Des chercheurs ont mis au point un nouveau moyen d’observer les cellules, en utilisant leur propre matériel génétique pour prendre des photos ! Cette technique, appelée microscopie à ADN, produit des images de qualité inférieure à celles de la microscopie traditionnelle (optique), mais pourrait aider les scientifiques à mettre sur pied des traitements efficaces dans le domaine de la lutte contre le cancer ainsi qu’en apprendre davantage sur la formation du système nerveux.
Pour réaliser cette microscopie à ADN, Joshua Weinstein du Broad Institute de Cambridge dans le Massachusetts (USA), ainsi que ses collègues, ont commencé avec un groupe de cellules dans une boîte de Petri. En créant des versions d’ADN des molécules d’ARN dans les cellules, celles-ci ont produit un grand nombre de molécules d’ADN, que les chercheurs ont ensuite pu suivre. Ils ont alors ajouté des étiquettes, soit de petits morceaux d’ADN qui se sont accrochés à ces copies d’ADN.
« La microscopie ADN est une approche ingénieuse. Je pense qu’elle sera beaucoup utilisée », affirme le généticien Howard Chang de la Stanford University School of Medicine à Palo Alto, qui n’est pas lié à l’étude.
Ensuite, les scientifiques ont mélangé des produits chimiques qui produisent plusieurs copies de ces étiquettes et des molécules d’ADN auxquelles elles se connectent : au fur et à mesure que ces copies se construisent, elles commencent à s’éloigner de leur emplacement d’origine. Puis, lorsque deux molécules d’ADN errantes se rencontrent, elles se lient et créent une étiquette d’ADN unique qui marque la rencontre.
Il faut savoir que ces étiquettes sont absolument cruciales pour capturer une image ADN des cellules. En effet, si deux molécules d’ADN commencent à se rapprocher, leurs copies diffusantes produiront plus de marqueurs que deux molécules d’ADN plus éloignées l’une de l’autre.
Pour compter ces étiquettes, les chercheurs ont dû broyer les cellules et analyser l’ADN qu’elles contenaient. Puis, ils ont utilisé un algorithme informatique pour générer une image. « Les molécules d’ADN originales ressemblent à des pylônes radio qui envoient des messages sous forme de molécules d’ADN », explique Weinstein. Ainsi, les chercheurs peuvent détecter lorsqu’une tour communique avec une autre tour située à proximité et utilise le modèle de transmission entres les tours, pour cartographier leurs emplacements.
Pour déterminer la qualité du fonctionnement de cette technique, les chercheurs l’ont testée sur des cellules portant des gènes pour des protéines vertes ou rouges. L’image créée à l’aide de la microscopie ADN n’était donc pas si précise qu’une image que l’on pourrait obtenir avec la microscopie traditionnelle, cependant, elle a tout de même permis aux chercheurs de distinguer les cellules rouges et vertes, génétiquement distinctes.
« Cela a permis de capturer la disposition des cellules », explique Weinstein. De ce fait, cette capacité pourrait être utile pour analyser des échantillons d’organes dans un corps humain, par exemple. Malheureusement, à l’heure actuelle, cette technique ne peut pas encore révéler de détails précis dans les cellules.
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« L’objectif n’est pas de remplacer la microscopie optique. Mais la microscopie à ADN peut faire des choses que la microscopie optique traditionnelle ne peut pas faire. Par exemple, la microscopie optique ne permet souvent pas de distinguer les cellules présentant des différences d’ADN, telles que les cellules tumorales présentant des mutations spécifiques ou les cellules immunitaires, qui sont souvent génétiquement uniques après avoir brassé leur ADN », a déclaré Weinstein.
Weinstein explique également que la microscopie à ADN peut aider à améliorer certains traitements contre le cancer : au fur et à mesure que notre système nerveux se développe, les cellules produisent souvent des ARN uniques leur permettant de fabriquer des protéines spécialisées. Cette technique pourrait donc aider les chercheurs à étudier ces cellules de manière générale.
Joakim Lundeberg, technologue en molécules du KTH Royal Institute of Technology de Stockholm (en Suède) trouve que cette nouvelle technique est « plutôt cool ». À savoir que ce dernier a aidé à développer une approche permettant de visualiser l’ARN dans les cellules. Cependant, il met également en garde que l’étude est préliminaire, et qu’il faudra effectuer encore d’autres recherches pour déterminer de manière précise toutes les capacités de cette technique. « La microscopie à ADN serait utile si elle pouvait produire des images 3D de cellules dans un échantillon », a-t-il expliqué.