Recycler les batteries lithium-ion pourrait réduire de 35% leur empreinte carbone mondiale, selon une étude

Cette économie circulaire doit être basée sur la coopération mondiale pour une décarbonation véritablement efficace.

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| Pixabay
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Les émissions de carbone de la chaîne d’approvisionnement des batteries lithium-ion pourraient être réduites jusqu’à 35 % en instaurant une économie circulaire fondée sur le recyclage et la coopération internationale, selon une récente étude. Caractérisée par un réseau complexe d’échanges mondiaux, cette chaîne ne pourrait être efficacement décarbonée qu’à travers des réglementations strictes et une synergie entre les pays, la majorité des émissions provenant de l’extraction de ressources minières stratégiques telles que le lithium, le cobalt et le nickel.

La transition énergétique demeure l’une des priorités mondiales dans la lutte contre le réchauffement climatique, en réduisant notamment la dépendance aux énergies fossiles. Cette mutation repose sur des technologies de stockage de l’énergie, comme les batteries lithium-ion, aujourd’hui omniprésentes dans les appareils électriques. Les estimations prévoient que ce marché atteindra 180 milliards de dollars d’ici à 2030, porté par une demande croissante.

Si ces batteries jouent un rôle essentiel dans l’intégration des énergies renouvelables, leur production et leur élimination génèrent toutefois une empreinte carbone significative, remettant en cause leur pertinence comme solution durable. Toute leur chaîne de production, allant de l’extraction des minéraux au montage et à l’exportation des produits finis, a des impacts environnementaux substantiels.

À ces effets s’ajoute une chaîne d’approvisionnement mondiale fragmentée, qui provoque une répartition inégale des émissions et complique encore les ambitions de neutralité carbone. Les technologies de recyclage avancées apparaissent comme une piste prometteuse pour atténuer ces effets.

Des recherches ont montré que le recyclage en boucle fermée — qui réutilise les matériaux issus de batteries en fin de vie — peut réduire considérablement l’empreinte carbone du secteur. Les méthodes directes, hydrométallurgiques et pyrométallurgiques permettraient ainsi de diminuer les émissions de carbone de 61 %, 51 % et 17 % respectivement.

Cependant, bien que de nombreuses études aient analysé les impacts des batteries lithium-ion sur l’ensemble de leur cycle de vie, elles se concentrent souvent sur des étapes isolées ou des cadres économiques partiels. Elles ne fournissent donc pas une vision complète des interactions complexes entre régulations politiques, dynamiques commerciales et innovations technologiques — des éléments pourtant essentiels pour élaborer des stratégies de réduction de l’empreinte carbone.

Afin de combler ces lacunes, une étude codirigée par l’Université technologique de Beijing propose un cadre mondial pour le recyclage des batteries lithium-ion, évaluant en détail le potentiel de décarbonation à chaque étape de leur cycle de vie. « Notre approche comble le fossé entre l’analyse ascendante du cycle de vie et la modélisation économique descendante, en intégrant des données détaillées et spécifiques aux processus dans un cadre global d’équilibre général calculable (EGC) », expliquent les chercheurs dans leur article publié dans la revue Nature.

Des chaînes mondialisées, entre interdépendances et tensions

La chaîne d’approvisionnement des batteries lithium-ion s’étend sur plusieurs continents. L’extraction du lithium s’effectue principalement en Australie et au Chili, tandis que le raffinage est mené en Corée du Sud et en Europe. Les batteries sont ensuite exportées à travers le monde après assemblage. Ce réseau d’approvisionnement est désormais influencé par des politiques nationales et des régulations parfois contradictoires.

Le règlement sur les batteries de l’Union européenne (Règlement (UE) 2023/1542) impose ainsi des exigences strictes en matière de recyclage. De son côté, la loi américaine sur la réduction de l’inflation exige qu’un pourcentage croissant de la valeur des minéraux critiques utilisés dans les batteries provienne de sources locales, afin de réduire la dépendance des États-Unis aux importations de matières premières.

Ces impératifs géopolitiques montrent combien une coopération internationale est nécessaire pour diminuer l’empreinte environnementale des batteries lithium-ion. « Nos simulations révèlent que, si les politiques axées sur le recyclage sont efficaces, leur impact dépend fortement du contexte », précisent les chercheurs. « La décarbonation la plus significative ne peut être obtenue qu’en combinant plusieurs leviers politiques », ajoutent-ils.

Un paradoxe entre valeur réelle et émissions carbone

En modélisant les émissions de carbone de cette chaîne d’approvisionnement, les chercheurs ont mis en évidence un « paradoxe valeur-émission » : certaines étapes génèrent des bénéfices économiques moindres tout en produisant davantage d’émissions.

Le paradoxe le plus marquant se situe au niveau de l’extraction minière, responsable à elle seule de 38,52 % des émissions totales de carbone, tout en ne représentant que 18,78 % de la valeur du produit fini. À l’inverse, la production des cathodes contribue à 42,56 % de la valeur économique tout en n’engendrant que 34,82 % des émissions.

Le recyclage des batteries, dans le cadre d’une économie circulaire, permettrait en revanche de réduire les émissions de 35,28 % en moyenne à l’échelle mondiale. Les réduction régionales pourraient atteindre 39,14 % aux États-Unis, 37,28 % dans l’Union européenne et jusqu’à 42,35 % en Chine.

Les pays riches en ressources, comme ceux du Triangle du lithium — le Chili, l’Argentine et la Bolivie — n’enregistreraient toutefois que des bénéfices modestes, de l’ordre de 26,28 % en moyenne. Selon les chercheurs, cette disparité souligne la nécessité d’une stratégie de décarbonation mondiale coordonnée, adaptée aux spécificités régionales.

Enfin, les auteurs avertissent qu’un cadre global pour une économie circulaire des batteries lithium-ion pourrait aussi engendrer des inégalités : certains pays en tireraient plus d’avantages que d’autres. Ils recommandent donc de fonder cette économie sur des accords solides et mutuellement bénéfiques entre nations.

Source : Nature
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