Des chercheurs chinois ont développé une peau électronique robotique neuromorphique permettant aux robots de « ressentir » le toucher et la douleur. La technologie viserait notamment à imiter les réflexes innés humains permettant d’enclencher des mouvements, par exemple en réponse à une brûlure. Cette capacité permettrait aux robots humanoïdes de mieux interagir avec leurs environnements de manière à optimiser les interactions intuitives homme-robot.
La robotique humanoïde a connu des avancées remarquables au cours des dernières années grâce à des technologies telles que les capteurs à haute résolution, le traitement d’images et l’intégration de l’IA. Les robots humanoïdes peuvent désormais marcher, courir, sauter, effectuer des mouvements complexes avec leurs bras et manipuler des objets délicats avec leurs mains et leurs doigts articulés.
Une avancée notable réside dans les technologies de détection conférant aux robots une perception tactile. Ces technologies dites « peaux électroniques robotiques » (RE-skin) sont cependant limitées aux fonctionnalités tactiles de base telles que la détection de la pression. Autrement dit, il s’agit de simples couches pouvant détecter le contact, mais qui ne peuvent interpréter la signification du signal.
Chez l’humain par exemple, la partie du corps en contact avec un objet brûlant est instinctivement retirée rapidement, un réflexe rendu possible grâce aux nerfs sensoriels présents dans la peau, qui envoient un signal rapide vers la moelle épinière, avant même que le cerveau n’en soit informé — celui-ci étant alerté après l’initiation du réflexe. Ce système de réflexe dit « inné » contribue à prévenir les blessures graves.
En revanche, si un incident similaire se produisait avec un robot humanoïde, il devrait généralement transmettre les données de ses capteurs à une unité centrale de traitement (CPU), attendre que le système les traite, puis envoyer une commande aux actionneurs du bras (ou de la partie affectée) pour le déplacer. Mais malgré les avancées en matière de capteurs, même un bref délai peut augmenter le risque de dommages importants.
Mis à part la prévention des dommages, les chercheurs estiment que conférer aux robots humanoïdes des systèmes de réflexe comparables à ceux des humains permettrait d’améliorer leur capacité à interagir dans des environnements complexes tels que les hôpitaux, les ménages et les zones industrielles. Dans cette vision, des chercheurs du département de génie biomédical de l’Université de la ville de Hong Kong ont mis au point un nouveau type de peau électronique robotique qui permettrait aux robots de ressentir la douleur.
Un système d’auto-réparation de type Lego
Baptisée « peau électronique robotique neuromorphique » (NRE-skin), la technologie consiste en quatre couches distinctes, dont une enveloppe externe de texture similaire à l’épiderme humain. Les couches suivantes contiennent des réseaux de capteurs et de circuits fonctionnant comme des nerfs humains. La peau externe envoie, à intervalles variables compris entre 75 et 150 secondes selon les conditions expérimentales, une faible impulsion électrique au processeur du robot, même lorsqu’elle n’est pas en contact avec un objet ou une surface. Ces signaux réguliers permettraient au robot de savoir que tout va bien.
En revanche, en cas de coupure ou de lésion, les impulsions régulières s’interrompent, ce qui indiquerait au robot la zone touchée et déclenche une alerte pour son propriétaire. Les contacts légers comme les touchers sont traités sous la forme de signaux indiquant au robot la force de la pression exercée.

Mais si le contact est trop intense jusqu’à provoquer une sensation de douleur, la peau enverrait un signal de haute tension directement au processeur, qui déclencherait en réponse une réaction rapide, comme un mouvement du bras. Le signal indiquant la douleur ne serait émis que lorsque les capteurs de la peau détectent une force de pression supérieure à un seuil défini.
Un système de type Lego intégré à la peau permettrait ensuite de réparer la lésion ou les dommages. Le NRE-skin est composé de patchs magnétiques pouvant s’assembler et se désassembler facilement si une partie est endommagée. Il suffirait ainsi de détacher et de remplacer celle-ci par une couche neuve en quelques secondes de manipulation.
« Notre peau électronique robotique neuromorphique présente une architecture hiérarchique d’inspiration neuronale permettant une détection tactile haute résolution, la détection active de la douleur et des blessures grâce aux réflexes locaux, et une réparation modulaire rapide », a écrit l’équipe dans son étude publiée le 22 décembre dans la revue PNAS. « Cette conception améliore considérablement le toucher robotique, la sécurité et l’interaction intuitive homme-robot pour les robots de service empathiques », ajoute-t-elle.
La prochaine étape des chercheurs consistera à améliorer la sensibilité de la peau afin qu’elle puisse percevoir et traiter plusieurs contacts simultanément. « En imitant les systèmes sensoriels et de protection humains, la NRE-skin facilite des interactions homme-robot plus naturelles et plus sûres », conclut l’équipe.


