Rêves : 6 questions-réponses pour les comprendre

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Activité psychique apparaissant au cours du sommeil, le rêve est un phénomène que nous expérimentons tous. Bien que très commun, il n’en reste pas moins nébuleux aux yeux des scientifiques qui n’ont pour le moment dégagé aucun consensus quant à son éventuelle fonction physiologique ou psychologique. Voici quelques réponses aux questions les plus courantes posées à propos des rêves. 

L’intérêt de l’Homme pour le rêve n’est pas nouvelle. Déjà, en -3000 à Sumer (Mésopotamie antique) ou dans l’Ancienne Égypte vers -2500, le songe était considéré comme prophétique, il constituait une véritable prémonition pour l’avenir. Par suite, l’interprétation du rêve a constamment évolué au fur et à mesure du développement des civilisations et des connaissances scientifiques. Aujourd’hui, il constitue un important sujet d’étude au sein de domaines divers comme la psychologie, la psychanalyse, les neurosciences ou encore la philosophie.

Le rêve est décrit comme un processus neuropsychique produisant une succession d’images, de sons ou de représentations mentales, mêlées à certaines émotions et sensations se déroulant au cours du sommeil. C’est une activité psychique commune à des nombreux animaux. Bien qu’étant un phénomène neurobiologique, le rêve est souvent rapporté comme un fait mémoriel. La science étudiant les rêves se nomme l’onirologie.

1. Quelle est l’origine de l’étrangeté des rêves ?

La mémoire épisodique est le processus neuropsychique par lequel l’humain se souvient d’événements spécifiques et de leurs éléments contextuels. Il s’agit donc d’une sous-partie de la mémoire à long terme chargée d’encoder, stocker et récupérer ces événements dans leur contexte spatio-temporel. Ces souvenirs épisodiques sont enregistrés dans l’hippocampe (partie du système limbique située dans le lobe temporal).

En phase de sommeil paradoxal, l’apparition de mouvements oculaires rapides, ou « MOR », c’est-à-dire des mouvements alternatifs rapides des globes oculaires, bloque l’accès aux souvenirs épisodiques depuis l’hippocampe. Cela signifie que durant cette phase de sommeil, le cerveau ne peut accéder à certains souvenir précis. Cependant, il a toujours accès aux souvenirs « généraux » stockés dans d’autres zones mémorielles constituant la trame du rêve.

Toujours au cours du sommeil paradoxal, l’activité de certaines zones du cortex préfrontal – impliqué dans le contrôle et la régulation des émotions – est intensifiée, produisant l’émergence d’émotions diverses accompagnant les différentes représentations mentales. En outre, les signaux provenant du cortex préfrontal dorsolatéral – impliqué dans le raisonnement logique et la prise de décision – sont inhibés, conduisant à l’apparition de situations et de décisions illogiques, qui semblent pourtant avoir du sens au cours du rêve.

2. Les rêves apparaissent-ils uniquement au cours du sommeil paradoxal ?

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Pour étudier l’activité du cerveau durant le sommeil, plusieurs outils sont utilisés. Ici, un électroencéphalogramme (EEG) chargé de mesurer l’activité cérébrale, un électrooculographe (EOG) chargé de mesurer l’activité des globes oculaires et un électromyographe (EMG) pour mesurer l’activité musculaire, sont effectués sur un sujet durant différentes phases. Au cours du sommeil paradoxal (REM), l’on s’aperçoit que l’activité oculaire augmente, indiquant la présence de mouvements oculaires rapides. Crédits : Shing-Tai Pan & al

L’étude scientifique des rêves ne commence véritablement qu’en 1953 avec les expériences menées par les neurologues américains Aserinsky and Nathaniel Kleitman de l’université de Chicago. Pour ces expériences, les médecins ont réuni plusieurs volontaires et les ont placés sous électroencéphalogramme (EEG) durant leur sommeil, tout en les réveillant à différentes étapes de celui-ci. C’est alors qu’ils ont mis en évidence le sommeil paradoxal et sa relation avec le rêve.

Des études récentes ont montré que le rêve est un processus qui se déroule tout au long du sommeil, et non uniquement pendant le sommeil paradoxal. L’activité du cortex préfrontal est réduite au cours du sommeil profond, c’est pourquoi les rêves qui apparaissent au cours de cette phase sont généralement neutres, sans dynamique émotionnelle, intégrant des éléments banals et donc le plus souvent impossibles à se remémorer.

Tandis que c’est au cours du sommeil paradoxal qu’apparaissent des rêves plus étranges, faisant intervenir des associations mentales illogiques et des représentations perturbantes ; ces rêves restent plus facilement en mémoire au réveil.

 

3. Pour quelles raisons les rêves sont-ils parfois difficiles, voire impossibles à se remémorer au réveil ?

Bien que certaines personnes affirment ne jamais rêver, de nombreuses expériences neurologiques ont démontré le contraire avec un constat ferme : tout le monde rêve. Toutefois, nous ne nous en rappelons pas toujours. Cela est en partie dû à l’activité cérébrale du cortex préfrontal médial (CPFM), qui diffère d’une personne à une autre durant le sommeil. Le CPFM est impliqué dans le stockage mémoriel des images et des sensations. Les personnes qui se souviennent fréquemment de leurs rêves sont celles pour lesquelles l’activité du CPFM durant le sommeil est élevée.

