Avec un diamètre de 950 kilomètres, Cérès est la plus petite planète naine de notre système solaire. Elle se situe dans la ceinture d’astéroïdes, qui se trouve entre les orbites de Mars et Jupiter. En 2007, la NASA a lancé la sonde spatiale Dawn pour explorer cet objet céleste. Les observations de la sonde, réalisées entre 2015 et 2018, ont permis de découvrir que Cérès n’était pas qu’un simple morceau de roche.
Cérès abriterait en effet un océan souterrain, qui pourrait même couvrir toute la planète. La découverte va sans aucun doute motiver de futures missions pour l’étudier plus en détail et évaluer son potentiel d’habitabilité, voire détecter des traces de vie extraterrestre…
Une croûte planétaire très hétérogène
La sonde Dawn est restée trois ans en orbite autour de Cérès. Dès le début des observations, en 2015, l’appareil a mis en évidence de mystérieux points lumineux, des faculae, dans le cratère Occator de la planète naine ; ce cratère d’impact est âgé de 20 millions d’années. Or, les experts ont compris par la suite que ces points brillants étaient dus à la présence de carbonate de sodium (un sel de sodium courant, vendu sous la dénomination de « cristaux de soude »).
Sur Terre, on trouve du carbonate de sodium dans les lacs alcalins et au fond des océans, autour des évents hydrothermaux (les « cheminées » d’où s’évacuent les gaz internes de la Terre). Ces évents sous-marins abritent tout un écosystème de bactéries chimio-synthétiques, qui exploitent les réactions chimiques pour générer de l’énergie.
L’origine du carbonate de sodium découvert sur Cérès restait en revanche à éclaircir. Il pouvait provenir de la glace souterraine, qui aurait fondu lors de l’impact Occator, pour se recongeler plus tard. Ou bien, une couche de saumure profonde se serait infiltrée à la surface au moment de l’impact, suggérant que l’intérieur de Cérès était plus chaud que ne le pensaient les spécialistes. Ces derniers se demandaient, par conséquent, si cette saumure était encore présente ou non sur la planète naine.
Plusieurs études qui viennent d’être publiées dans Nature lèvent aujourd’hui le voile sur ce mystère. Les scientifiques ont désormais la preuve qu’il y a bien une masse d’eau saumâtre sous la surface de Cérès. Ce sont les dernières données collectées par Dawn qui ont permis de parvenir à cette conclusion : à court de carburant, la sonde a commencé à chuter pour se retrouver à moins de 35 kilomètres de la surface. Ceci a permis d’obtenir des images d’une résolution exceptionnelle, dix fois plus élevée que lors de la mission.
La sonde s’est notamment focalisée sur le cratère Occator. Elle a pu notamment enregistrer les variations de gravité dans et autour du cratère, qui combinées à une modélisation thermique, ont révélé des variations de densité caractéristiques de la présence d’un réservoir souterrain de saumure sous le cratère. Ainsi, les chercheurs pensent que les fractures et la chaleur générées par l’impact sont à l’origine des gisements de sel observés aujourd’hui. « Nous constatons que les fissures tectoniques préexistantes peuvent fournir des voies pour que les saumures profondes migrent dans la croûte, étendant les régions touchées par les impacts et créant une composition hétérogène », expliquent-ils dans leur étude.
Un monde géologiquement actif
Une deuxième analyse, exploitant les données de gravité combinées aux données de forme, a révélé que la croûte de Cérès était plutôt de nature poreuse ; cette porosité tend à diminuer avec la profondeur, a priori lorsque la roche se mélange au sel.
L’âge du cratère est estimé à environ 20 millions d’années, mais certaines preuves suggèrent que les sels qui s’y trouvent sont beaucoup plus jeunes. Les images à haute résolution fournies par Dawn indiquent en effet que les volcans de glace de Cérès auraient pu être actifs il y a 2 millions d’années « seulement », soit des millénaires après que la chaleur de l’impact se soit dissipée ! Une preuve, pour les chercheurs, de la présence d’une source profonde de saumure.
En outre, au niveau du point le plus brillant du cratère, ils ont découvert la présence d’un minéral rare, l’hydrohalite ; il s’agit d’une forme hydratée de chlorure de sodium, que l’on trouve dans les saumures d’halite saturées, à basse température. Ce minéral nécessite la présence d’eau et se déshydrate rapidement – en quelques dizaines à quelques centaines d’années selon l’équipe de chercheurs. Ainsi, il a dû apparaître très récemment des profondeurs de la planète naine.
Ces différents sels observés en surface de Cérès pourraient en réalité provenir de plusieurs sources. Dans un premier temps, la chaleur de l’impact a fait fondre une masse de glace, qui s’est écoulée modifiant au passage le terrain à l’intérieur du cratère et déposant des sels dans les faculae Cerealia et Pasola. Puis, plus lentement, la saumure issue d’un réservoir plus profond a fait son chemin vers la surface, apportant sa contribution à Cerealia et Pasola, et créant les faculae Vinalia, plus minces, au fond du cratère.
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Le plus gros astéroïde de notre système solaire s’avère donc bien plus complexe qu’il n’y paraît. Ces récentes découvertes font de Cérès un potentiel monde océanique, à l’instar de Pluton et des lunes Europe, Ganymède, Callisto, Encelade, Titan et Mimas. Les scientifiques aimeraient aujourd’hui comprendre comment s’est formée cette petite planète et surtout, comment elle parvient à conserver suffisamment de chaleur pour contenir un réservoir d’eau souterrain.
Peut-être qu’une future mission, incluant la collecte d’échantillons, permettra de répondre à ces questions : Cérès fait en effet partie des objets que la NASA envisage d’explorer plus avant, notamment pour déterminer si cette planète a été ou pourrait être propice au développement de la vie.