L’utilisation du smartphone la nuit associée à un risque suicidaire accru, selon une étude

L’utilisation entre 23h et 1h du matin est associée à un risque plus élevé de pensées suicidaires pendant la journée.

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Une étude révèle que l’utilisation de smartphone entre 23h et 1h du matin est associée à un risque plus élevé de pensées suicidaires le lendemain chez les adultes. Leur utilisation active plus tard dans la journée, après 1h du matin, est en revanche liée à un risque plus faible d’avoir des idées suicidaires. Cela pourrait s’expliquer par le fait que les heures nocturnes ont tendance à favoriser les idées négatives en affectant le sommeil et en accentuant la détresse psychologique.

Environ 727 000 personnes se suicident chaque année selon l’OMS. Pour chaque victime, on compte en moyenne une vingtaine de tentatives. Il s’agit de l’une des principales causes de décès chez les jeunes. Elle découle principalement de problèmes de santé mentale qui affectent désormais plus d’un milliard de personnes dans le monde. Parmi les troubles les plus fréquents figurent l’anxiété et la dépression.

L’identification des facteurs de risque immédiats et modifiables est essentielle à sa prévention et aux interventions ciblées. De récentes études ont identifié la nuit comme période à haut risque. Il a été démontré que les troubles du sommeil (sommeil interrompu ou trop court, incapacité à s’endormir vite, etc.) sont associés à un risque accru de pensées suicidaires le lendemain.

Cependant, les comportements nocturnes modifiables susceptibles d’influencer le risque de suicide restent incompris. Des chercheurs de l’Université du Wisconsin-Madison et de l’Université Notre Dame, dans l’Indiana, avancent l’hypothèse selon laquelle l’utilisation nocturne de smartphones pourrait être impliquée. Leurs impacts sur la santé mentale font depuis peu l’objet de recherches actives en raison de leur omniprésence et de la dépendance croissante dans notre société moderne envers ces appareils.

Entre 23h et 1h du matin: une période à haut risque ?

L’utilisation du smartphone la nuit est susceptible de perturber le sommeil de différentes manières telles que l’exposition à la lumière bleue, les contenus émotionnellement stimulants et les notifications intempestives. Des enquêtes ont montré que son utilisation avant le coucher, l’envoi de SMS fréquents ou encore les réveils fréquents à cause des notifications sont associés à une mauvaise qualité de sommeil et une détresse psychologique accrue.

De précédentes recherches ont également montré que les personnes sujettes aux pensées suicidaires ont tendance à utiliser plus fréquemment leur téléphone tard le soir. Cependant, la manière dont son utilisation pendant ces heures influence le risque de suicide, ni si cet impact diffère selon que la personne consulte passivement son smartphone ou l’utilise activement, sont peu explorés.

Pour explorer ces questions, l’équipe de la nouvelle étude a recruté 79 adultes sujets aux pensées suicidaires. Les volontaires ont tous eu des comportements suicidaires signalés au cours du mois précédant l’enquête. Cette dernière consistait en un suivi de 28 jours au cours duquel plus de 7,5 millions de captures d’écran sur les téléphones des participants ont été recueillies toutes les 5 secondes lorsque le téléphone était actif, à l’aide d’un logiciel préinstallé.

Les participants ont également reçu une évaluation écologique momentanée (EMA), une approche consistant à collecter des données en temps réel dans leur environnement naturel, dans le but de comprendre leurs ressentis et leurs expériences. Un modèle d’apprentissage profond a aussi été utilisé pour distinguer l’utilisation active et passive des smartphones. La première indique la présence ou l’utilisation du clavier, tandis que la seconde est une consultation sans clavier du téléphone.

Les résultats – détaillés dans la revue JAMA Network Open – ont révélé que les intervalles d’utilisation de téléphone plus longs (entre 7 et 9 heures) sont associés à un risque plus faible de pensées suicidaires que les intervalles plus courts (entre 4 et 7 heures) — il s’agit ici des intervalles d’inactivité du téléphone, non de la durée d’usage. D’autre part, l’utilisation du smartphone entre 23h du soir et 1h du matin est corrélée à un risque plus élevé de pensées suicidaires le lendemain.

En revanche, leur utilisation plus tard dans la nuit ou tôt le matin (entre 1h et 5h du matin) était associée à un plus faible risque d’idées suicidaires. En outre, l’utilisation active, c’est-à-dire l’utilisation du clavier, semblait avoir un effet protecteur, les pensées suicidaires apparaissaient moins fréquentes dans ce cas précis.

« Cette étude a mis en évidence des associations temporelles spécifiques entre l’utilisation nocturne du smartphone et les idées suicidaires et la planification du suicide le lendemain », indiquent les chercheurs dans leur étude. « L’utilisation en fin de soirée était un indicateur de vulnérabilité, tandis qu’une utilisation active en milieu de nuit semblait avoir un effet protecteur. »

À noter toutefois que l’étude comporte certaines limites, notamment la petite taille de l’échantillon et son manque de diversité (l’enquête a été menée sur un seul site). Il est aussi important de considérer que les personnes souffrant de dépression (les volontaires de l’étude) ont tendance à surestimer leur utilisation du téléphone, ce qui pourrait introduire un biais dans les résultats.

Néanmoins, « ces résultats permettent de distinguer la consommation passive nocive des stratégies d’adaptation numériques potentiellement efficaces, et pourraient contribuer à l’élaboration d’approches plus ciblées en matière de prévention du suicide », conclut l’équipe.

Source : JAMA Network Open
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