Le souvenir des rêves est également dû à la qualité du sommeil selon le neurologue Robert Stickgold, du département du sommeil à l’université de médecine d’Harvard. Durant le sommeil paradoxal, le cerveau ne forme que très peu de nouveaux souvenirs. Toutefois, en se réveillant pendant ou juste après un rêve, le cerveau est capable d’en enregistrer une partie dans la mémoire à long terme.

Les sujets se réveillant fréquemment au cours de la nuit se rappellent en général mieux de leurs rêves. Tandis que ceux dormant tout du long et ne se réveillant qu’au son de leur réveil montrent de grandes difficultés à s’en rappeler ; au réveil, le fait de tourner subitement son attention sur l’extinction de l’alarme, interfère avec le processus d’enregistrement mémoriel.

4. Quelle est la fonction des rêves ?

La fonction des rêves n’est actuellement pas connue avec exactitude. Certains scientifiques pensent même qu’ils ne constituent qu’un épiphénomène du sommeil et n’ont pas de but précis. Cependant, les psychologues et les neurologues ont avancé quelques hypothèses à ce sujet.

Dans le domaine de la psychologie analytique, les rêves ont une fonction compensatrice participant au développement et à l’équilibre de la personnalité. Ainsi, pour le psychiatre suisse Carl Gustav Jung « la fonction générale des rêves est d’essayer de rétablir notre équilibre psychologique à l’aide d’un matériel onirique qui, d’une façon subtile, reconstitue l’équilibre total de notre psychisme tout entier ».

Pour le neurologue français Michel Jouvet, le rêve n’est pas un état d’éveil ou un état de sommeil, mais un « troisième état du cerveau » permettant la programmation et la différenciation des individus au regard des éléments contextuels parmi lesquels ils évoluent. Pour certains neuro-anthropologues, le rêve possède une fonction évolutive importante pour la survie d’une espèce ; il permettrait de « tester » différents scénarios à travers diverses représentations mentales, c’est pourquoi les rêves sont fréquemment constitués de scènes où l’on se retrouve traqué ou chassé.

Pour d’autres encore, les rêves sont un important stimulant créatif, comme en témoigne Paul McCartney lorsqu’il affirme que la mélodie de sa célèbre chanson « Yesterday » lui est venue en rêve, ou le chimiste russe Dmitri Mendeleïev qui expliquait que la structure du tableau périodique lui était apparue au cours d’un de ses songes.

5. Les rêves ont-ils une signification ?

La possible signification des rêves a pris son essor avec le psychiatre autrichien Sigmund Freud, qui a développé au cours du 20ème siècle plusieurs outils psychanalytiques d’interprétation des rêves. Celui-ci disait que « l’interprétation des rêves est la voie royale vers la connaissance de l’activité inconsciente de l’esprit ». Selon lui, l’inconscient était la cible de pensées déviantes dont les rêves étaient un moyen d’expression et d’accession aux désirs les plus profonds.

Majoritairement réfutée par la science moderne dans sa forme psychanalytique, l’interprétation des rêves constitue néanmoins un champ d’étude intéressant en neurosciences. Les représentations mentales et la dynamique émotionnelle de ces dernières reflètent probablement ce que le cerveau considère comme important. Une étude a démontré que pratiquer une même activité tout au long d’une journée, par exemple jouer à Tetris, amène le cerveau à intégrer celle-ci au rêve. De même, lorsque l’on est par exemple accablé par l’anxiété, cette émotion sera dominante au cours du rêve.

Un grand nombre d’études suggèrent que les rêves sont généralement corrélés aux expériences quotidiennes. Toutefois, dans certains cas, les rêves ne sont également que des juxtapositions d’éléments sans logique apparente. L’analyse et l’interprétation des rêves pourrait avoir un effet thérapeutique selon le psychologue clinicien Mark Blagrove, de l’université de Swansea au Pays de Galles. Il rappelle cependant que les scientifiques sont loin d’être tous d’accord sur cette hypothèse.

6. Femmes et hommes rêvent-ils de manière identique ?

Certains études semblent démontrer que les femmes rêvent à part égale d’hommes et de femmes, tandis que les hommes rêvent majoritairement d’autres hommes. Michael Schredl, neurologue à l’Institut Central de la Santé Mentale à Mannheim (Allemagne), a montré que le plus souvent les hommes ont des rêves belliqueux, hostiles, dans lesquels ils combattent d’autres hommes ; tandis que les femmes présentent des rêves généralement plus paisibles, basés sur des interactions sociales amicales.

Il y a quelques années, la neuropsychiatre Christina Wong et ses collègues de l’université d’Ottawa ont développé un programme informatique pour différencier les rêves d’hommes et de femmes. Dans 75% des cas, l’ordinateur a identifié correctement l’origine féminine ou masculine des rêves. Cela pourrait suggérer qu’hommes et femmes rêvent différemment, bien qu’il soit encore trop tôt pour le confirmer.

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