L’acide désoxyribonucléique, ou ADN, est une macromolécule cellulaire support de l’information génétique. Constitué d’un enchaînement de nucléotides, il prend l’apparence d’un double brin dont l’appariement se fait grâce à des liaisons hydrogène. En tout cas, cette vision était celle des modèles admis jusqu’à maintenant. Cependant, des biochimistes ont récemment démontré que cette fixation des deux brins n’était pas le fait des liaisons hydrogène, mais de forces hydrophobes régnant au sein de la cellule. Une découverte qui pourrait avoir d’importantes implications en médecine.
Des chercheurs de l’Université de technologie Chalmers, en Suède, ont réfuté la théorie actuelle sur la façon dont l’ADN se lie. Contrairement à ce qu’affirmaient les modèles jusqu’à maintenant, ce ne sont pas des liaisons hydrogène qui lient ensemble les deux brins de la structure de l’ADN. Au lieu de cela, l’eau est la clé. Cette découverte ouvre la voie à de nouvelles connaissances en recherche en médecine et en sciences de la vie. Les résultats ont été publiés dans la revue PNAS.
L’ADN est constitué de deux brins composés de molécules de sucre et de groupes phosphate. Entre ces deux brins se trouvent des bases azotées, les composés qui constituent les gènes, avec des liaisons hydrogène entre eux. Jusqu’à présent, les biochimistes pensaient que ces liaisons hydrogène maintenaient les deux brins ensemble.
Une structure hélicoïdale maintenue par des conditions hydrophobes
Mais à présent, des chercheurs ont montré que le secret de la structure hélicoïdale de l’ADN réside dans le fait que les molécules ont un intérieur hydrophobe, dans un environnement constitué principalement d’eau. L’environnement est donc hydrophile, alors que les bases azotées des molécules d’ADN sont hydrophobes, repoussant les molécules d’eau. Lorsque les unités hydrophobes se trouvent dans un environnement hydrophile, elles se regroupent pour minimiser leur exposition à l’eau.
Le rôle des liaisons hydrogène, qui étaient auparavant considérées comme essentielles pour maintenir les hélices d’ADN ensemble, semble être davantage lié au tri des paires de bases afin qu’elles se lient dans le bon ordre. La découverte est cruciale pour comprendre la relation de l’ADN avec son environnement.
« Les cellules veulent protéger leur ADN et ne pas l’exposer à des environnements hydrophobes, qui peuvent parfois contenir des molécules nocives. Mais en même temps, l’ADN des cellules doit s’ouvrir pour pouvoir être utilisé. Nous pensons que la cellule conserve son ADN dans une solution aqueuse la plupart du temps, mais dès qu’une cellule veut faire quelque chose avec son ADN, comme la lire, la copier ou la réparer, elle expose l’ADN à un environnement hydrophobe » explique Bobo Feng, biochimiste et auteur de l’étude.
Des protéines spécifiques à l’origine d’un environnement hydrophobe
La réplication, par exemple, implique que les paires de bases se désapparient les unes des autres et s’ouvrent. Les enzymes copient ensuite les deux côtés de l’hélice pour créer un nouvel ADN.
Lorsqu’il s’agit de réparer de l’ADN endommagé, les zones endommagées sont soumises à un environnement hydrophobe, pour être remplacées. Une protéine catalytique crée l’environnement hydrophobe. Ce type de protéine est au cœur de toutes les réparations de l’ADN, ce qui signifie qu’elle pourrait être la clé de la lutte contre de nombreuses maladies graves.
La compréhension de ces protéines pourrait donner de nombreuses informations nouvelles sur la lutte contre les bactéries résistantes, par exemple, ou le traitement potentiel du cancer. Les bactéries utilisent une protéine appelée RecA pour réparer leur ADN, et les chercheurs pensent que leurs résultats pourraient fournir de nouvelles informations sur le fonctionnement de ce processus, offrant potentiellement des méthodes pour l’arrêter et tuer ainsi la bactérie. Dans les cellules humaines, la protéine Rad51 répare l’ADN et fixe les séquences d’ADN mutées, qui pourraient sinon provoquer le cancer.
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« Pour comprendre le cancer, nous devons comprendre comment l’ADN est réparé. Pour se faire, nous devons d’abord comprendre l’ADN lui-même. Jusqu’à présent, nous ne l’avons pas fait, car nous pensions que les liaisons hydrogène étaient ce qui le maintenait lié. Maintenant, nous avons montré que ce sont plutôt les forces hydrophobes qui se cachent derrière cela » explique Feng.
« Nous avons également montré que l’ADN se comporte totalement différemment dans un environnement hydrophobe. Cela pourrait nous aider à comprendre l’ADN et sa réparation. Personne n’avait auparavant placé cet ADN dans un environnement hydrophobe comme celui-ci ni étudié son comportement. Il n’est donc pas étonnant que personne ne l’ait découvert jusqu’à présent » ajoute-t-il.
L’importance de l’environnement hydrophobe dans l’intégrité de l’ADN
Les chercheurs ont également étudié le comportement de l’ADN dans un environnement plus hydrophobe que la normale, méthode dont ils ont été les premiers à expérimenter. Ils ont utilisé la solution hydrophobe de polyéthylène glycol et ont modifié progressivement l’environnement de l’ADN, qui est passé d’un environnement naturellement hydrophile à un environnement hydrophobe.
Ils cherchaient à savoir s’il existe une limite à laquelle l’ADN commence à perdre sa structure, alors que l’ADN n’a aucune raison de se lier, car l’environnement n’est plus hydrophile. Les chercheurs ont observé que lorsque la solution atteignait la limite entre hydrophile et hydrophobe, la forme en spirale caractéristique des molécules d’ADN commençait à s’effriter.
Après une inspection plus minutieuse, ils ont constaté que lorsque les paires de bases se séparaient les unes des autres (en raison d’influences externes ou simplement de mouvements aléatoires), des trous se formaient dans la structure, ce qui permettait à l’eau d’y pénétrer. Puisque l’ADN veut garder sa structure interne au sec, il se resserre, avec les paires de bases se réunissant à nouveau pour faire sortir l’eau. Dans un environnement hydrophobe, cette eau manque, les trous restent donc en place.