De la viande de synthèse qui imite parfaitement la vraie

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Aujourd’hui, 75% des terres agricoles dans le monde servent à élever du bétail, pour les bêtes elles-mêmes, mais aussi pour cultiver les céréales nécessaires à leur alimentation. Or, cet élevage intensif est désastreux pour la planète : déforestation, destruction de la biodiversité, émissions de gaz à effet de serre, pollution des cours d’eau, voilà tout autant de conséquences de notre régime carnivore. La production de viande de synthèse, à base de cellules souches, permet de solutionner le problème, mais jusqu’à présent, goût et texture n’étaient pas vraiment au rendez-vous… Or, une équipe de chercheurs vient de concevoir une viande de synthèse vraiment très proche en tous points de la « vraie » viande.

Selon l’United Nations’ Food and Agriculture Organization, le bétail occupe actuellement 30% de la surface terrestre mondiale, consomme 8% de son eau douce et génère également 14,5% des émissions de gaz à effet de serre. Outre le fait que l’élevage intensif est source d’effets néfastes sur l’environnement, il faut également considérer que bon nombre des calories consommées par le bétail ne servent pas à la formation de tissus comestibles, mais simplement au maintien de l’animal en vie. Autrement dit, on « gaspille » des ressources pour élever un animal dont on ne mangera que certaines parties…

Trouver une alternative à l’élevage

En 1932, Winston Churchill aurait déclaré : « We shall escape the absurdity of growing a whole chicken in order to eat the breast or wing, by growing these parts separately » ; traduction : nous échapperons à l’absurdité qui consiste à élever un poulet entier pour en manger la poitrine ou l’aile, en cultivant ces parties séparément. C’est bien de cela qu’il est question…

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premier burger de laboratoire Mark Post
Présentation du premier hamburger cultivé au monde, lors d’une conférence de presse à Londres le 5 août 2013. Ce produit à base de viande cultivée a été développé par une équipe de scientifiques de l’université de Maastricht, dirigée par Mark Post, pour un coût estimé à environ 250’000 euros (pour 142 g). Crédits : YouTube/World Economic Forum

De plus, l’utilisation massive de viande de laboratoire résoudrait bien d’autres problématiques : la souffrance des animaux lors de l’abattage, la transmission de certaines maladies des animaux aux humains (l’encéphalopathie spongiforme bovine par exemple), ou encore la résistance croissante des bactéries aux antibiotiques (80% des antibiotiques utilisés aux États-Unis sont administrés à des animaux d’élevage).

La difficulté que pose la synthèse de la viande en laboratoire n’est pas tant de reproduire le goût, mais surtout de lui donner une texture similaire à la vraie viande. Une équipe de scientifiques est a priori parvenue à un excellent résultat à partir de protéines de soja. Leurs travaux ont fait l’objet d’une publication dans Nature Food.

Ces chercheurs avaient d’ores et déjà réussi à cultiver des « pépites » de cellules musculaires, similaires à de la viande hachée, pouvant être utilisées pour la réalisation de hamburgers ou de boulettes de viande. Cette fois-ci, leur objectif était d’obtenir un résultat plus proche d’un steak, ce qui nécessite d’échafauder une structure cellulaire plus complexe. Ces échafaudages en 3D doivent imiter la matrice extracellulaire en forme de nid d’abeilles dans laquelle les muscles des animaux se développent.

Un échafaudage cellulaire innovant

Shulamit Levenberg et ses collègues de l’Institut de technologique d’Istraël (le Technion) ont eu l’idée de concevoir cet échafaudage particulier à partir de protéines de soja texturées, un sous-produit de l’extraction d’huile de soja, couramment utilisée aujourd’hui comme succédané de viande dans l’industrie alimentaire. Sa teneur élevée en protéines et sa texture fibreuse en font un très bon substitut de viande pour la conception de produits vegan.

Mais l’utilisation de ces protéines pour concevoir un tissu synthétique proche de la viande est une première. Un choix tout à fait pertinent selon Mark Post, chercheur néerlandais et pionnier de la viande in vitro, directeur scientifique de la startup Mosa Meat, spécialisée en viande de synthèse : « L’utilisation du soja comme échafaudage est une nouveauté. Son utilisation est pertinente sachant que l’objectif de la viande cultivée est d’utiliser le moins de matière d’origine animale possible. Le fait qu’il s’agisse d’une matière de qualité alimentaire reconnue est également bon d’un point de vue réglementaire ».

Concrètement, l’équipe de Levenberg a ensemencé les échafaudages de soja avec trois types de cellules musculaires de bovins : des cellules du muscle lisse, des cellules endothéliales et des cellules satellites. Ces dernières sont des précurseurs des cellules musculaires squelettiques, le type communément considéré comme de la viande ; les cellules endothéliales constituent les vaisseaux sanguins, chargés de fournir l’oxygène et les nutriments aux tissus ; enfin, les cellules du muscle lisse aident à générer un échafaudage à matrice extracellulaire destiné à soutenir d’autres cellules. « C’est la première fois que des recherches autour de la viande cultivée combinent deux types de cellules différents dans un échafaudage », souligne Post.

Goût, arôme, texture : tout y est !

Cette combinaison unique a permis d’apporter au produit final des propriétés mécaniques – donc une texture – bien plus proches de la vraie viande. Pari réussi : les volontaires qui ont goûté le « steak » de synthèse après cuisson ont confirmé que le goût, l’arôme et la texture étaient aussi agréables que de la viande.

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Le soja engendre habituellement un goût un peu désagréable pendant la cuisson, un problème que les industriels masquent à grand renfort de sel dans leurs substituts de viande. Avec cette nouvelle technique, le problème ne se pose pas. Des recherches plus approfondies devraient déterminer à quel degré les cellules se développent dans les échafaudages ainsi créés. Mark Post précise par ailleurs qu’il pourrait être intéressant d’incorporer des cellules graisseuses dans cette viande cultivée pour améliorer encore le goût et la texture, et affiner la façon dont les tissus fibreux sont entrecoupés. Une étape supplémentaire qui « nécessite une technologie un peu plus sophistiquée que celle présentée dans cette étude », souligne-t-il.

Selon les auteurs de l’étude, cette nouvelle formule pourrait néanmoins aider à augmenter la production de différents types de viandes d’élevage et constituer une nouvelle source de protéines. La start-up fondée par Levenberg, Aleph Farms, envisage d’utiliser cette technique pour produire de la viande cultivée à grande échelle. L’entreprise a récemment participé à la conception d’une viande « bio-imprimée » à bord de l’ISS.

Source : Nature Food, S. Levenberg et al.

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