La protéine en « pointe » du coronavirus vient d’être cartographiée, ouvrant potentiellement la voie au développement d’un vaccin. En effet, c’est de cette protéine que se sert le virus pour infecter les cellules humaines.
À l’heure actuelle, les scientifiques du monde entier font tout ce qu’ils peuvent pour pouvoir développer des vaccins et des médicaments potentiels pour lutter contre le nouveau coronavirus, connu désormais sous le nom de SARS-CoV-2 (SRAS-CoV-2 en français).
Nous rappelons que désormais, il faut utiliser le nom Covid-19 pour parler de l’épidémie actuelle (la maladie) et que le coronavirus en lui-même doit être appelé SARS-CoV-2, un qualificatif très scientifique dans lequel « CoV » signifie « coronavirus » et « SARS » (ou SRAS en français) est un acronyme de « syndrome respiratoire aigu sévère ». De ce fait, le nom « SARS-CoV-2 » a été choisi par le Comité international de taxonomie des virus pour faire comprendre que ce coronavirus est de la même famille que le SARS-CoV, à l’origine de l’épidémie de SARS entre 2002 et 2003, qui avait fait 774 morts dans le monde, dont 349 en Chine continentale.
Mais à présent, un groupe de chercheurs a découvert la structure moléculaire d’une protéine clé que le coronavirus utilise pour envahir les cellules humaines, ouvrant potentiellement la porte au développement d’un vaccin, selon de nouvelles découvertes.
Découverte d’une protéine dite « à pointe » qui pourrait bien changer la donne
Des recherches antérieures ont révélé que les coronavirus envahissent les cellules par le biais de protéines dites « à pointe », mais ces protéines prennent différentes formes dans différents coronavirus. De ce fait, « déterminer la forme de la protéine à pointe dans le SARS-Cov-2 est la clé pour déterminer comment cibler le virus », a déclaré Jason McLellan, auteur principal de l’étude et professeur agrégé de biosciences moléculaires à l’Université du Texas, à Austin.
Bien que le coronavirus utilise de nombreuses protéines différentes pour répliquer et envahir les cellules humaines, la protéine à pointe est la principale protéine de surface qu’elle utilise pour se lier à un récepteur (une autre protéine qui agit comme une porte d’entrée dans une cellule humaine). Puis, après la liaison de la protéine du virus au récepteur des cellules humaines, la membrane virale fusionne avec la membrane cellulaire humaine, permettant au génome du virus d’entrer dans les cellules humaines et de commencer l’infection.
De ce fait, « si nous pouvons empêcher l’attachement et la fusion, nous pourrons empêcher l’entrée », a déclaré McLellan. Mais bien entendu, pour cibler cette protéine, il faut déjà savoir à quoi elle ressemble.
Plus tôt ce mois-ci, des chercheurs ont publié le génome de SARS-Cov-2. Et c’est en utilisant ce génome que McLellan et son équipe, en collaboration avec les National Institutes of Health (NIH), ont identifié les gènes spécifiques qui codent la protéine à pointe. Ils ont ensuite transmis ces informations à une entreprise qui a créé des gènes et les a renvoyés. Le groupe a ensuite injecté ces derniers dans des cellules de mammifères dans une boîte de laboratoire, et ces cellules ont alors produit les protéines à pointe.
Ensuite, en utilisant une technique de microscopie très détaillée appelée microscopie électronique cryogénique, le groupe a créé une véritable « carte » en trois dimensions des protéines en question.
Le plan a révélé la structure de la molécule, cartographiant l’emplacement de chacun de ses atomes dans l’espace. « Il est impressionnant que ces chercheurs aient pu obtenir la structure si rapidement », a déclaré Aubree Gordon, professeur agrégé d’épidémiologie à l’Université du Michigan, qui ne faisait pas partie de l’étude. « C’est un pas en avant très important qui pourrait aider au développement d’un vaccin contre le SARS-COV-2 », a ajouté Gordon.
Stephen Morse, professeur à la Mailman School of Public Health de l’Université Columbia, qui ne faisait pas non plus partie de l’étude, est également d’accord. La protéine à pointe « serait le choix probable pour le développement rapide d’antigènes vaccinaux et de traitements », a-t-il déclaré. Connaître la structure de cette protéine à pointe serait en effet « très utile pour développer des vaccins et des anticorps ayant une bonne activité, tout comme la production de quantités plus élevées de ces protéines ».
Vers un vaccin ou un traitement pour lutter contre le coronavirus
À présent, les chercheurs sont en train d’envoyer leur découverte atomique à des dizaines de groupes de recherche à travers le monde, qui travaillent dans le but de développer des vaccins et des médicaments pour cibler le SARS-CoV-2. Pendant ce temps, McLellan et son équipe espèrent également utiliser la carte de la protéine à pointe comme base pour un vaccin.
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Il faut savoir que lorsque des envahisseurs étrangers tels que des bactéries ou des virus envahissent justement le corps, les cellules immunitaires ripostent en produisant des protéines appelées anticorps. Ces anticorps se lient à des structures spécifiques de l’envahisseur étranger, appelé antigène. Mais produire des anticorps peut prendre du temps. Les vaccins sont des antigènes morts ou affaiblis qui entraînent le système immunitaire à créer ces anticorps avant que le corps ne soit exposé au virus.
De ce fait, en théorie, la protéine à pointe elle-même « pourrait être le vaccin ou les variantes d’un vaccin», a déclaré McLellan. En effet, si nous injections ce vaccin à base de protéines à pointe, « les humains fabriqueraient des anticorps contre cette protéine à pointe, et puis s’ils s’exposent un jour au virus, le corps serait déjà préparé », a-t-il ajouté.
Des mutations et des changements pour créer une molécule encore plus stable
De plus, en se basant sur des recherches antérieures qu’ils ont effectuées sur d’autres coronavirus, les chercheurs ont introduit des mutations et des changements pour créer une molécule plus stable.
« La molécule a l’air vraiment bien ; elle se comporte vraiment bien ; la structure démontre en quelque sorte que la molécule est stable et confirme ce que nous espérions », a déclaré McLellan. « Alors maintenant, nous et d’autres utiliserons la molécule que nous avons créée comme base pour l’antigène du vaccin ». Leurs collègues du NIH vont à présent tester ces protéines dans le but de découvrir à quel point elles peuvent déclencher la production d’anticorps.
Grâce à cette nouvelle découverte, les chercheurs estiment qu’un vaccin est susceptible de voir le jour d’ici 18 à 24 mois. « C’est plutôt rapide par rapport au développement normal d’un vaccin, qui pourrait prendre environ 10 ans… », a déclaré McLellan. Une affaire à suivre de près.