Afin de soigner les grands brûlés et pour le traitement de diverses maladies affectant la peau, la mise au point de greffons de peau artificielle est devenu un domaine de recherche d’avenir, mais jusqu’ici, l’absence de système vasculaire fonctionnel dans les greffons constitue un obstacle important à leur intégration. Pour remédier à ce problème, des chercheurs de l’Institut polytechnique Rensselaer ont mis au point un moyen d’imprimer en 3D de la « peau vivante » en y incorporant des vaisseaux sanguins.
« À l’heure actuelle, tout ce qui est disponible en tant que produit clinique (de greffe) s’apparente davantage à un pansement sophistiqué », a déclaré Pankaj Karande, professeur agrégé en génie chimique et biologique et membre du Centre de biotechnologie et d’études interdisciplinaires (CBIS), qui a dirigé ce projet de recherche à l’Institut polytechnique Rensselaer (États-Unis). « Ils permettent une cicatrisation accélérée des plaies, mais ils finissent par tomber ; ils ne s’intègrent jamais vraiment aux cellules hôtes ».
L’absence de système vasculaire fonctionnel dans les greffons de peau constitue un obstacle important à cette intégration. Karande tente de relever ce défi depuis plusieurs années. Il a notamment publié précédemment l’un des premiers articles montrant qu’il était possible, à partir de deux types de cellules humaines vivantes, de les transformer en « bio-encres » afin d’imprimer de la peau aux propriétés biologiques plus naturelles. Depuis lors, lui et son équipe travaillent avec des chercheurs de la Yale School of Medicine à l’incorporation de vaisseaux sanguins dans des greffons artificiels.
Leur nouvelle conception, détaillée dans un document publié la semaine dernière dans la revue Tissue Engineering Part A, représente une étape importante dans la création de greffons artificiels aux propriétés proches de celles de la peau humaine.
Permettre la communication cellulaire pour interconnecter les structures vasculaires
Dans leur article, les chercheurs montrent que s’ils ajoutent certains éléments clés, les cellules commencent à communiquer et à former une structure vasculaire biologiquement pertinente en l’espace de quelques semaines. Ces éléments clés incluent notamment : des cellules endothéliales humaines (qui tapissent l’intérieur des vaisseaux sanguins), des péricytes humaines (qui enveloppent les cellules endothéliales), des kératinocytes ainsi que du collagène animal et d’autres cellules structurelles généralement présentes dans les greffons cutanés.
« En tant qu’ingénieurs travaillant à la reconstitution de la biologie, nous avons toujours apprécié et compris que la biologie est beaucoup plus complexe que les systèmes simples que nous fabriquons en laboratoire », a déclaré Karande. « Nous avons été agréablement surpris de constater que, dès que nous abordons cette complexité, la biologie prend le relais et commence à se rapprocher de ce qui existe dans la nature ».
Une fois que l’équipe de Yale a greffé la nouvelle peau sur un type spécial de souris, les vaisseaux sanguins imprimés par l’équipe de Rensselaer ont commencé à communiquer et à se connecter avec les vaisseaux naturels de la souris.
« C’est extrêmement important, car nous savons qu’il y a en fait un transfert de sang et de nutriments vers le greffon, ce qui le maintient en vie », a déclaré Karande.
Rendre le greffon compatible en utilisant la technique d’édition génétique CRISPR
Afin de rendre la peau artificielle utilisable au niveau clinique, les chercheurs doivent pouvoir éditer les cellules du donneur en utilisant la technologie CRISPR, afin que les vaisseaux puissent s’intégrer et être acceptés par le corps du patient. « Nous n’en sommes pas encore à ce stade, mais nous nous en rapprochons d’un grand pas », a déclaré Karande.
« Ce développement significatif (présenté dans l’étude) met en évidence le vaste potentiel de la bioimpression 3D dans la médecine de précision, où des solutions peuvent être adaptées à des situations spécifiques et éventuellement aux individus », a déclaré Deepak Vashishth, directeur du CBIS. « Il s’agit d’un exemple parfait de la façon dont les ingénieurs de Rensselaer résolvent les problèmes liés à la santé humaine ».
Sur le même sujet : Première application de peau de porc génétiquement modifié (à cellules vivantes) sur une plaie humaine
Karande a déclaré que davantage d’études devront être effectuées pour relever les défis associés aux brûlés, notamment la perte de terminaisons nerveuses et vasculaires. Mais les greffons créées par son équipe inciteront les autres chercheurs à aider les personnes aux prises avec des problèmes plus discrets, tels que le diabète ou les ulcères de pression.
« Pour ces patients, ce serait parfait, car les ulcères apparaissent généralement à des endroits distincts du corps et peuvent être traités avec de plus petits morceaux de peau », a déclaré Karande. « La cicatrisation des plaies prend généralement plus de temps chez les patients diabétiques, ce qui pourrait également contribuer à accélérer ce processus ».
Dans la vidéo ci-dessous, Karande présente sa conception :