Le 19 novembre dernier, la National Science Foundation — propriétaire de l’observatoire d’Arecibo de Porto Rico — annonçait que le radiotélescope était désormais hors service. Le site avait en effet subi d’importants dégâts, à quelques semaines d’intervalle, qui avaient énormément fragilisé la structure. Pour ne pas mettre le personnel en danger, la NSF avait donc planifié son démantèlement. Mais l’installation n’aura finalement pas tenu jusque-là : le 1er décembre, malgré une météo plutôt clémente, la plateforme du récepteur s’est écrasée sur le réflecteur.
En service depuis 1963, le radiotélescope d’Arecibo a dû faire face à de nombreux séismes et ouragans pendant sa longue « carrière ». Mais cette année, sa résistance aux éléments semble avoir atteint sa limite : après la rupture d’un câble auxiliaire de soutien au mois d’août ayant largement endommagé l’antenne, un câble principal a cédé début novembre, rendant la structure particulièrement instable.
Une commission d’experts a jugé les dégâts irréparables ; toute tentative de réparation aurait en effet été particulièrement risquée pour l’équipe chargée de cette tâche. Néanmoins, le plan de déclassement du télescope prévoyait de préserver les autres parties de l’observatoire intactes, de manière à ce que le site puisse être exploité dans le cadre de missions de recherche ou d’enseignement ultérieures. Mais l’installation est aujourd’hui complètement détruite.
Une immense perte pour la communauté scientifique
Le radiotélescope d’Arecibo se trouve à l’intérieur d’un gouffre naturel, en pleine jungle portoricaine. Il se compose d’un immense réflecteur parabolique de 300 mètres de diamètre et d’un récepteur de 900 tonnes ; celui-ci était suspendu à environ 150 mètres au-dessus du réflecteur, maintenu par 18 câbles fixés sur trois tours en béton armé. Avec deux câbles en moins, l’installation a fini par céder et la chute s’est avérée fatale. L’incident, survenu tôt dans la matinée du 1er décembre, n’a fait aucun blessé.
Les premiers résultats de l’enquête indiquent que la partie supérieure des trois tours de support s’est brisée. Puis, lorsque la plateforme est tombée, les câbles de support ont également chuté. Le centre d’apprentissage de l’observatoire aurait subi des dommages importants. Selon le communiqué officiel de la National Science Foundation (NSF), la priorité est désormais de maintenir la sécurité sur le site et d’évaluer le plus rapidement possible les dégâts, afin de prendre les mesures nécessaires pour contenir et atténuer tout dommage environnemental causé par la structure.
L’effondrement de la structure a bouleversé une grande partie de la communauté scientifique. Déjà, à l’annonce de son démantèlement le mois dernier, des scientifiques du monde entier avaient prié les responsables de la NSF de revenir sur leur décision. « C’est une énorme perte. C’était un chapitre de ma vie », a déclaré au Guardian Carmen Pantoja, astronome et professeur à l’Université de Porto Rico, qui a utilisé le télescope dans le cadre de son doctorat.
Suite à la chute des deux câbles, la NSF avait la ferme intention de continuer à exploiter le site. Selon un communiqué officiel des responsables, il était ainsi prévu de rouvrir le centre des visiteurs et de remettre en service les instruments restants, notamment deux installations LIDAR utilisées pour la recherche sur la haute atmosphère et l’ionosphère, y compris l’analyse de la couverture nuageuse et des données de précipitations. Aujourd’hui, malgré cet effondrement imprévu, les responsables du site cherchent un moyen de rétablir les opérations dans ces parties de l’observatoire, afin de continuer à soutenir la communauté scientifique et la population de Porto Rico.
Une perte encore plus lourde pour les Portoricains
Le radiotélescope d’Arecibo était l’un des plus grands du monde — le deuxième plus grand exactement, derrière le radiotélescope FAST chinois. Il a contribué à d’importantes avancées, notamment la découverte des toutes premières exoplanètes. Il permettait également de surveiller la trajectoire des astéroïdes s’approchant de la Terre ; il a d’ailleurs fourni au monde la toute première image d’un astéroïde, en 1989.
Avec près de 90’000 visiteurs par an, c’est aussi un coup dur pour le secteur touristique. Mais surtout, le site était fortement ancré dans la culture portoricaine et a suscité, au fil des années, un fort intérêt pour les sciences parmi la jeune population. « Je fais partie de ces étudiants qui l’ont visité quand ils étaient jeunes et qui en ont été inspirés », déclare Abel Mendez, professeur de physique et d’astrobiologie à l’université de Porto Rico à Arecibo, qui utilisait régulièrement le télescope pour ses recherches. « C’est une lourde perte pour le monde, mais encore plus pour Porto Rico », ajoute-t-il.
Mendez avait utilisé le télescope pour la dernière fois début août, soit quelques jours avant que le premier câble ne se rompe. Près de 250 scientifiques du monde entier utilisaient l’observatoire au moment de sa fermeture en août, y compris Mendez, qui étudiait les étoiles pour détecter de potentielles planètes habitables. « J’essaye de récupérer, je suis toujours très affecté », commente le professeur. Tous les astronomes de la planète avaient la possibilité d’exploiter une portion de temps du radiotélescope pour leurs observations, même à distance.
« Au cours de sa vie, l’observatoire d’Arecibo a contribué à transformer notre compréhension de l’ionosphère, en nous montrant comment la densité, la composition et d’autres facteurs interagissent pour façonner cette région critique où l’atmosphère terrestre rencontre l’espace », expliquait fin novembre Michael Wiltberger, chef de la section géospatiale de NSF. L’événement marquera pendant longtemps tous les passionnés d’astronomie.