Il y a quelques semaines, un article publié ans la revue Nature Astronomy annonçait la détection de phosphine, un gaz connu pour être un biomarqueur sur Terre, dans la haute atmosphère de Vénus. Les auteurs concluaient que la présence de phosphine vénusienne s’expliquait soit par un processus biologique, soit par un mécanisme géochimique inconnu. L’annonce a semé des doutes au sein de la communauté scientifique et a conduit plusieurs équipes à examiner les données initiales plus attentivement. Cet examen approfondi a donné lieu à trois études distinctes rejetant chacune les conclusions de l’étude initiale.
Le mois dernier, une équipe internationale d’astronomes a annoncé qu’elle avait détecté des traces de phosphine dans l’atmosphère vénusienne qui, selon les modèles atmosphériques de la planète, ne devrait normalement pas s’y trouver. Les auteurs ont dressé une liste des différents mécanismes géochimiques et atmosphériques connus potentiellement à l’origine de la présence de la molécule, et les ont écarté un à un, concluant qu’il s’agissait soit d’une source biologique soit d’un processus géologique inconnu.
La détection initiale de la phosphine semblait assez robuste. Deux observatoires distincts ont détecté la phosphine — à la fois le télescope James Clerk Maxwell à Hawaï et l’Atacama Large Millimeter/submillimeter Array au Chili. Jane Greaves et son équipe ont observé une absorption caractéristique de la luminosité à une longueur d’onde spécifique de la lumière correspondant à la phosphine.
Les recherches de haut niveau avec des affirmations extraordinaires comme celle-ci ont tendance à faire l’objet d’un examen plus approfondi qu’un article scientifique moyen, mais le contradictoire en soi n’est pas une mauvaise chose. Tout cela fait partie du processus scientifique. « Nous encourageons sincèrement les autres à nous dire ce que nous aurions pu manquer. Notre papier et nos données sont en libre accès. C’est ainsi que fonctionne la science », a ajouté Greaves.
Des quantités de phosphine difficilement explicables
C’est exactement ce que d’autres chercheurs ont fait. Un groupe d’astronomes dirigé par Thérèse Encrenaz de l’Observatoire de Paris a réanalysé des observations antérieures pour rechercher des signes de phosphine dans les nuages de la planète. Dans leur article, publié la semaine dernière dans la revue Astronomy and Astrophysics, leur nouveau modèle ne pouvait résoudre qu’un quart de la phosphine que Greaves et son équipe avaient trouvés à l’origine, tout au plus.
« Je crois le travail d’Encrenaz, et donc qu’il n’y a pas de phosphine là-bas », déclare Sousa-Silva, co-auteur de l’étude, notant que les observations d’archives portaient sur les sommets des nuages de Vénus, tandis que l’article original affirmant que la phosphine apparaît dans la haute atmosphère analysait une partie inférieure de l’atmosphère, sous les sommets des nuages.
Résultats biaisés et dioxyde de souffre
Un premier problème dans l’analyse des données est le bruit. Vénus est très brillante, donc beaucoup de lumière étrangère apparaît dans les observations, brouillant le signal. Dans un effort pour atténuer ce bruit et laisser passer le vrai signal, Greaves et son équipe ont ajusté une équation mathématique au spectre global qui leur permettrait d’éliminer le bruit indésirable et de mettre en évidence le signal qui les intéresse.
Dans un autre article non-évalué par les pairs, un autre groupe de chercheurs, dirigé par Ignas Snellen de l’Observatoire de Leiden, a analysé les données utilisées dans la recherche initiale pour voir si le nettoyage du bruit avec une formule mathématique à 12 variables, comme cela a été utilisé dans le premier article, pourrait conduire à de faux résultats. Selon Snellan, l’utilisation de ce polynôme a en fait donné à Greaves et à son équipe de faux résultats et ils n’ont trouvé « aucune preuve statistique de la phosphine dans l’atmosphère de Vénus ».
Et encore un autre groupe, dirigé par le planétologue de la NASA Geronimo Villanueva, qui n’était pas impliqué dans la détection d’origine, a réanalysé les mêmes données ALMA et JCMT et a découvert que le signal qui avait été interprété comme de la phosphine pouvait provenir du dioxyde de soufre, qui est connu pour être présent en quantités abondantes dans l’atmosphère de Vénus.
Bien que ce trio d’études n’écarte pas définitivement la présence de phosphine dans l’atmosphère de Vénus, elle soulève des questions sur les conclusions de l’équipe d’origine. Cet examen approfondi se poursuit alors que le personnel d’ALMA a découvert un problème distinct et non spécifié dans les données utilisées pour détecter la phosphine. « Nous examinons certains problèmes d’interprétation », déclare Dave Clements, astrophysicien à l’Imperial College de Londres et co-auteur de l’étude originale.