En plein cœur de l’épidémie de coronavirus SARS-CoV-2, les immunologistes redoublent d’efforts pour élaborer un vaccin efficace le plus rapidement possible. Une fois développé, ce vaccin devra être produit, conditionné et distribué dans le monde entier afin qu’il soit administré aux populations. Seulement, une campagne de vaccination n’est pas sans écueils : il faut fabriquer des flacons adaptés, stocker les vaccins dans des contenants réfrigérés, produire des centaines de milliers d’aiguilles, etc. Ces pré-requis demandent du temps et sont coûteux. C’est pourquoi une équipe de chercheurs a récemment développé un tout nouveau type de vaccination, prenant la forme d’un petit film se dissolvant dans la bouche. Le film vaccinal, rapide et très peu coûteux à produire, ne nécessite ainsi aucune aiguille ni stockage réfrigéré.
Le groupe de recherche a développé une nouvelle méthode pour stabiliser les virus vivants et autres médicaments biologiques : dans un film à dissolution rapide qui ne nécessite pas de réfrigération et peut être administré par voie orale. Étant donné que les ingrédients pour produire le film sont peu coûteux et que le processus est relativement simple, cela pourrait rendre les campagnes de vaccination beaucoup plus abordables. De grandes quantités peuvent être expédiées et distribuées facilement du fait de sa forme plate et peu encombrante.
À l’échelle mondiale, les taux de vaccination se sont améliorés au cours de la dernière décennie, mais sont encore trop faibles — 13.5 millions d’enfants n’ont pas été vaccinés en 2018. Cette nouvelle technologie, récemment décrite dans la revue Science Advances, a le potentiel d’améliorer considérablement l’accès mondial aux vaccins et autres médicaments biologiques.
Une technique inspirée de l’ambre et des bonbons
L’équipe de recherche a commencé à développer cette technologie en 2007, lorsque les National Institutes of Health (NCI) ont demandé de développer une méthode de délivrance sans aiguille et stable pour un vaccin. L’idée de développer un film a été inspirée par un documentaire sur la façon dont l’ADN des insectes et autres êtres vivants peut être préservé pendant des millions d’années dans l’ambre. Les chercheurs se sont également inspirés des bonbons vendus dans le commerce.
Ils ont ainsi travaillé à mélanger une variété de formulations contenant des ingrédients naturels comme les sucres et les sels et à les tester pour leur capacité à former un bonbon solide ambré. Au départ, bon nombre des préparations testées ont tué l’organisme au fur et à mesure que le film se formait ou se cristallisait pendant le stockage, déchiquetant le virus ou les bactéries que les chercheurs tentaient de conserver.
Un vaccin facile et rapide à produire, peu coûteux et transportable à température ambiante
Mais finalement, après environ 450 essais au cours d’une année, une formulation qui pourrait suspendre les virus et les bactéries dans un film modelable a été trouvée. Au fur et à mesure que le processus de production s’est affiné, les chercheurs l’ont simplifié afin qu’une formation technique approfondie ne soit pas nécessaire pour le réaliser. De plus, l’équipe a modifié les ingrédients afin qu’ils sèchent plus rapidement, ce qui permettrait par exemple de préparer un lot de vaccins le matin pour l’expédier après le déjeuner.
Tous les vaccins stockés perdent leur puissance au fil du temps. La vitesse à laquelle ils le font dépend principalement de la température à laquelle ils sont maintenus. Garder les vaccins réfrigérés en continu est difficile et coûteux — et dans certaines parties du monde, cela est presque impossible. Créer un vaccin qui peut être stocké et transporté à température ambiante est donc un avantage considérable.
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Films vaccinaux : ils conservent de manière stable les virus et sont administrables facilement
La plus grande percée dans ce projet est survenue lorsque les chercheurs ont terminé leur travail sur le vaccin contre Ebola et retrouvé des films contenant le virus fabriqués il y a trois ans, stockés dans un récipient scellé sur la paillasse de laboratoire. Sur un coup de tête, ils les ont réhydratés et testés pour déterminer si le vaccin était encore capable d’induire une réponse immunitaire. Plus de 95% des virus du film étaient encore actifs. Atteindre ce type de durée de conservation d’un vaccin non réfrigéré était étonnant.
L’empreinte écologique laissée par les campagnes mondiales de vaccination n’est pas souvent prise en compte. La campagne philippine pour l’élimination de la rougeole de 2004, qui a vacciné 18 millions d’enfants en un mois, a généré 19.5 millions de seringues, soit 143 tonnes de déchets tranchants et près de 80 tonnes de déchets non dangereux — flacons vides, emballages de seringues, bouchons, tampons de coton et emballages.
Les implications pour une campagne plus vaste sont importantes. Ce nouveau film, en revanche, peut être distribué par des agents de santé équipés uniquement d’une enveloppe contenant le vaccin. Une fois pris, il ne laissera aucune trace.