être entièrement exhumé. Le climat de la région au Crétacé différait radicalement des conditions fraîches et sèches de la Patagonie actuelle. La couche sédimentaire où il reposait indique qu’il s’agissait alors d’une plaine inondable chaude et humide, proche du littoral.

Les résultats, publiés dans la revue Nature Communications, montrent qu’il mesurait un peu plus de 7 mètres de long et pesait environ une tonne. Les analyses histologiques d’un tibia et d’une côte indiquent qu’il avait au moins 19 ans au moment de sa mort. « L’histologie nous révèle qu’il s’agissait d’un individu sexuellement mature, mais il aurait pu croître encore davantage », précise Ibiricu.

Un squelette révélateur de ses habitudes de chasse

Ces observations suggèrent que les mégaraptorans sont restés de grande taille jusqu’à la fin du Crétacé et occupaient probablement le sommet de la chaîne alimentaire en Patagonie. La présence d’un humérus de crocodyliforme (ancêtre des crocodiles actuels) coincé dans la mâchoire du spécimen de J. casali confirme cette hypothèse, en indiquant notamment qu’il chassait d’autres carnivores plus petits.

« L’un des aspects les plus marquants est que le seul os retrouvé lors des fouilles qui n’appartient pas à Joaquinraptor est un humérus de crocodyliforme », souligne Ibiricu dans le communiqué. « Il a été trouvé entre ses mâchoires, ce qui donne une idée des sources de nourriture possibles pour Joaquinraptor en particulier et pour les mégaraptoridés en général », ajoute-t-il.

Alors que les tyrannosaures régnaient au sommet de la chaîne alimentaire en Amérique du Nord, le sud du continent aurait été dominé par les mégaraptorans. Leur morphologie suggère toutefois des techniques de chasse radicalement différentes. J. casali et ses congénères, élancés et rapides, disposaient de longs membres et de griffes disproportionnées, idéales pour lacérer et manipuler leurs proies. Celles de J. casali, en forme de faucilles, atteignent presque la taille d’un avant-bras. Cette physionomie laisse supposer des attaques fondées sur l’agilité et la précision.

griffe megaraptor
La griffe du pouce de J. casali. © Matt Lamanna

À l’inverse, les tyrannosaures, tel le Tyrannosaurus rex (plus de quatre fois plus massif que J. casali), étaient trapus, dotés de mâchoires puissantes capables de broyer des os, mais de membres antérieurs ridiculement petits, qui limitaient leur capacité à manipuler les proies.

Selon les chercheurs, la description de J. casali a enrichi notre compréhension des Megaraptoridae, de leurs relations phylogénétiques et de leur paléoécologie. « Nous connaissions déjà ce groupe, mais certains des matériaux récemment récupérés, comme le maxillaire, peuvent désormais être comparés pour la première fois à d’autres membres du groupe », explique Rubén Martínez, coauteur de l’étude. « Cette découverte est donc importante, car elle éclaire davantage l’ostéologie et, dans une certaine mesure, l’histoire évolutive des Megaraptoridae », conclut-il.

Source : Nature Communications
Laisser un commentaire