Les conséquences du réchauffement climatique sont multiples et concernent l’ensemble de la planète. Les mers et océans sont particulièrement impactés par ce phénomène, conduisant à un changement climatique progressif global. C’est notamment le cas pour l’océan Atlantique Nord. En effet, des océanologues ont récemment mis en évidence un ralentissement généralisé de sa circulation océanique.
Les effets néfastes du réchauffement climatique ne cessent de se multiplier. Après avoir alerté les pouvoirs publics sur la situation alarmante de la banquise arctique, les scientifiques tirent aujourd’hui la sonnette d’alarme concernant l’émergence de perturbations océaniques systémiques. Une équipe internationale de physiciens, climatologues et océanologues vient en effet de publier une étude dans la revue Nature, indiquant un ralentissement progressif de la circulation océanique atlantique nord.
Plus particulièrement, ce ralentissement touche la circulation méridienne de retournement Atlantique (AMOC). Cette dernière est une circulation thermoaline (circulation océanique engendrée par des différences de densité de l’eau de mer) constituée de deux cellules convectives. La cellule supérieure est formée par la circulation des eaux chaudes de surface vers le nord, où leur densité augmente sous l’action des flux thermiques et d’eau douce ainsi que des échanges atmosphériques. La cellule inférieure est formée par la circulation vers le sud des eaux profondes et leur remontée au niveau de la divergence antarctique.
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Ces mouvements d’ensemble sont extrêmement importants puisqu’ils régulent le climat à l’échelle planétaire en équilibrant les variations thermiques sur l’ensemble du globe. Des moussons africaines aux tornades nord-américaines en passant par les giboulées européennes, l’AMOC est responsable du système climatique mondial. « Cette circulation de retournement redistribue la chaleur sur l’ensemble de la planète » explique Levke Caesar, physicien au Potsdam Institute et auteur principal de l’étude. « Elle transporte la chaleur depuis les tropiques vers les hautes latitudes ».
Les résultats de l’étude indiquent que le débit moyen de l’AMOC a diminué de 15% – soit 3±1 sverdrups, avec 1 Sv = 106 m3/s – depuis la moitié du 20ème siècle. Son niveau le plus bas depuis 1500 ans. Bien que cette diminution avait déjà été modélisée grâce à de puissantes simulations, c’est la première fois que les scientifiques l’observent directement. Pour ce faire, ces derniers ont mesuré les schémas de circulation ainsi que les températures saisonnières d’une zone d’eau froide subpolaire de l’océan Atlantique Nord, appelée « la Tache froide ».
Les résultats révèlent une élévation des températures de surface potentiellement dues à l’action combinée de l’augmentation de la quantité de dioxyde de carbone atmosphérique et du réchauffement climatique, observés depuis les 150 dernières années. Le réchauffement des eaux de surface bloque partiellement le refroidissement des couches inférieures, empêchant les eaux de s’enfoncer et se retourner. Les banquises et glaciers du Groenland fondent et se déversent dans les zones de retournement des eaux, conduisant à leur dessalage, à une diminution de leur densité et donc à une plus grande difficulté pour celles-ci de plonger. En outre, les pluies s’intensifient dans l’hémisphère nord et les sécheresses s’accentuent dans l’hémisphère sud, perturbant également la circulation.
« La poursuite du réchauffement climatique risque, à long terme, de ralentir toujours plus l’AMOC en modifiant le cycle hydrologique global, en accentuant la fonte des glaces et des banquises groenlandaises, conduisant à un refroidissement drastique des eaux de l’océan Atlantique Nord » explique Caesar. « C’est un changement lent pour le moment, mais nous l’accélérons. Le vrai danger réside dans notre incapacité à prédire ce qui arrivera ».
Une seconde étude conduite par une équipe internationale d’océanologues et de physiciens ayant observé les températures et modèles circulatoires de la mer du Labrador, dont les mouvements convectifs prennent leur source dans l’AMOC, a montré que ce ralentissement de la circulation Atlantique Nord s’accentuait et pourrait aboutir, d’ici quelques dizaines d’années, à un arrêt complet de la circulation océanique. Les conséquences sur le climat seraient alors catastrophiques selon les auteurs.
Toutefois, l’interprétation des données par Caesar et ses collègues ne recueille pas l’unanimité de la communauté scientifique. Certains climatologues comme les géophysicien Phil Klotzbach (université du Colorado) ou Andreas Schmittner (université de l’Oregon) affirment que l’analyse des chercheurs du Potsdam Institute est cohérente avec les observations actuelles et rend bien compte de la situation climatique globale.
À l’opposé, d’autres scientifiques se montrent plus réticents. Le climatologue Carl Wunsch (MIT) explique que « l’hypothèse d’une diminution de l’AMOC est concevable, mais manque de données pour être confortée ». Quant au géophysicien Kevin Trenberth (Centre national de recherche atmosphérique américain), celui-ci affirme que son travail récent privilégie les cycles réguliers dans l’atmosphère plutôt que dans l’océan. Il a déclaré que l’étude de Potsdam n’explique pas la variabilité d’une année à l’autre, contrairement aux cycles atmosphériques.