La question de l’immunité dans le cadre de la COVID-19 est un domaine de recherche actif depuis plusieurs mois. Plusieurs études ont suggéré qu’une immunité naturelle à long terme était inexistante, tandis que d’autres ont montré qu’à court terme, l’organisme garde bien une réponse immunitaire. Récemment, une équipe d’immunologistes israéliens a montré que chez la plupart des individus, une forte réponse immunitaire à base d’anticorps se produit et ne disparaît pas rapidement. La recherche, réalisée sur plus de 30’000 patients, révèle en effet des niveaux d’anticorps toujours présents après plus de 5 mois, des résultats encourageants dans la lutte contre le SARS-CoV-2.
La grande majorité des personnes infectées par la COVID-19 légère à modérée monte une forte réponse avec anticorps, relativement stable pendant au moins cinq mois, selon une recherche menée à l’Icahn School of Medicine et publiée dans la revue Science. De plus, l’équipe de recherche a découvert que cette réponse d’anticorps était en corrélation avec la capacité du corps à neutraliser le SARS-CoV-2.
« Bien que certains rapports aient été publiés disant que les anticorps dirigés contre ce virus disparaissent rapidement, nous avons constaté exactement le contraire : plus de 90% des personnes légèrement ou moyennement malades produisent une réponse immunitaire suffisamment forte pour neutraliser le virus, et la réponse est maintenue pendant de nombreux mois », explique Florian Krammer, immunologiste.
« Découvrir la robustesse de la réponse des anticorps au SARS-CoV-2, y compris sa longévité et ses effets neutralisants, est d’une importance cruciale pour nous permettre de surveiller efficacement la séroprévalence dans les communautés et de déterminer la durée et les niveaux d’anticorps qui nous protègent de la réinfection. Cela est essentiel pour le développement efficace de vaccins ».
Quantifier les niveaux d’anticorps chez les individus positifs
Les résultats de l’étude sont basés sur un ensemble de données de 30’082 personnes, qui ont été dépistées au Mount Sinai Health System entre mars et octobre 2020. Le test d’anticorps utilisé dans cette recherche — un test immuno-enzymatique (ELISA) — est basé sur la protéine virale en pointe (Spike) lui permettant de se fixer et d’entrer dans nos cellules. Le test ELISA a été développé, validé et lancé au Mont Sinaï par une équipe de chercheurs et de cliniciens de renommée internationale.
Le test d’anticorps détecte la présence ou l’absence d’anticorps anti-SARS-CoV-2 et, surtout, est capable de mesurer le titre (niveau) d’anticorps d’un individu. La sensibilité et la spécificité élevées de ce test — ce qui signifie qu’un faux négatif ou un faux positif est hautement improbable — lui ont permis d’être parmi les premiers à recevoir une autorisation d’utilisation d’urgence de l’État de New York et de la Food and Drug Administration des États-Unis.
Fin mars, le Mont Sinaï a commencé à dépister les anticorps anti-SARS-CoV-2 afin de recruter des donneurs volontaires pour son programme de thérapie plasmatique de convalescence. Les laboratoires cliniques ont établi les résultats des tests d’anticorps en utilisant des dilutions distinctes fixées à 1:80, 1:160, 1:320, 1:960 ou ≥ 1:2880. Le score de titre d’anticorps est généré par le nombre de fois où le biologiste peut diluer le sérum d’un patient tout en étant capable de détecter la présence d’anticorps. Les titres de 1:80 et 1:160 ont été classés comme des titres faibles; 1:320 modéré; et 1:960 ou ≥ 1:2880 étaient élevés.
Des anticorps neutralisants anti-protéine Spike
Début octobre, le mont Sinaï avait dépisté 72’401 individus avec un total de 30’082 positifs (définis comme des anticorps détectables contre la protéine de pointe à un titre de 1:80 ou plus). Sur les 30’082 échantillons positifs, 690 (2.29%) avaient un titre de 1:80 ; 1453 (4.83%) de 1:160 ; 6765 (22.49%) de 1:30 ; 9564 (31.79%) de 1:960 ; et 11610 (38.60%) de 1:2880. Ainsi, la grande majorité des individus positifs avaient des titres modérés à élevés d’anticorps anti-Spike.
La détermination des effets neutralisants du SARS-CoV-2 est essentielle pour comprendre les effets protecteurs possibles de la réponse immunitaire. L’équipe de recherche a réalisé un test de microneutralisation quantitative bien établi basé sur le SARS-CoV-2 authentique avec 120 échantillons de titres ELISA connus, allant de « négatif » à 1:2880. Ils ont constaté qu’environ 50% des sérums dans la gamme de titres 1:80-1:160 avaient une activité neutralisante ; 90% dans la gamme 1:320 avaient une activité neutralisante ; et tous les sérums dans la gamme de 1:960 à 1:2880 avaient une activité neutralisante.
Une autre question importante et en suspens dans la communauté scientifique est la longévité de la réponse des anticorps à la protéine de pointe. Pour répondre à cette question, l’équipe a rappelé 121 donneurs de plasma à divers niveaux de titre pour des tests répétés d’anticorps environ 3 mois et 5 mois après l’apparition des symptômes.
Une persistance des anticorps 5 mois après l’apparition des symptômes
Lors de la comparaison des titres globaux, ils ont vu une légère baisse d’un titre moyen géométrique (GMT) de 764 à un GMT de 690 du premier au deuxième point temporel de test et une autre baisse à un GMT de 404 pour le dernier point temporel de test, indiquant qu’un niveau modéré d’anticorps est conservé par la plupart des personnes 5 mois après l’apparition des symptômes. Dans la fourchette de titre supérieure, ils ont observé une lente baisse du titre au fil du temps.
Fait intéressant, ils ont vu une augmentation initiale du titre pour les personnes qui avaient initialement été testées comme ayant des niveaux de titre faibles à modérés. Ceci est en accord avec les observations antérieures de leur groupe d’étude, qui indiquent que la séroconversion dans les cas bénins de COVID-19 pourrait prendre plus de temps à monter.
« Le titre d’anticorps sérique que nous avons mesuré initialement chez les individus a probablement été produit par des plasmablastes, des cellules qui agissent en tant que premiers intervenants contre un virus envahissant et se réunissent pour produire des épisodes initiaux d’anticorps dont la force diminue rapidement », explique Ania Wajnberg.
« Les niveaux d’anticorps soutenus que nous avons observés par la suite sont probablement produits par des plasmocytes à longue durée de vie dans la moelle osseuse. Ceci est similaire à ce que nous voyons dans d’autres virus et signifie probablement qu’ils sont là pour rester. Nous continuerons à suivre ce groupe au fil du temps pour voir si ces niveaux restent stables comme nous le soupçonnons, et espérons qu’ils le seront ».