S0-2 : l’étoile qui permettra de tester la relativité générale d’Einstein est enfin prête

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L'étoile S0-2 (orbite bleu turquoise), qui permettra d'ici quelques mois de tester la théorie de la relativité générale d'Einstein. | S. Sakai/A. Ghez/W. M. Keck Observatory/UCLA
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Depuis sa publication en 1916, la théorie de la relativité générale d’Einstein ne cesse d’être éprouvée et de passer avec succès tous les tests expérimentaux auxquels elle est soumise. Après avoir récemment confirmé le principe d’équivalence, les scientifiques prévoient de mettre à l’épreuve, in situ, un autre phénomène fondamental de la relativité générale : le décalage vers le rouge (ou redshift) gravitationnel. Pour cela, ils utiliseront S0-2, une étoile qui passera d’ici quelques mois à proximité de Sagittarius A*, le trou noir supermassif logé au centre de notre galaxie.

Continuer à vérifier la théorie de la gravitation d’Einstein est d’une importance capitale. Pour le prochain test de grande envergure mené en ce sens, les scientifiques ont décidé d’étudier le comportement d’une étoile aux alentours d’un trou noir supermassif. Si la candidate stellaire était déjà choisie depuis un long moment, un doute persistait toutefois sur sa situation : est-elle seule ou bien fait-elle partie d’un système binaire ? Dans ce dernier cas, l’observation aurait été bien plus compliquée. Toutefois, récemment, des astronomes ont infirmé cette hypothèse.

Avec 4 millions de masses solaires, Sagittarius A*, le trou noir supermassif situé au centre de la Voie lactée à quelques 26’000 années-lumière de la Terre, exerce une forte attraction gravitationnelle sur tous les corps périphériques. Lorsqu’une étoile passe à proximité, l’effet gravitationnel est si intense qu’il provoque l’accélération de l’étoile jusqu’à une vitesse de 30 millions de km/h – soit 3% de la vitesse de la lumière dans le vide. Ces quelques étoiles hyper-véloces sont baptisées « S-stars ».

Une invitation à rêver, prête à être portée.

Une de ces S-stars est nommée « Source 2 » ou « S0-2 ». Après 16 années de préparation, de calculs et de simulations, les astrophysiciens ont prévu d’observer attentivement S0-2 car d’ici quelques mois, son orbite croisera de manière extrêmement proche celle de Sagittarius A*. Cependant, pour réaliser une observation correcte, l’étoile doit être dépourvue de compagnon stellaire. Or, beaucoup d’étoiles hyper-véloces font partie de systèmes binaires ; l’incertitude sur la situation de S0-2 était donc source d’angoisse pour les scientifiques.

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Illustration montrant les orbites des différentes S-stars situées dans un cadran de 1.0 X 1.0 secondes d’arc au centre de la Voie lactée. Ces orbites sont la meilleure preuve de l’existence d’un trou noir supermassif (Sagittarius A*). Crédits : UCLA Galactic Center Group/ Keck

Fort heureusement, dans une étude publiée dans The Astrophysical Journal, une équipe d’astrophysiciens a démontré que ce n’était pas le cas. En effet, grâce à différentes données recueillies concernant la vitesse et la dynamique de Source 2, les auteurs montrent que celle-ci ne possède pas de compagnon binaire susceptible de compliquer les observations. En outre, même si elle possédait un compagnon, la masse de ce dernier serait trop faible pour influencer les résultats de la mission.

« Ce sont les premiers travaux étudiant S0-2 comme une binaire spectroscopique » explique Devin Chu (UCLA’s Galactic Center Group), un des auteurs principaux. « C’est incroyablement gratifiant. Cette étude nous donne l’assurance que le potentiel système binaire de S0-2 n’affectera pas la possibilité de mesurer correctement le décalage vers le rouge gravitationnel ».

Le phénomène de redshift gravitationnel est un des postulats majeurs de la relativité générale. Dans la théorie d’Einstein, la gravitation résulte de la déformation de la géométrie de l’espace-temps par des objets massifs. Pour les masses les plus imposantes, l’espace-temps est si déformé que les distances rétrécissent ou s’étirent et que le temps lui-même s’écoule différemment. Quand une étoile est plongée dans le champ gravitationnel d’un trou noir, sa lumière, pour s’échapper, doit gravir une sorte de barrière appelée « puits gravitationnel ». Cette dépense d’énergie étire alors la longueur d’onde des photons vers le rouge.

S0-2 est la candidate retenue par les scientifiques car ce sera la seule étoile connue à se trouver aussi près de Sagittarius A*. En effet, d’ici quelques mois, la distance entre Source 2 et le trou noir ne sera que de 17 heures-lumière, soit 3 fois la distance Soleil-Pluton. À cette distance, l’étoile subira de plein fouet l’intense effet gravitationnel du monstre cosmique. Il y a 16 ans, S0-2 était dans la même situation, mais à l’époque, les astrophysiciens ne possédaient pas encore les moyens techniques d’en étudier le redshift.

« Ce sera la première observation de ce type » affirme Tuan Do (Galactic Center Group), co-auteur de l’étude. « La gravité est actuellement la moins bien testée des différentes forces de la nature. Jusqu’à maintenant, la théorie d’Einstein a passé tous ses autres tests avec succès, donc si une anomalie est détectée, cela devrait soulever beaucoup de questions quant à la nature de la gravité ! ».

Maintenant que la question du compagnon stellaire de S0-2 est réglée, les astrophysiciens du Galactic Center Group envisagent d’effectuer d’autres mesures spectroscopiques sur les différentes S-stars orbitant Sagittarius A*. Ces données leur permettront de comparer les diverses hypothèses qui tentent d’expliquer l’absence de compagnon binaire dans le cas de Source 2.

Pour finir, Chu confie : « Nous avons attendu 16 années pour cet événement. Nous sommes angoissés à l’idée de voir comment l’étoile se comportera sous la violente poussée gravitationnelle du trou noir. S0-2 confirmera-t-elle la théorie d’Einstein ? Ou bien défiera-t-elle notre compréhension des lois physiques ? Nous le saurons bientôt ! ».

Source : The Astrophysical Journal

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