Il s’agit d’un « grand pas en avant » selon les scientifiques qui suivent le projet : une nouvelle enzyme mutante pourrait considérablement améliorer le recyclage des bouteilles en plastique PET dans le monde entier. De quoi fortement diminuer les résidus et la pollution résultants.
À l’heure actuelle, seulement environ 30% du plastique est recyclé en nouveau plastique, qui lui est moins résistant et de moins bonne qualité que le produit d’origine. Mais à présent, des chercheurs rapportent qu’ils ont conçu une enzyme qui pourrait convertir jusqu’à 90% de ce même plastique en un plastique de même qualité, après le recyclage.
Des travaux sont en cours pour étendre cette technologie et ouvrir une usine de démonstration l’année prochaine. « Il s’agit d’un énorme pas en avant », a déclaré John McGeehan, qui dirige le centre d’innovation enzymatique de l’Université de Portsmouth et qui n’a pas participé aux travaux. Il faut savoir que le polyéthylène téréphtalate (PET) est l’un des plastiques les plus utilisés au monde, avec quelque 70 millions de tonnes produites chaque année.
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Les bouteilles en PET sont déjà recyclées dans de nombreux endroits à travers le monde, mais l’approche actuelle rencontre des difficultés. Pour commencer, les entreprises de recyclage se retrouvent généralement avec un large éventail de couleurs de plastique. Ils utilisent ensuite des températures élevées pour les faire fondre, produisant un matériau de départ en plastique gris ou noir, que peu d’entreprises souhaitent utiliser pour emballer leurs produits par la suite.
De ce fait, le matériau résultant est généralement transformé en tapis ou autres fibres plastiques de faible qualité qui finissent par se retrouver dans une décharge, ou sont incinérés. « Ce n’est pas vraiment du recyclage… », explique McGeehan.
Une enzyme mutante pour mieux recycler le PET
C’est donc pour pallier à cette préoccupation que les scientifiques ont recherché des enzymes dans les microbes qui décomposent le PET et les autres plastiques.
En 2012, des chercheurs de l’Université d’Osaka ont découvert une telle enzyme dans un tas de compost : cette enzyme, connue sous le nom de cutinase de compost de branche à feuille (LLC, de l’anglais leaf-branch compost cutinase), coupe les liens entre les deux éléments constitutifs du PET, soit le téréphtalate et l’éthylène glycol. Cependant, l’enzype LLC, qui a évolué pour briser le revêtement protecteur cireux sur les feuilles de nombreuses plantes, casse lentement les liaisons PET uniquement et se désagrège après seulement quelques jours de travail à 65 °C (la température à laquelle le PET commence à se ramollir), ce qui permet à l’enzyme de se déplacer plus facilement dans le polymère, pour atteindre les liens qu’elle cherche à rompre.
Dans le but de réingénier la LLC, Alain Marty, le directeur scientifique de Carbios (une entreprise de plastique durable), s’est associé à Isabelle André, une experte en génie enzymatique à l’Université de Toulouse. Ces derniers ont commencé par analyser la structure cristalline de l’enzyme, identifiant les acides aminés clés sur le site où l’enzyme se lie aux liaisons chimiques entre les groupes téréphtalate de PET et éthylène glycol. Ils ont également cherché des moyens de faire fonctionner l’enzyme à des températures plus élevées.
Les chercheurs ont ensuite généré des centaines d’enzymes mutantes en modifiant les acides aminés sur le site de liaison et en ajoutant ceux qui stabilisent la chaleur. Ils ont ensuite produit ces enzymes en masse dans des bactéries et les ont analysées pour trouver les éléments « briseurs de liens de PET » efficaces. Après avoir répété ce processus de nombreuses fois, les chercheurs ont réussi à isoler une enzyme mutante qui est 10’000 fois plus efficace pour briser les liaisons PET que la LLC de base. De plus, cette enzyme mutante fonctionne également sans se décomposer à une température de 72 °C, soit proche de la température à laquelle le PET fond.
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Dans un petit réacteur conçu spécialement pour tester l’enzyme, l’équipe de chercheurs a découvert que cette dernière pouvait décomposer 90% de 200 grammes de PET en 10 heures. Les chercheurs ont ensuite utilisé les éléments constitutifs du téréphtalate et de l’éthylène glycol générés par l’enzyme pour créer du nouveau PET et produire des bouteilles en plastique aussi solides que celles fabriquées à partir de plastiques conventionnels. « C’est très excitant. Cela montre que c’est vraiment viable ! », explique McGeehan.
Vers une viabilité économique sur le long terme ?
Cependant, à l’heure actuelle, sa viabilité économique reste incertaine. McGeehan note que l’un des principaux avantages est que l’enzyme n’a aucune difficulté à fabriquer des blocs de construction en PET pur à partir d’un mélange de plastiques contenant d’autres plastiques que du PET, ainsi que des bouteilles en PET de différentes couleurs.
En effet, l’enzyme modifiée ne rompt que les liaisons reliant les deux composants PET, les ramenant à leur forme d’origine, tout en ignorant les colorants et autres plastiques du mélange. « En conséquence, les entreprises et les consommateurs pourraient être prêts à payer un peu plus pour un plastique recyclé aussi durable et attrayant, que le matériau vierge de base », ajoute McGeehan.
Marty a ajouté que Carbios était en train de construire une usine de démonstration qui devrait être en mesure de recycler des centaines de tonnes de PET par an.
À noter que cette enzyme ne peut pas recycler d’autres types de plastiques majeurs, tels que le polyéthylène et le polystyrène, qui ont des liaisons de construction plus difficiles à briser. Les chercheurs souhaitent donc trouver une enzyme permettant de le faire, ce qui aiderait grandement la société actuelle à faire face à l’un des problèmes majeurs concernant le plastique.