Le projet peut paraître un peu fou, et pourtant… Des chercheurs allemands ont eu l’idée de réunir 4000 personnes lors d’un concert, afin d’analyser comment le virus est susceptible de se propager. Dans ce but, les participants seront équipés d’un traceur de contacts et d’un désinfectant fluorescent pour les mains. Le but étant de définir des procédures sanitaires qui permettront la réouverture des salles de concert (ou d’autres lieux de grande capacité d’accueil) en toute sécurité.
Comprendre comment le virus se propage parmi un grand groupe de personnes, c’est l’objectif de cette équipe de l’Université Martin-Luther de Halle-Wittenberg. Et quoi de mieux pour l’atteindre que de réaliser l’expérience en taille réelle ? Cette expérimentation inédite, baptisée RESTART-19, réunira une cohorte de 4000 volontaires, dans trois contextes différents ; elle vise à identifier les mesures qui contribuent à limiter la propagation de la maladie.
Un test grandeur réelle pour identifier les points chauds
On sait que les rassemblements dans les lieux clos présentent des risques accrus de transmission du coronavirus. En France, les salles de cinéma et de théâtre ont cependant reçu l’autorisation de rouvrir leurs portes à la mi-juin. Tous n’ont toutefois pas encore franchi le pas. La reprise des activités culturelles et artistiques est encadrée par un protocole sanitaire très strict (réservation en ligne, nettoyage minutieux entre chaque séance, port du masque obligatoire pour le personnel et les spectateurs, places assises uniquement, etc.). Les discothèques demeurent, quant à elles, fermées pour le moment.
Outre-Rhin, les clubs et salles de concert berlinois ont gardé portes closes depuis le début de la pandémie. Les professionnels ont bénéficié d’un soutien financier de la part de la capitale, mais devront encore patienter : l’Allemagne a décidé d’interdire les grands rassemblements jusqu’à la fin octobre. Le projet RESTART-19 va peut-être permettre de faciliter les choses, du moins, c’est ce pour quoi il a été initié.
Pour leur étude à grande échelle, les scientifiques ont prévu de tester trois scénarios différents, au sein du Quarterback Immobilien Arena, situé à Leipzig. Le premier simulera un événement tout à fait standard, avec 4000 visiteurs, sans aucune précaution particulière en matière de distanciation, tel qu’il pouvait y en avoir avant l’arrivée du virus. Le deuxième scénario prévoit de réunir le même nombre de personnes, mais en intégrant des règles d’hygiène et plus de distance entre les participants. Enfin, le troisième scénario, qui n’inclura que 2000 personnes, prévoit de conserver une distance d’1,5 mètre entre chaque visiteur dans les gradins.
Pour que le contexte de l’expérience reflète au mieux la réalité, un programme de concerts sera proposé aux visiteurs ; il est notamment prévu que le chanteur allemand Tim Bendzko, qui soutient le projet, se produise sur scène. Le but étant que les spectateurs adoptent un véritable comportement de public. En outre, l’arrivée et le départ en tramway des visiteurs seront également analysés. Pour commencer, chacun sera doté d’un masque de type FFP2. Puis, tous seront équipés d’un traceur de contact, conçu pour mesurer et enregistrer en permanence la distance qui les sépare des autres participants.
Cela permettra aux initiateurs du projet d’évaluer le nombre de contacts « critiques » de chacun, pendant toute la durée de l’événement. La technique permettra également d’identifier les lieux (entrée, vestiaire, tribunes, etc.) et les moments les plus à risque. De plus, les participants seront invités à se désinfecter régulièrement les mains avec un produit fluorescent. Ce dernier sera naturellement déposé sur toutes les surfaces touchées, au moindre contact ; une lumière UV permettra de les mettre en évidence par la suite.
La collecte de toutes ces données devrait poser les bases des futures mesures d’hygiène à mettre en place lors de ce type d’événement. Elle débouchera sans doute sur une optimisation spatiale et/ou des changements techniques dans les salles de spectacle, qui permettront de minimiser les risques.
En pratique…
L’équipe du projet RESTART-19 recherche donc 4000 volontaires pour leur expérience qui se déroulera le samedi 22 août ; une pause est prévue entre chaque scénario. Attention, il n’est pas du tout question ici d’une COVID-party, consistant à transmettre volontairement le virus aux participants ! Au contraire, tous les participants (et assistants) doivent passer un test de dépistage 48 heures avant le début de l’étude ; pour cela, un kit gratuit leur sera envoyé à domicile. Seules les personnes négatives, ne se trouvant pas dans une zone à risque et n’ayant eu aucun contact avec une personne atteinte de COVID-19 seront autorisées à participer à l’expérimentation.
Le jour J, les sujets seront amenés sur place via un trajet en tramway qui leur sera dédié. Ceci de manière à prendre aussi en compte les contacts réalisés avant d’arriver sur les lieux de l’événement. Les organisateurs soulignent qu’une participation à cette expérience n’est pas complètement sans risque ; néanmoins, celui-ci est extrêmement faible. Si certains tests de dépistage préalables peuvent être des faux négatifs, ou si le virus n’a pas eu le temps de se multiplier suffisamment pour être détectable, le port de masques FFP2 réduit considérablement les risques de transmission. Sans compter que chacun sera amené à se désinfecter fréquemment les mains.
Sur le même sujet : COVID-19 : Bien se laver et se sécher les mains n’a jamais été aussi essentiel
Personne ne sera autorisé à retirer son masque dans la salle. Les pauses et les collations seront effectuées en extérieur, à condition de respecter une distance d’1,5 mètre avec ses voisins. Tout est donc conçu pour assurer la sécurité des volontaires.
Les résultats de cette expérimentation sont évidemment très attendus, tant par les professionnels des secteurs artistiques et sportifs — particulièrement mis à mal depuis la début de la pandémie — que par la population, impatiente de refaire la fête… Étant donné la situation actuelle, seules des mesures préventives strictes et adaptées permettront un retour à la (quasi) normalité. Le SARS-CoV-2 est toujours en circulation, partout dans le monde, et sera sans doute parmi nous pendant un long moment.