Les amas galactiques sont des associations de plus d’une centaine de galaxies liées entre elles par la gravitation. Plusieurs de ces amas se côtoient dans l’Univers, certains pouvant même fusionner entre eux. Mais pour la première fois, une équipe d’astrophysiciens italiens a observé une crête de plasma parcourue de particules relativistes reliant deux amas de galaxies. Une découverte qui devrait en apprendre aux scientifiques sur les différentes interactions de ces structures.
Les amas de galaxies sont un excellent laboratoire pour étudier la physique qui régit notre Univers. Ces zones cosmiques abritent des centaines, voire des milliers de galaxies, mais elles contiennent également de grandes quantités de gaz chaud et de matière noire. Et lorsque les amas de galaxies fusionnent, le phénomène est riche en informations pour les scientifiques.
Une équipe d’astronomes dirigée par Federica Govoni de l’Institut national italien d’astrophysique, a découvert pour la première fois une « crête » de plasma émettant des ondes radio reliant deux amas de galaxies en cours de fusion : Abell 0399 et Abell 0401. La crête, qui fait partie du réseau cosmique le long duquel les amas de galaxies ont tendance à se rassembler, s’étend sur environ 10 millions d’années-lumière et présente des preuves d’un champ magnétique et de particules relativistes — des électrons se déplaçant à une vitesse proche de celle de la lumière. L’étude a été publiée dans la revue Science.
Une crête de plasma magnétisé reliant deux amas de galaxies
La toile cosmique est constituée de filaments d’hydrogène gazeux ressemblant à une toile d’araignée s’étendant dans l’Univers. Les astronomes pensent que cette toile trace la distribution de la matière noire, qui ne peut être détectée que par son attraction gravitationnelle. Les amas de galaxies ont tendance à se rassembler aux intersections de ces filaments, ce qui en fait des lieux d’étude extrêmement intéressants.
L’équipe de Govoni avait déjà découvert des traces de champs magnétiques dans les deux groupes lors de travaux antérieurs. Des observations avec le satellite Plank de l’Agence spatiale européenne avaient également permis de découvrir un filament de plasma chaud — faisant partie du réseau cosmique — reliant également les amas. Le groupe de Govoni s’est alors demandé si des champs magnétiques pouvaient s’étendre le long du filament plasmatique, reliant peut-être aussi les deux groupes.
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Pour enquêter, l’équipe a utilisé le réseau basse fréquence (LOFAR), un réseau de radiotélescopes aux Pays-Bas. En analysant leurs observations effectuées avec LOFAR, l’équipe a repéré une « source radio faible, diffuse et étendue » entre les amas. « C’est une preuve directe de la présence de champs magnétiques et de particules relativistes dans le filament reliant ces deux systèmes », indique Govoni. Sur la base de simulations modélisant leurs résultats, l’équipe a conclu que la crête avait un champ magnétique environ un million de fois inférieur à celui de la Terre.
Des particules accélérées par des ondes de choc
La présence de matière reliant deux amas n’est pas étrange. Mais la zone sur laquelle l’équipe a vu une émission radio est plus grande que prévu, ce qui suggère que quelque chose d’inhabituel se passe. Les amas de galaxies sont souvent remplis et entourés de particules à mouvement rapide. Dans ce cas, l’équipe de Govoni pense qu’un processus est en train de ré-accélérer les électrons dans la crête.
En d’autres termes, la vitesse des particules entre les amas est accélérée. L’équipe estime, en se basant sur des simulations ultérieures, que « quelque chose » est généré par des ondes de choc produites lors de la fusion des deux amas, un phénomène courant et qui a déjà été observé comme ré-accélérateur de particules dans d’autres situations.