Fin mars, le CERN a constitué un groupe d’action dédié à la recherche et l’innovation pour lutter contre la pandémie de COVID-19. Baptisé « CERN against COVID-19 », le groupe a reçu des centaines de propositions de projets issues de toute la communauté du CERN, qui pourraient contribuer à enrayer la propagation du virus ou aider aux traitements des malades. Dernier projet en date : la conception d’un respirateur artificiel, afin de pallier la pénurie mondiale.
Fort de sa communauté de plus de 18’000 personnes réparties dans le monde, le CERN met son savoir-faire et ses technologies de pointe au profit de la lutte contre la pandémie. « Nous voulons déployer nos ressources et nos compétences pour contribuer à la lutte contre la pandémie de COVID-19 », a déclaré la directrice générale du Centre, Fabiola Gianotti. Cela fait un moment que le CERN travaille en étroite collaboration avec les établissements de santé et les services d’urgence locaux. Il est également en lien avec l’OMS et d’autres organisations scientifiques européennes, telles que l’Organisation européenne de biologie moléculaire et l’Institut de bio-informatique européen.
Un appareil plus « modeste » pour pallier la pénurie
Le virus s’est propagé tellement vite que de nombreux établissements hospitaliers ont été pris au dépourvu et ont rapidement manqué de respirateurs artificiels. Ces appareils sont indispensables en réanimation ; ils permettent d’ouvrir les poumons et d’y insuffler de l’oxygène. Mais les grands constructeurs de respirateurs médicaux – Air Liquide (France), Löwenstein, Draeger (Allemagne), Hamilton Medical (Suisse), Getinge (Suède) et Medtronics (États-Unis) – peinent à satisfaire les commandes. L’objectif était donc ici de concevoir un nouveau type d’appareil, qui pourrait convenir aux cas les moins graves ou aux patients en phase de convalescence, de manière à libérer plus rapidement les machines plus performantes pour soigner les cas les plus critiques.
C’est une équipe du LHC (Large Hadron Collider ou Grand collisionneur de hardons) – l’accélérateur de particules le plus puissant du monde – qui est chargée du projet. Ils ont en effet constaté que les systèmes utilisés pour réguler les flux de gaz dans les détecteurs de particules pouvaient aussi être utilisés pour concevoir un nouveau type de respirateur artificiel.
Le tout premier prototype a ainsi été achevé le 27 mars. Baptisé « high-energy physics community ventilator » ou HEV, ce modèle est conçu pour assurer les modes standards de ventilation, à savoir le contrôle du volume à pression régulée (PRVC) – très utilisé en soins intensifs – la ventilation en pression assistée contrôlée intermittente (SIMV-PC), et la ventilation spontanée avec pression expiratoire positive (CPAP).
Le HEV est équipé d’un logiciel de contrôle embarqué dans un microcontrôleur. Plusieurs solutions étaient envisagées pour ce dernier : Arduino, Raspberry Pi et ESP32, chacun présentant des avantages et des inconvénients. Raspberry Pi se démarque par ses capacités graphiques et son support de l’HDMI, ce qui permet d’utiliser plusieurs types d’affichage. En revanche, la plateforme est dépourvue d’ADC (convertisseur analogique-numérique), ce qui empêche l’utilisation de certains appareils ; d’autre part, la nécessité d’un système d’exploitation ajoute une complexité pouvant nuire à la stabilité globale. Au final, l’équipe a opté pour un mix Raspberry/Arduino, le premier pour l’interface utilisateur, le second pour les contrôles et les diverses connexions électroniques.
Vidéo montrant le prototype réalisé par l’équipe :
De par sa très faible consommation, ce respirateur artificiel peut fonctionner avec des batteries, des panneaux solaires ou des groupes électrogènes d’urgence. Il est en outre conçu à partir d’éléments largement disponibles et accessibles en termes financiers. Il peut donc être utilisé même dans des lieux aux ressources limitées ou à l’alimentation électrique instable. L’équipe doit encore affiner certaines caractéristiques physiques (telles que les régulateurs de pression, les vannes et les capteurs de pression) avant que l’engin ne soit testé en milieu hospitalier, d’ici quelques semaines.
La meilleure technologie au service d’une cause mondiale
Le groupe d’action dédié au COVID-19 a été créé fin mars et a de suite suscité l’enthousiasme parmi la communauté du CERN. D’autant plus que le Centre dispose d’énormément de ressources, de toutes sortes : « Il peut s’agir aussi bien de déployer les puissantes ressources du CERN dans les domaines du calcul, de l’ingénierie et des technologies, que de participer aux efforts menés localement par un appui logistique et une assistance aux services de secours d’urgence », précise Beniamino Di Girolamo, président du groupe d’action.
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Parmi les nombreux projets proposés au groupe d’action, la production d’une tonne de gel hydroalcoolique destiné aux équipes de secours locales est déjà mise en oeuvre. En outre, le centre de recherche a mis ses capacités d’impression 3D et ses ateliers de mécanique à disposition pour compléter la production d’équipements de protection (masques et panneaux en plexiglas), destinés aux forces de l’ordre de la région. Les spécialistes en physique des particules participent quant à eux activement à la recherche d’un vaccin.
À noter que toutes les innovations proposées par le CERN pour aider à lutter contre le COVID-19 seront publiées sous une licence ouverte, Open Hardware, afin que l’équipement puisse être produit « partout où il y a un besoin », a déclaré le centre de recherche. Tous les projets soutenus font en outre l’objet d’une publication sur le site dédié.