Un « plasma glacé » crée des grains de glace duveteux et dévoile une physique inattendue

Un type de glace en forme de fractales composant certains halos d’étoiles en formation.

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| Caltech
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Des physiciens sont parvenus à créer en laboratoire un « plasma glacé » où de minuscules grains de glace duveteux se sont formés spontanément, similaires à ceux composant certains halos de gaz entourant les étoiles en formation. Ce type de glace en forme de fractales se forme dans un environnement où les électrons et les ions coexistent dans un gaz neutre entre des électrodes ultra-froides. Ces résultats pourraient avoir des implications pour la compréhension de nombreux processus astrophysiques et technologiques.

Le plasma, le quatrième état de la matière après les états solide, liquide et gazeux, se produit lorsqu’un gaz est fortement excité de sorte que les électrons sont arrachés aux atomes qui le composent. Les électrons et les ions chargés présents le rendent très sensible aux effets des champs électrique, magnétique et électromagnétique. Cette sensibilité rend très complexe l’étude de sa dynamique.

Représentant plus de 99% de la matière ordinaire, il est très répandu dans l’Univers. Sur Terre, il est généralement observé à des températures élevées qui favorisent l’ionisation comme celles de la foudre ou des soudures à arc, ou encore lors d’aurores qui se produisent dans la haute atmosphère. Dans l’espace, il compose les halos de gaz et de poussière entourant les étoiles en formation ou les supernovas, la matière intergalactique, la surface des étoiles, les jets de blazars et de trous noirs, etc.

Mais si le plasma est généralement associé à des phénomènes à haute température, il peut aussi être lié à des particules de glace. Des images prises par le télescope spatial James Webb de nuages moléculaires lointains révèlent de tels processus, notamment des poussières de glace contenues dans des poches de gaz excité, ainsi que dans la matière entourant les étoiles en formation.

Dans le cadre d’une étude publiée le mois dernier dans Physical Review Letters, des chercheurs de l’Institut technologique de Californie (Caltech) ont reproduit ces « interactions chaud-froid » en laboratoire et ont découvert des processus physiques inattendus.

Des grains floconneux en forme de fractal

Pour créer leur « plasma glacé », les chercheurs ont fait interagir des électrons et des ions chargés positivement entre des électrodes ultra-froides, au sein d’un environnement gazeux principalement neutre. Ils y ont ensuite injecté de la vapeur d’eau pour induire la formation de grains de glace.

En analysant le comportement des grains à l’aide d’une caméra équipée d’un objectif microscopique longue portée, les chercheurs ont constaté que les grains prenaient des formes duveteuses. Ils se développaient notamment en formant des fractales, des structures ramifiées et irrégulières, approximativement auto-similaires à différentes échelles.

Cette structure particulière a engendré des processus physiques inattendus. « Les grains de glace formés dans un plasma cryogénique présentent des morphologies fractales qui induisent une dynamique collective particulière », expliquent les chercheurs dans leur étude.

« Il s’avère que la texture duveteuse des grains a des conséquences importantes », ajoute dans un billet de blog, Paul Bellan, professeur de physique appliquée à Caltech et coauteur de l’étude. L’une de ces conséquences est que même en grossissant, les grains sont si floconneux qu’ils contiennent beaucoup moins de masse qu’un grain de glace sphérique standard.

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Des grains de glace, illuminés par un faisceau laser vert, sont en suspension dans la décharge plasma (violette). Les encarts montrent des grains de glace individuels observés avec un grossissement de 20x. © Bellan Plasma Group/Caltech

Des mouvements qui « défient la gravité »

L’équipe a également constaté que les grains floconneux se chargeaient rapidement négativement, car les électrons contenus dans le plasma se déplacent plus vite que les ions chargés positivement. En outre, « ils sont si floconneux que leur rapport charge/masse est très élevé, de sorte que les forces électriques sont bien plus importantes que les forces gravitationnelles », indique Bellan.

Comme le mouvement des grains est davantage véhiculé par les flux de gaz, l’influence de la gravité est relativement faible même lorsqu’ils grossissent et atteignent des diamètres millimétriques. En revanche, cette dynamique ne se manifeste pas pour les grains sphériques et compacts, pour lesquels la gravité constitue le principal moteur du mouvement. Si ces grains standards ont tendance à se déposer directement au fond des enceintes d’essai, les grains floconneux montrent des mouvements complexes qui semblent, selon les termes de l’équipe, « défier la gravité ».

Plutôt que de retomber directement sous l’effet de la gravité, les grains duveteux se sont dispersés dans le plasma de l’enceinte d’expérimentation, en oscillant, en tournant sur eux-mêmes et en tourbillonnant avec des mouvements imprévisibles. Cette dynamique demeurait similaire même lorsque les grains atteignaient des tailles relativement importantes.

D’après les chercheurs, cette dynamique complexe et imprévisible dans le nuage de plasma s’expliquerait par la forme même des grains. En effet, ils sont fortement confinés au sein de ce plasma par un champ électrique dirigé vers l’intérieur. Et comme ils sont tous chargés négativement, ils se repousseraient mutuellement en tendant à s’espacer uniformément, plutôt que d’entrer en collision ou de retomber rapidement vers le bas.

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Animation montrant le nuage de grains de glace qui présente un mouvement complexe entre les électrodes qui maintiennent le plasma dans le dispositif expérimental. © Bellan Plasma Group/Caltech

Vers une meilleure compréhension de processus astrophysiques

D’après Bellan, ce comportement pourrait avoir des implications dans la compréhension de la manière dont les grains de glace de charge similaire se déplacent dans des environnements astrophysiques, tels que les anneaux de Saturne et les nuages moléculaires. « On pourrait créer un vent où le champ électrique repousse les grains de poussière, qui à leur tour repoussent le gaz neutre », suggère-t-il. Ces grains duveteux pourraient ainsi être à l’origine des courants de gaz et de poussière qui traversent les galaxies.

Par ailleurs, ces résultats pourraient contribuer à la production de semi-conducteurs. Lors de leur fabrication, la poussière qui se forme spontanément dans les plasmas industriels peut s’incruster dans leur structure, ce qui peut les rendre inutilisables. Comprendre la croissance des grains fractaux et leurs mouvements dans les plasmas pourrait potentiellement déboucher sur des stratégies permettant d’éliminer efficacement la poussière.

Source : Physical Review Letters
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