Des échantillons d’un matériau supraconducteur ont été découverts pour la première fois dans des fragments de météorite géante. Il existe donc dans l’univers une supraconductivité naturelle, qui pourrait même influer sur la formation des objets stellaires et des planètes.
Les météorites qui s’écrasent sur Terre sont toujours l’opportunité d’obtenir de plus amples informations sur notre univers. Certaines renferment des minéraux jusqu’alors inconnus, des matériaux parfois plus anciens que le Système solaire, voire des protéines extraterrestres. La supraconductivité étant un sujet de recherche particulièrement prometteur aujourd’hui, une équipe de chercheurs de l’UC San Diego et du laboratoire Brookhaven de New York est partie en quête de matériaux supraconducteurs qui se seraient naturellement formés au sein de ces objets célestes.
Une propriété particulièrement rare à l’état naturel
Certains matériaux – tels que le plomb, le mercure ou certains oxydes – affichent des propriétés physiques complètement différentes si on les place à très basse température (la plupart du temps proche du zéro absolu). Ils deviennent alors supraconducteurs, ce qui signifie d’une part qu’ils n’opposent plus aucune résistance au passage du courant électrique et d’autre part, qu’ils repoussent les champs magnétiques (c’est l’effet Meissner). Ce phénomène – découvert par le physicien néerlandais Heike Kamerlingh Onnes en 1911 – s’expliquerait par la formation de paires d’électrons, qui finissent par former une onde quantique unique se déplaçant sans résistance dans la matière (selon la théorie BCS).
La plupart des éléments chimiques deviennent supraconducteurs à une température suffisamment basse, dite critique. Mais sur Terre, la supraconductivité à température ambiante n’existe pas. La température la plus élevée jamais atteinte pour observer le phénomène est de -23 °C, un record qui a été obtenu à partir de l’hydrure de lanthane.
« Les matériaux naturellement collectés ne sont pas des matériaux à phase pure. Même le minéral supraconducteur le plus simple, le plomb, n’est que rarement trouvé naturellement sous sa forme native », explique Ivan Schuller, l’un des auteurs de cette nouvelle étude sur les météorites. La supraconductivité fait donc l’objet de nombreuses recherches, car s’il était possible de l’obtenir dans des conditions standards, ou du moins aisément reproductibles, cela permettrait d’améliorer grandement tous les systèmes électriques d’aujourd’hui.
Au cœur des météorites, un alliage supraconducteur
James Wampler et son équipe se sont notamment intéressés à deux météorites : Mundrabilla, une météorite de fer de 22 tonnes trouvée en Australie en 1911, du groupe IAB et GRA 95205, et une uréilite (météorite pierreuse, contenant principalement des silicates) découverte en Antarctique en 1995.
L’inconvénient des météorites est qu’elles sont très hétérogènes d’un point de vue chimique, leurs phases supraconductrices sont donc susceptibles d’être infimes et difficiles à détecter. Pour pallier le problème, l’équipe de Wampler a analysé les échantillons par spectroscopie micro-ondes modulée par champ magnétique (MFMMS).
Les mesures révèlent des transitions supraconductrices dans chacun des échantillons, au-dessus de 5 K (soit -268 °C). Les microfragments contenant le plus grand taux de supraconductivité ont été isolés, puis caractérisés grâce à diverses techniques : il s’avère qu’ils sont constitués d’un alliage de plomb, d’étain et d’indium. « Les matériaux supraconducteurs naturels sont inhabituels, mais ils sont particulièrement importants car ces matériaux pourraient être supraconducteurs dans des environnements extraterrestres », explique James Wampler.
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Ces résultats sont d’autant plus encourageants qu’ils concernent deux météorites distinctes qui ne représentent qu’un petit échantillon des roches spatiales. Les spécialistes en concluent qu’il existe probablement davantage de matériaux supraconducteurs dans l’espace, et que ceux-ci pourraient avoir toutes sortes d’effets sur leur environnement extraterrestre.
La supraconductivité des particules dans les régions froides de l’espace pourrait ainsi influencer la structure des objets stellaires, la forme et l’origine des champs magnétiques, le mouvement des particules chargées et bien d’autres phénomènes. « Plus précisément, les particules supraconductrices pourraient maintenir des boucles de courant microscopiques générées par des champs transitoires et contribuer aux champs magnétiques voisins », expliquent les auteurs de l’étude.