La confirmation expérimentale de l’existence des ondes gravitationnelles, plus de 100 ans après qu’elles aient été prédites par Albert Einstein, a fait entrer la cosmologie dans une nouvelle ère. Jusqu’à présent, 11 événements ont été détectés, permettant aux scientifiques d’affiner leurs connaissances sur ces véritables ondulations de l’espace-temps. Si les ondes gravitationnelles sont des produits de la gravité, subissent-elles également, au même titre que les autres éléments du cosmos, les effets de celle-ci ?
Dans la théorie de la relativité générale, la gravité n’est plus une force mais la déformation de la géométrie de l’espace-temps. La distribution de matière-énergie dicte à l’espace-temps comment se courber, tandis que cette courbure, en retour, dicte aux masses et à l’énergie comment se déplacer. Cette relation est exprimée au sein de l’équation d’Einstein. Ainsi, en fonction du contenu énergie-matière présent, il est possible de déterminer de quelle manière la métrique de l’espace-temps sera affectée.
Le type de particule — élémentaire, composite, particule, antiparticule — ne joue aucun rôle dans le phénomène ; dès lors que de l’énergie est présente, la masse n’étant qu’une forme d’énergie, l’espace-temps sera courbé. Ainsi, même les particules de masse nulle sont affectées par la gravité. Cela est particulièrement visible dans le phénomène de lentille gravitationnelle, où les rayons lumineux émis par une source lointaine suivent les géodésiques imprimées par une masse située entre cette source et l’observateur.
Dès lors, il n’y aurait aucune raison de penser que les ondes gravitationnelles soient une exception. Après tout, elles partagent un certain nombre de points communs avec les photons : elles sont de masse nulle, se déplacent à la vitesse de la lumière dans le vide et transportent de l’énergie. Et ce dernier point est particulièrement important car, dans la relativité générale, c’est bien l’énergie qui affecte l’espace-temps.
Tout comme la lumière, une onde gravitationnelle possède une longueur d’onde. Tout comme la lumière, elle possède une énergie liée à sa longueur d’onde et à son intensité/amplitude. Et toujours comme la lumière, sa longueur d’onde est étirée par le processus d’expansion de l’Univers (redshift).
Actuellement, 11 événements d’ondes gravitationnelles ont été détectés par les interféromètres LIGO et Virgo. Chacun correspondant à des événements de fusion entre trous noirs ou étoiles à neutrons. Le plus proche de ceux-ci était situé à 100 millions d’années-lumière ; avec un temps de voyage aussi long, l’effet de l’expansion de l’Univers est important, et lorsque les ondes sont mesurées sur Terre, l’on s’aperçoit qu’elles ont clairement été étirées au cours de leur voyage par l’expansion de l’Univers.
Cet élément indique bien que les ondes gravitationnelles, en se déplaçant à travers l’Univers, sont affectées par la courbure et l’expansion de l’espace. Il existe également un autre indice. Lors de l’observation de la fusion d’étoiles à neutrons en 2017, baptisée GW170817, l’événement a émis à la fois des ondes gravitationnelles et un sursaut gamma. Les deux signaux sont arrivés pratiquement simultanément sur Terre (moins de 2 secondes de différence).
Sur le même sujet : Comment les ondes gravitationnelles s’échappent-elles des trous noirs ?
Parcourant un trajet de 100 millions d’années-lumière, et considérant qu’il y a plus de 30 millions de secondes dans une année, il est possible de montrer que les vitesse de la lumière et de la gravité sont identiques à une valeur de 1 partie par quadrillion (1015). Cela montre que quelques soient les retards subis par les photons parcourant l’Univers en raison de la courbure de l’espace, les ondes gravitationnelles subissent les mêmes retards.
Dans une zone fortement affectée par la gravité, chaque objet doit suivre la trajectoire tracée par la courbure de l’espace. Comme, par exemple, autour de la galaxie massive dans laquelle l’événement GW170817 a été détecté. Le fait que les photons et les ondes gravitationnelles arrivent simultanément indique qu’ils ont tous les deux dû affronter la courbure de l’espace pour s’échapper de la galaxie en question.
Donc, d’après nos observations : les ondes gravitationnelles sont étirées par l’expansion de l’Univers, suivent les mêmes trajectoires que les photons, subissent les mêmes dilatations et retards temporels que les autres particules sans masse, et subissent les mêmes changements énergétiques lorsqu’elles pénètrent et s’échappent de zones de l’espace fortement courbées.
Ultimement, les physiciens pensent que dans la description quantique de la gravité, les gravitons sont les bosons médiateurs de cette interaction. Si les ondes gravitationnelles subissent la gravité, cela signifie que les gravitons n’interagissent pas uniquement qu’entre les particules du Modèle Standard, mais également entre eux, formant une interaction graviton-graviton.
Lorsque deux ondes gravitationnelles différentes se rencontrent, dans la relativité générale, elles interfèrent. En effet, la théorie d’Einstein étant non-linéaire, les ondes gravitationnelles doivent interagir et se diffuser, elles ne peuvent simplement passer l’une à travers l’autre. Dans le cadre d’une théorie de la gravité quantique, cela indiquerait donc bien une interaction de diffusion graviton-graviton.