Alors que le calendrier de déconfinement présenté au mois de novembre prévoyait la réouverture des bars et restaurants le 20 janvier, celle-ci n’aura finalement pas lieu et aucune nouvelle date n’est pour le moment évoquée. Avec plus de 25’000 cas supplémentaires enregistrés en 24 heures le 6 janvier selon Santé publique France, nous sommes en effet bien loin des 5000 contaminations par jour espérées par le gouvernement. En attendant, le secteur de la restauration, en berne depuis le 30 octobre, est en souffrance.
En France, le premier confinement avait déjà entraîné la fermeture de ces établissements du 14 mars au 2 juin. Après une courte période de répit estivale, qui n’a sans doute pas suffi à combler les pertes économiques de chacun, le couperet tombe à nouveau le 30 octobre tandis que plusieurs départements avaient d’ores et déjà instauré un couvre-feu très pénalisant pour le secteur. Aujourd’hui, Thierry Grégoire, président de l’Union des métiers des industries de l’hôtellerie, estime que sa profession vit « un vrai supplice après neuf mois de sacrifices intenses ».
Ailleurs dans le monde, notamment aux États-Unis, plusieurs restaurants ont rouvert leurs portes dès l’automne, alors que les températures baissaient, pour permettre à leurs clients de manger en intérieur. Mais face à une recrudescence de cas à travers le pays (plus de 1,5 million de nouveaux cas sur les sept derniers jours), les repas en intérieur sont à nouveau interdits dans certaines villes (notamment à New York), tandis que d’autres continuent à le proposer, avec ou sans restrictions. Dans ce contexte, cinq experts américains de la santé reviennent sur les risques inhérents à la prise de repas au restaurant.
Des conditions propices à la transmission du virus
Comme en France, l’industrie américaine de la restauration et de l’hôtellerie a fortement réagi à l’annonce de nouvelles fermetures ; des poursuites ont même été engagées dans certains États pour mettre fin à ces restrictions. En novembre, le gouverneur de New York, Andrew Cuomo, a officiellement déclaré lors d’une conférence de presse que les rassemblements privés représentaient la grande majorité (74%) des nouveaux cas dans tout l’État, tandis que moins de 2% provenaient de bars et de restaurants. Malgré ce constat, Cuomo interdit la prise de repas en intérieur dans tous les restaurants de New York.
Une sage décision selon la Dr Laurie Archbald-Pannone, professeure agrégée de médecine à l’Université de Virginie. Sachant comment se transmet le virus — via des microgouttelettes respiratoires — manger au restaurant « n’est pas une option » pour cette spécialiste, qui n’a pas mangé au restaurant depuis le mois de mars 2020. Ôter son masque le temps d’un repas comporte selon elle trop de risques. Elle préfère de loin continuer à soutenir les restaurateurs en commandant plusieurs fois par semaine des repas à emporter ou livrés à domicile.
De même, pour le Dr Thomas A. Russo, chef de la division des maladies infectieuses à l’Université de Buffalo, le fait de se trouver en intérieur, en compagnie d’autres personnes ne portant pas continuellement leur masque représente « le plus grand risque d’être infecté par le SARS-CoV-2 ». Au mois de mai 2020, alors que les bars et restaurants rouvraient au public, il avertissait déjà des risques élevés de contamination que représentait la situation. Le fait de ne pas pouvoir porter son masque en permanence, ajouté à une distanciation sociale pas toujours possible dans certains lieux, met immanquablement les clients en danger.
Selon lui, les gouttelettes émises lorsqu’une personne parle ne sont pas la seule menace : de minuscules aérosols contenant potentiellement des particules virales persistent dans l’air. Or, la ventilation n’est pas toujours optimale dans les restaurants, contrairement aux grandes surfaces commerciales, qui bénéficient en outre de bien plus d’espace aérien. Le spécialiste évoque par ailleurs une étude coréenne publiée au mois de novembre, dans laquelle des chercheurs ont analysé la transmission du virus par gouttelettes sur de longues distances, dans un restaurant. Il se trouve que l’un des cas de contamination étudiés concerne une personne qui se trouvait pourtant à 6 mètres de la source pendant seulement 5 minutes ; cette personne a été infectée parce qu’elle se trouvait dans le flux d’air du restaurant.
Un « sacrifice à court terme » indispensable
Kathleen C. Brown, spécialiste en santé publique de l’Université du Tennessee, estime elle aussi que les restaurants « présentent de gros risques » et s’abstient de s’y rendre depuis le début de la pandémie. Elle rappelle que les Centres de contrôle et de prévention des maladies ont rapporté que les patients testés positifs au SARS-CoV-2 étaient environ deux fois plus susceptibles d’avoir mangé au restaurant dans les 14 jours précédant leur test que ceux testés négatifs. Pour elle, rien de plus logique : « Ce que je ne peux pas contrôler pose un risque. […] Plus je rencontre de personnes, plus le risque est grand. Dans un restaurant, je ne suis pas en mesure d’évaluer le risque posé par les autres clients ou le personnel ».
Le Dr Ryan Huerto, expert en services de santé à l’Université du Michigan, recommande vivement de ne pas manger au restaurant lui aussi, même si un repas pris en ces lieux peut s’avérer très bénéfique pour la santé mentale, notamment en rompant l’isolement social. Il rappelle que toutes les activités en intérieur présentent bien plus de risques, ce que confirme d’ailleurs le pic d’infections et de décès très probablement liés aux rassemblements de Thanksgiving. Il encourage ainsi la population à rester chez elle et à respecter les mesures d’hygiène et de distanciation, même avec l’arrivée du vaccin. C’est pour lui un « sacrifice à court terme » indispensable pour se protéger les uns les autres.
Sue Mattison, épidémiologiste à l’Université de Drake, s’avère quant à elle moins inquiète. La raison ? Elle a été testée positive à la COVID-19 en avril 2020 et s’estime de ce fait moins vulnérable. Elle fréquente ainsi certains restaurants locaux, toujours les mêmes, dans lesquels les mesures sanitaires sont scrupuleusement respectées : réduction du nombre de tables, qui sont ainsi suffisamment espacées (au moins 2 mètres), et port du masque par le personnel et les clients dès que possible.
Sa réponse est plutôt surprenante alors qu’on ne connaît pas encore avec certitude la durée de l’immunité acquise suite à l’infection (même si une récente étude, non revue par les pairs, évoque plusieurs mois de protection). La spécialiste rappelle néanmoins qu’elle continue à prendre les précautions qui s’imposent et souligne, tout comme Kathleen C. Brown, qu’il a été prouvé que les restaurants sont une source importante d’infection. Selon elle, ceux qui n’ont jamais contracté la maladie doivent donc s’abstenir d’y manger.
Vous l’aurez compris, dans la situation actuelle, les plats à emporter ou en livraison demeurent le meilleur moyen de profiter de vos restaurants préférés — et de les soutenir dans cette période difficile — tant que la propagation du virus n’est pas complètement maîtrisée.