Il y a maintenant plus de 100 ans, Albert Einstein publiait sa théorie de la relativité générale, et détrônait ainsi Newton. Depuis, les prédictions de la théorie d’Einstein ont été testées et validées expérimentalement de nombreuses fois sur Terre et dans le Système solaire. Les astrophysiciens ont donc souhaité la pousser dans ses retranchements en l’éprouvant dans l’un des environnements les plus intenses de l’Univers : les abords d’un trou noir supermassif. En étudiant le redshift gravitationnel d’une étoile en orbite autour du trou noir supermassif central de la Voie lactée, les chercheurs ont à nouveau pu confirmer les prédictions de la relativité.
Les scientifiques ont largement testé les prévisions de la relativité générale dans des champs gravitationnels relativement faibles, tels que ceux situés sur la Terre et dans le Système solaire. En présence de champs gravitationnels beaucoup plus puissants, tels que ceux des trous noirs supermassifs, supposés se cacher dans le cœur de pratiquement toutes les grandes galaxies, les chercheurs pourraient découvrir des violations de la relativité générale susceptibles de conduire à de nouvelles théories pouvant expliquer des mystères cosmiques tels que matière noire et énergie noire.
« Einstein a raison, du moins pour le moment » déclare Andrea Ghez, astrophysicien à l’université de Californie. « Nos observations sont cohérentes avec la théorie de la relativité générale d’Einstein. Cependant, sa théorie montre clairement sa vulnérabilité. Elle ne peut pas expliquer complètement la gravité à l’intérieur d’un trou noir et nous devrons un jour dépasser la théorie d’Einstein pour adopter une théorie de la gravité plus complète ».
L’environnement de Sagittarius A* : un laboratoire optimal pour tester la relativité générale
Dans la nouvelle étude, les astronomes ont étudié le trou noir supermassif Sagittaire A* (Sgr A*). Ce géant, situé au cœur de la Voie lactée, possède une masse d’environ 4 millions de masses solaires et fait environ 23.6 millions de kilomètres de diamètre.
Les scientifiques ont surveillé l’étoile S0-2 en 2018, lorsqu’elle s’approchait au plus près de Sgr A* au cours de ses 16 ans d’orbite. L’étoile s’est approchée à 120 unités astronomiques (UA) du trou noir — (1 UA = 150 millions de kilomètres) — voyageant à 2.7% de la vitesse de la lumière.
En utilisant l’observatoire Keck, l’observatoire Gemini et le télescope Subaru à Hawaï, les astronomes ont réussi à suivre en 3D la totalité de l’orbite de S0-2. Ils ont alors combiné ces données avec des mesures effectuées au cours des 24 dernières années. Les chercheurs ont étudié une prédiction de la relativité générale connue sous le nom de redshift gravitationnel, dans laquelle la longueur d’onde de la lumière est étirée vers le domaine rouge du spectre électromagnétique.
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« Ces mesures marquent le début d’une ère où nous pouvons enfin tester la nature de la gravité en utilisant les orbites des étoiles autour du trou noir supermassif situé au centre de notre galaxie » écrit Tuan Do, astrophysicien à l’Université de Californie. « Cela a été longtemps anticipé théoriquement, mais il est vraiment excitant de pouvoir enfin le faire. C’est un jalon sur la voie de futurs tests plus puissants de la relativité générale et d’autres théories de la gravité ».
Redshift gravitationnel : Einstein avait encore raison
Le spectre lumineux de S0-2 a révélé que le décalage vers le rouge dû à la gravité extrême de Sagittarius A* était compatible avec la relativité générale. Les résultats ont été publiés dans la revue Science.
C’était surprenant de voir les prédictions de la théorie de la relativité générale « fonctionner même si les trous noirs, encore moins les trous noirs supermassifs, n’étaient même pas connus quand Einstein a développé sa théorie » déclare Do.
Cette recherche sur S0-2 est la première de nombreuses études sur la relativité générale que les scientifiques envisagent de mener sur des étoiles situées près de Sgr A*. L’une de ces cibles est S0-102, dont l’orbite est la plus courte parmi les plus de 3000 étoiles situées près du trou noir supermassif, avec une orbite de 11.5 ans.
Vidéo expliquant le test expérimental mené par les chercheurs :