Le mois dernier, SpaceX a pu lancer un dernier lot de satellites Starlink, portant à un peu moins de 800 le nombre total d’engins désormais en orbite. La société a donc atteint le minimum requis pour assurer la couverture réseau de l’Amérique du Nord. Les tests ne se sont pas fait attendre : le service d’accès à Internet par satellite vient d’être activé en version bêta et les premiers retours sont plutôt positifs.
Le projet Starlink a été initié en 2015. À terme, SpaceX prévoit de maintenir 42’000 satellites en orbite basse (à 550 km) pour proposer un accès Internet haut débit à toute la planète — notamment aux zones rurales, moins densément peuplées, qui sont aujourd’hui peu ou mal desservies par les fournisseurs d’accès à Internet traditionnels.
Un service fiable et performant
Le service coûte actuellement 99$ par mois, auxquels s’ajoutent des frais de mise en service de 499$ (comprenant un terminal, une antenne sur trépied et un routeur Wi-Fi). Il est pour le moment réservé aux foyers situés au nord des États-Unis et au sud du Canada (entre 44° et 52° de latitude précisément). SpaceX avait au préalable averti les utilisateurs que le débit serait certainement modéré pendant la phase de test, de l’ordre de 50 à 150 Mb/s, avec une latence de 20 à 40 ms.
Pourtant, la bêta publique du service, baptisée Better Than Nothing Beta par la firme, s’avère déjà plus performante qu’annoncé. Certains utilisateurs rapportent des débits qui sont plus rapides que ceux dont disposent 95% des internautes américains (d’après les données du Speedtest d’Ookla, un service qui évalue les performances des accès à Internet). Un bêta-testeur d’une zone rurale du Montana rapporte ainsi un débit de 174 Mb/s en téléchargement. « Starlink va changer le jeu pour toujours », écrit-il sur Reddit. Des performances corroborées par un autre utilisateur de Seattle, qui rapporte un débit de 161 Mb/s.
Un utilisateur de Reddit a compilé tous les débits rapportés par les utilisateurs (captures d’écran à l’appui) : les vitesses les plus élevées enregistrées sont de 203 Mb/s en téléchargement (download) et 45 Mb/s en téléversement (upload) ; en matière de latence, la plus faible relevée est de 18 ms. La plupart des bêta-testeurs du service bénéficient d’un débit se situant dans la tranche annoncée par SpaceX. L’un d’entre eux, FourthEchelon19, rapporte avoir diffusé une vidéo 1440p et 4K en streaming sur YouTube avec une mise en mémoire tampon nulle.
À noter que l’accès Internet fourni par Starlink s’interrompt pendant 10 à 15 secondes toutes les quelques minutes — un problème prévu par SpaceX et auquel les utilisateurs devaient s’attendre. Ces coupures devraient néanmoins disparaître à mesure que d’autres satellites viendront compléter la « constellation » de la firme et que d’autres stations terrestres seront installées. La société a également annoncé que d’ici l’été 2021, le service atteindra une latence comprise entre 16 et 19 ms.
Près de 42’000 nouveaux objets dans le ciel
Les premiers prototypes de satellites ont été lancés en février 2018. Depuis, SpaceX envoie ses engins en orbite par lots de 60. À ce jour, près de 800 satellites se trouvent déjà dans le ciel. D’ici 2025, la flotte devrait comporter environ 12’000 satellites pour satisfaire la demande exponentielle de bande passante, un nombre qui pourrait être finalement augmenté à 42’000 si l’entreprise obtient les autorisations requises. À noter qu’une bêta privée du service avait été mise en place dès le mois de juillet dans certaines régions du nord des États-Unis ; cette version avait néanmoins été limitée aux employés de SpaceX, ou encore à certains services d’urgence, comme les pompiers de l’État de Washington, dans le nord-ouest du pays, mobilisés pour combattre les lourds incendies qui ravageaient la zone.
Connecter les zones rurales, garantir une connexion aux services d’urgence… Si l’intention est noble, le projet ne fait pas forcément l’unanimité, notamment du côté des astronomes. Car 42’000 satellites de plus dans le ciel, sans compter les satellites d’autres entreprises — comme ceux des projets Kuiper d’Amazon ou OneWeb — vont immanquablement provoquer une importante pollution lumineuse, qui pourrait nuire au travail des astronomes professionnels et amateurs.
Se pose également le problème des débris spatiaux. Les satellites sont équipés de propulseurs qui leur permettent d’éviter d’entrer en collision avec d’autres objets, mais à ce jour, 3% des satellites lancés semblent dysfonctionner, d’après les données recueillies par Jonathan McDowell astronome du Harvard-Smithsonian Center for Astrophysics (qui a analysé les mouvements des satellites de Starlink pour parvenir à cette conclusion). Par conséquent, ces satellites peuvent errer dans l’espace de manière incontrôlée, menaçant tout autre objet environnant. Le taux d’échec ne semble pas si important, mais rapporté à 42’000 engins, le nombre potentiel de satellites errants autour de la planète s’élève tout de même à 1260.
Selon l’Agence spatiale européenne, il y a déjà environ 3200 satellites non fonctionnels en orbite terrestre (des chiffres qui datent du mois de février). Beaucoup de ces engins errants menacent régulièrement d’entrer en collision avec d’autres objets et de créer une nouvelle série de débris spatiaux. SpaceX affirme que ses satellites se désorbiteront naturellement, ou brûleront dans l’atmosphère terrestre, si leurs systèmes de propulsion ne fonctionnent pas. Ce processus peut néanmoins prendre de une à cinq années, peut-on lire sur le site officiel de Starlink.
Pour le moment, SpaceX fait face à un autre problème : actuellement, le groupe n’a la capacité de produire que quelques milliers de terminaux d’utilisateurs par mois. Il va donc falloir accélérer le rythme de production pour répondre à la demande des consommateurs en attente de ce service. Plusieurs années seront encore nécessaires avant que Starlink ne puisse réellement couvrir le globe dans son ensemble.