Tandis que l’épidémie à coronavirus 2019-nCoV continue de s’étendre, les virologues s’astreignent à mieux comprendre ce nouveau virus afin de développer des pistes de prophylaxie et de traitement. Récemment, une équipe de chercheurs a montré que le génome de 2019-nCoV était 80% identique à celui du coronavirus responsable du SRAS. Une similarité qui pourrait permettre d’utiliser les protocoles thérapeutiques développés dans le cadre du SRAS contre le coronavirus 2019-nCoV.
Le nouveau coronavirus qui se propage en Chine semble être similaire au SRAS de deux manières importantes : les deux virus partagent 80% de leur code génétique et tous deux proviennent de chauves-souris. Telles sont les conclusions d’une paire d’études publiées dans la revue Nature, qui approfondissent le génome du coronavirus de Wuhan (2019-nCoV), qui a infecté plus de 20’000 personnes et en a tuées plus de 400 depuis décembre.
« En substance, c’est une version du SRAS qui se propage plus facilement mais provoque moins de dégâts. Cela indique que les traitements et vaccins développés pour le SRAS devraient fonctionner pour le virus de Wuhan » explique Ian Jones, virologue à l’Université de Reading au Royaume-Uni.
Le séquençage du génome des différents coronavirus
De nombreux coronavirus sont des zoonoses, ce qui signifie qu’ils peuvent se propager aux humains à partir d’animaux. Dans le cas du SRAS et du nouveau coronavirus (officiellement nommé 2019-nCoV), les chauves-souris étaient les hôtes d’origine. Elles ont ensuite infecté d’autres animaux via leurs déjections ou leur salive, et les intermédiaires involontaires ont transmis le virus aux humains.
Entre novembre 2002 et juillet 2003, le SRAS a tué 774 personnes et en a infecté 8098 dans 29 pays. Pour déterminer l’origine du nouveau coronavirus, les scientifiques ont examiné les génomes complets des échantillons de coronavirus prélevés sur les patients au début de l’épidémie.
2019-nCoV : un coronavirus similaire au SRAS
Dans la première étude, une équipe dirigée par des chercheurs de l’Institut de virologie de Wuhan a examiné des échantillons de virus de sept patients qui ont initialement signalé des cas de pneumonie sévère. Six des patients travaillaient sur le marché de gros de fruits de mer de Huanan à Wuhan, en Chine, où l’on pense que l’épidémie a commencé en décembre.
Environ 70% des échantillons étaient presque identiques les uns aux autres et leur séquence génétique était à 79.5% similaire au SRAS. Les chercheurs à l’origine de cette étude ont également découvert que 2019-nCoV est presque identique aux autres coronavirus circulant dans les populations de chauves-souris chinoises — 96% des codes génétiques correspondent.
Une deuxième étude, dirigée par des scientifiques de l’Université Fudan de Shanghai et du Centre chinois de contrôle et de prévention des maladies, a examiné un homme de 41 ans qui travaillait également au marché. Il est entré dans un hôpital de Wuhan le 26 décembre avec des symptômes de maladie respiratoire et de fièvre. Une analyse du virus qui l’a infecté a montré qu’il est à 89% similaire à un groupe de coronavirus de type SRAS appelés bétacoronavirus, qui avaient été précédemment trouvés chez des chauves-souris chinoises.
Comment le coronavirus infecte-t-il les cellules humaines ?
Vincent Munster, virologue aux Rocky Mountain Laboratories, avait précédemment déclaré que seuls les bétacoronavirus peuvent faire le saut chez l’Homme et s’installer dans nos voies respiratoires. En effet, tous les coronavirus n’ont pas la même forme.
La coquille circulaire du virus est parsemée de protéines en forme de pointe qui l’aident à se fixer à la cellule d’un hôte. Si la forme des pointes ne correspond pas aux récepteurs des cellules d’un hôte potentiel, le virus ne peut pas se propager. Mais lorsqu’un coronavirus mute, la forme de ces protéines est altérée, ce qui permet parfois au virus de se fixer à un nouvel hôte.
Zheng-Li Shi, l’auteur principal de l’étude qui a examiné sept échantillons de virus, a montré que le SRAS et le nouveau coronavirus peuvent se fixer au même récepteur, appelé ACE2. Cela peut expliquer les symptômes de pneumonie des patients.
Similarités entre 2019-nCoV et le SRAS : elles offrent une possibilité de traitement
Parce que le SRAS et 2019-nCoV se lient aux cellules humaines de la même manière, les auteurs des nouvelles études disent que les traitements potentiels pour le premier pourraient également fonctionner pour le second. Aucun traitement ou vaccin spécifique n’a été développé pour le SRAS ou ce coronavirus, mais les chercheurs ont travaillé sur certains médicaments et vaccins précliniques pour le SRAS. Ce travail pourrait probablement être appliqué à ce virus.
Cependant, ils ont déclaré que la capacité d’utiliser des anticorps du SRAS pour traiter 2019-nCoV doit encore être confirmée — pour l’instant, ce n’est qu’une hypothèse. Les auteurs de l’étude ont également suggéré deux autres façons potentielles de traiter le nouveau coronavirus.
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Les patients qui ont déjà été infectés par le 2019-nCoV ont produit des anticorps — des protéines utilisées par notre système immunitaire pour combattre les bactéries et les virus — qui ont le potentiel de neutraliser le virus. Un autre type d’anticorps anti-coronavirus produit chez les chevaux s’est également révélé neutraliser 2019-nCoV, ajoutent les auteurs. Cet anticorps de cheval a également été utilisé pour combattre le virus du SRAS.
Un hôte animal intermédiaire encore inconnu
Cependant, les experts n’ont pas encore confirmé l’espèce animale qui a permis au nouveau coronavirus de se propager des chauves-souris aux humains. « Nous ne savons toujours pas si une autre espèce a servi d’hôte intermédiaire pour amplifier le virus, ni quelle espèce cet hôte aurait pu être » explique Michael Skinner, virologue à l’Imperial College London. Mais la nouvelle étude de Shi et de ses collègues offre quelques indices.
Les informations génétiques du nouveau coronavirus indiquent qu’il peut se lier au récepteur ACE2 chez l’Homme, ainsi qu’au même récepteur chez les chauves-souris, les porcs et les civettes — un mammifère ressemblant à la belette qui a servi d’espèce intermédiaire pour le SRAS. Ces informations, associées à la similitude du virus avec d’autres coronavirus de chauve-souris, suggèrent que ces trois espèces pourraient être des intermédiaires.
« La transmission directe des CoV des chauves-souris aux personnes est également théoriquement possible » selon le Johns Hopkins Center for Health Security. Le 22 janvier, un groupe de scientifiques qui éditent la revue Journal of Medical Virology ont suggéré que l’espèce intermédiaire dans l’épidémie de coronavirus pourrait être le cobra chinois.
Mais Skinner a déclaré que ces nouvelles informations sur son génome indiquent que ce virus n’est pas vraiment compatible avec certains des hôtes les plus exotiques qui ont été considérés plus tôt dans l’épidémie. Cependant, la seule façon de savoir d’où vient le virus est de prélever des échantillons d’ADN sur les animaux vendus au marché de Huanan et sur les chauves-souris de la région.