Comme vous vous en doutiez très certainement en lisant le titre de cet article, les singes noirs du Costa Rica sont censés être… noirs, à l’exception de quelques poils orangés vers le bas du dos.
En effet, le singe hurleur à manteau (Alouatta palliata) est principalement recouvert d’une fourrure noire. Il en va de même pour tous les singes hurleurs noirs des forêts d’Amérique centrale, et du nord de l’Amérique du Sud.
Cependant, au Costa Rica, il se passe quelque chose d’étrange : au cours de ces cinq dernières années, les singes hurleurs de cette région ont commencé à changer de couleur, en passant du noir au jaune… Au début, il ne s’agissait que d’une ou deux taches jaunes crème sur les membres et la queue, et cela ne concernait que quelques individus seulement.
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Mais au fil du temps, ces cas se sont multipliés. À présent, les scientifiques ont signalé au moins 21 singes hurleurs ayant une fourrure jaune, et vivant à l’état sauvage le long de la côte du Costa Rica.
Les taches de fourrure jaune semblent augmenter non seulement en nombre, mais aussi en taille. Chez certains singes, la pigmentation jaunâtre surpasse même le volume de fourrure noire. Les scientifiques ont signalé au moins deux singes sauvages entièrement recouverts de fourrure jaune, sans plus aucune coloration noire. Bien entendu, ces changements rapides ont dérouté les scientifiques, qui ont mené des inspections minutieuses des fourrures de ces animaux, et suggèrent que les pesticides pourraient en être la cause.
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En effet, en analysant la fourrure de ces anomalies costariciennes, les chercheurs ont découvert une différence dans le type de mélanine produite. À savoir que la mélanine est le pigment qui colore les cheveux et la peau. Différentes formes de mélanine permettent de créer une variété de couleurs : chez la plupart des singes hurleurs à manteau noir, c’est un pigment appelé eumélanine qui règne, produisant une fourrure noire, grise ou brun foncée.
Mais depuis un moment, chez certains singes hurleurs, l’eumélanine s’est littéralement transformée en phéomélanine, qui produit des tons jaune, rouge ou orange. « Ces observations représentent des cas de pigmentation totalement anormaux, ceux-ci n’ayant jamais été signalés auparavant chez des animaux en captivité, ou dans la nature. De plus, nous ne sommes pas au courant de quelconques changements similaires dans la pigmentation d’autres primates ou d’autres groupes de mammifères à travers le monde », concluent les auteurs.
Il s’agit donc de la première fois que des scientifiques constatent un changement aussi rapide et radical dans la pigmentation de la fourrure des primates, ou de tout autre mammifère.
Selon les chercheurs, bien que les raisons pour lesquelles ces pigments changent de cette manière ne sont toujours pas parfaitement clairs, les pesticides en sont très probablement les principaux responsables.
En effet, il s’avère que le pigment responsable des fourrures jaunes des singes contient du soufre, et que ce dernier constitue également la base de la plupart des pesticides utilisés à travers le monde. De ce fait, les chercheurs supposent que, comme ces singes du Costa Rica sont davantage exposés à des pesticides, l’abondance de soufre corrompt le pigment de leur fourrure, modifiant ainsi la structure de la mélanine et, par conséquent, leur couleur générale.
De plus, au Costa Rica, les exploitations d’ananas, de bananes et d’huile de palme ont récemment commencé à utiliser un plus grand nombre de pesticides contenant du soufre. En effet, le Costa Rica est l’un des pays qui utilise le plus de pesticides au monde, avec une moyenne de plus de 25 kilogrammes appliqués par hectare de terre cultivée.
Les singes hurleurs à manteau noir pourraient donc bien être les victimes de ces produits chimiques. Au Costa Rica, ces singes se nourrissent principalement de feuilles d’arbres entourant ces types d’exploitations. De ce fait, ils consomment probablement une quantité importante de pesticides, ce qui pourrait avoir comme conséquence d’influencer la mélanine, et par conséquent, la couleur de leur fourrure.
Bien entendu, pour l’instant, il ne s’agit que de spéculations des chercheurs. Il faudra encore approfondir les recherches afin de déterminer la cause exacte de ce changement de pigmentation. De plus, il est crucial pour la survie de ces singes de comprendre ce qui se passe réellement, car ce changement de couleur de fourrure pourrait les rendre également plus vulnérables aux attaques des jaguars et des autres prédateurs.