Avec un diamètre de 950 kilomètres, Cérès est l’objet le plus massif de la ceinture d’astéroïdes située entre Mars et Jupiter. Il est reconnu comme étant la plus petite planète naine du Système solaire. Des scientifiques finlandais étudient la possibilité de créer un habitat humain permanent en orbite autour de cet objet. Selon eux, les matériaux nécessaires à la construction de cette colonie satellite pourraient être récupérés sur Cérès lui-même.
Le projet n’est pas sans rappeler le scénario de la série de science-fiction The Expanse (adaptée des romans de James S. A. Corey), qui elle-même met en scène une « station Cérès » dans laquelle évoluent les personnages, au cœur d’un système solaire imaginaire entièrement colonisé. Dans cette fiction cependant, la station est construite directement sur la planète Cérès ; ici, il est question de créer une colonie sur un engin positionné en orbite haute autour de cette planète.
Les détails de cet ambitieux projet viennent d’être partagés sur le serveur de prépublication arXiv. Dans le document, l’équipe finlandaise insiste sur le fait que Cérès serait une destination de choix, car elle contient de l’azote, qui pourrait permettre de former une atmosphère similaire à celle de la Terre. L’objectif est bel et bien de créer un monde durable à long terme, qui pourrait potentiellement servir de tremplin vers d’autres régions du Système solaire.
Un environnement propice au développement de la vie
Le projet prévoit ainsi la mise en orbite d’une colonie de mégasatellites. Pour bénéficier d’une gravité artificielle de 1 g, ce qui correspond à la valeur normale de la pesanteur terrestre (9,81 m/s2), les différents habitats seraient en rotation constante, puis reliés par un système magnétique à un cadre principal fixe, en forme de disque. L’ensemble devrait effectuer une rotation complète en seulement 66 secondes pour maintenir la gravité artificielle.
L’objectif est de recréer les conditions permettant le développement de la vie au-delà de la Terre, tout en facilitant les déplacements des habitants entre ces différentes colonies futuristes. Les scientifiques prévoient ainsi d’utiliser des véhicules de type train à sustentation magnétique (Malglev) pour relier chaque habitat ; une expérience en apesanteur pour les passagers, qui pourraient avec le temps mieux tolérer cette sensation, comme l’expliquent les auteurs : « La première fois, l’apesanteur provoque des nausées et des vomissements chez certaines personnes. Cependant, dans une colonie où les gens souffrent occasionnellement d’apesanteur depuis l’enfance, il est plausible de penser qu’ils puissent bien la tolérer lors de courts voyages ».
La densité de population ne devrait pas dépasser les 500 individus par km² (une densité similaire à celle observée aux Pays-Bas, précisent les auteurs) ; il est prévu l’équivalent de 2000 m² d’espace de vie disponible personne (incluant l’espace commun). Pour pouvoir envisager la croissance d’arbres et de jardins, un sol fertile profond de 1,5 mètre serait utilisé au niveau des espaces « ruraux ». Selon les chercheurs, cette épaisseur pourrait toutefois atteindre les 4 mètres si davantage d’énergie y est consacrée lors de la phase de construction. La masse de l’ensemble est estimée à 107 kg par personne, dont la majeure partie serait constituée de terre et des indispensables boucliers antiradiations. L’énergie de production est estimée à 1013 J par personne.
Les zones « urbaines » seraient éclairées artificiellement, tandis que les zones « rurales » bénéficieraient de la lumière naturelle du Soleil, redirigée sur la mégastructure à l’aide de deux miroirs plans inclinés à 45° et concentrée via une série de miroirs paraboliques. Ces miroirs massifs pourraient par ailleurs faire office de boucliers en cas d’impact de météorites.
Concernant les matériaux de construction, les chercheurs estiment que leur extraction sur Cérès serait relativement rentable d’un point de vue énergétique, comparée à leur transformation en habitats. Ceci pourrait être effectué à l’aide d’un ascenseur spatial, une technique envisageable du fait que Cérès présente une faible gravité (environ 30 cm/s2) et tourne relativement vite sur elle-même (en un peu plus de 9 heures). Ce mode opératoire nécessiterait de fait peu de carburant.
Différentes colonies reliées les unes aux autres
Les chercheurs qui ont imaginé ce projet soutiennent que l’environnement sur ces colonies orbitales pourrait même être meilleur que sur la Terre, car elles excluent évidemment toutes conditions météorologiques défavorables ou la survenue de catastrophes naturelles. En outre, il serait possible selon eux d’atteindre une surface habitable plus grande que celle de la Terre.
La plupart des projets de colonisation extraterrestre se classent en deux catégories : les projets d’implantation de stations fixes sur la Lune et Mars d’une part, et les projets de stations orbitales d’autre part. Dans le premier cas, l’inconvénient majeur réside dans la faible gravité de l’environnement, qui soulève pas mal de questionnements quant aux effets à long terme sur la santé des individus (notamment sur la croissance des enfants).
Les projets satellitaires en revanche, permettent de mettre en place des conditions gravitationnelles similaires à la Terre. Mais l’un des défis majeurs est d’assurer le transport de biens et de personnes d’une colonie à l’autre (ce qui sera forcément nécessaire à mesure que la population qui colonisera la première unité augmentera). Si les différentes colonies suivaient une orbite héliocentrique, elles auraient tendance à s’éloigner et les temps de trajet prendraient trop de temps. Le choix de Cérès permet de pallier le problème (les chercheurs précisent qu’il reste toutefois à prévenir les collisions entre les différents habitats…).
Concernant le mode de transport lui-même, s’il était basé sur une propulsion de type moteur-fusée, il ne serait pas fiable à long terme : en effet, les atomes utilisés ne pourraient pas être recyclés. En sortie de la tuyère, ils seraient simplement ionisés par le rayonnement solaire, puis expulsés hors du Système solaire. Le fait de relier les différents habitats à une structure fixe permet d’envisager un trajet entre chaque unité sans propulsion.
Pourquoi la présence d’azote est-elle si importante ? Car une atmosphère composée uniquement d’oxygène ne serait pas viable. Certes, l’expérience a montré qu’il est possible de vivre sous oxygène pur pendant quelques semaines, mais sur le long terme, la santé des poumons pourrait être gravement impactée. Par ailleurs, la densité de l’air serait trop faible pour que les insectes et les oiseaux puissent y voler ; or, les premiers sont indispensables à la pollinisation, tandis que les seconds « manqueraient trop aux gens s’ils étaient absents » peut-on lire dans le descriptif du projet.
Pour peaufiner leur étude, les chercheurs prévoient de travailler sur le transport des personnes de la Terre à Cérès et d’étudier les différentes options de déplacement entre les habitats. Des simulations sont également nécessaires pour déterminer quelle serait la plus haute altitude d’une orbite stable à long terme autour de Cérès.