Mis à part les vrais ambidextres, chaque personne possède une préférence naturelle dans l’utilisation d’une de ses mains. Cette tendance, appelée droiterie ou gaucherie, selon qu’il s’agisse de la main droite ou de la main gauche, peut être retracée loin dans l’histoire de l’évolution de l’Homme. Ainsi, depuis plusieurs centaines de milliers d’années, les archives fossiles montrent que les droitiers ont toujours été majoritaires. Quelles sont donc les raisons de ce phénomène ?
De nombreux gauchers ont été contraints (et le sont toujours), contre leur inclination naturelle, d’écrire avec leur main droite (y compris certains exemples célèbres comme le roi George VI d’Angleterre). Ils ont été discriminés et traités avec suspicion, comme en témoigne le langage utilisé pour décrire les gauchers. « Droit » en anglais signifie aussi « correct ». Tandis que l’étymologie du mot « sinistre » peut être retracée au mot latin pour « gauche ».
Droiterie ou gaucherie : le rôle potentiel de l’ADN dans la détermination de la préférence
Au niveau individuel, la préférence pour une main peut être déterminée aux premiers stades de développement. Des neurologues ont rapporté en 2005 dans la revue Neuropsychologia que les fœtus montrent une préférence déjà dans l’utérus (en suçant le pouce d’une main), une propension qui se poursuit après leur naissance.
Bien qu’il n’y ait pas de gène droitier ou gaucher, l’ADN semble jouer un rôle dans le phénomène. Dans une étude publiée dans la revue Brain: A Journal of Neurology, des chercheurs de l’Université d’Oxford ont examiné l’ADN d’environ 400’000 personnes au Royaume-Uni et ont constaté que quatre régions du génome étaient généralement associées à la gaucherie. Trois de ces quatre régions étaient impliquées dans le développement et la structure du cerveau.
Les chercheurs espèrent que l’étude des différences biologiques entre les gauchers et les droitiers pourrait éclairer la façon dont le cerveau développe des spécialisations dans ses hémisphères droit et gauche. Essayer de répondre à la question de préférence manuelle dans une perspective évolutive est également compliqué.
Une évolution marquée par une droiterie majoritaire
Les chercheurs peuvent observer le phénomène dans les archives archéologiques en recherchant certains traits anatomiques dans les squelettes préhistoriques, tels que l’asymétrie dans la taille et la densité des os des bras, et en examinant les outils préhistoriques. « Si vous savez comment l’outil a été tenu et comment il a été utilisé, alors vous pouvez regarder les traces d’usure pour déterminer si un gaucher ou un droitier a utilisé l’outil », déclare Natalie Uomini, anthropologue au Max Planck Institute.
Les scientifiques peuvent même regarder la direction des traces diagonales sur les dents fossilisées pour voir quelle main les gens utilisaient pour déchirer la viande ou les peaux d’animaux dans leur bouche. Les droitiers dominent depuis aussi longtemps dans les archives archéologiques que les chercheurs peuvent le voir, environ 500’000 ans. Les Néandertaliens, nos cousins humains aujourd’hui disparus, étaient également fortement droitiers.
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Le maintien évolutif de la gaucherie : la théorie du combat
Chez plusieurs espèces non humaines, telles que les grands singes, la répartition entre les droitiers et les gauchers est généralement plus proche de 50-50. D’un point de vue évolutif, si la droiterie a évolué parce qu’elle avait une sorte d’avantage, alors on pourrait s’attendre à ce que les gauchers disparaissent complètement, explique Uomini. Elle a ajouté qu’il y avait certains inconvénients à être gaucher, tels que des fréquences plus élevées d’accidents du travail. Les chercheurs ont également lié la gaucherie aux troubles d’apprentissage.
Mais il existe une théorie dominante pour expliquer pourquoi les gauchers ont maintenu une minorité constante : l’hypothèse du combat. « L’idée est que dans un combat au corps à corps ou dans un combat avec des armes, il y a un avantage évolutif à être un gaucher minoritaire. Si vous êtes gaucher, vous avez un avantage surprise car la plupart des gens sont habitués à lutter contre les droitiers ».
Cet avantage de la gaucherie a été démontré dans des sports comme l’escrime, ont montré des scientifiques en 2010 dans la revue Laterality. Si cette hypothèse est correcte, cela signifierait que même si les inconvénients de la gaucherie étaient suffisamment importants pour garder les gauchers dans la minorité, l’avantage des gauchers au combat leur aurait au moins donné une chance de se battre contre une éventuelle disparition.