L’influence de la Lune sur notre organisme est discutée depuis des décennies. Le folklore l’estime ainsi responsable de nos changements d’humeur, de la suractivité des enfants, des pics de criminalité, et même de la vitesse à laquelle poussent nos cheveux ! Aucun lien de cause à effet n’a été scientifiquement prouvé à ce jour. En revanche, une nouvelle étude suggère que notre sommeil est, quant à lui, nettement affecté par le cycle lunaire.
Vous avez l’impression d’avoir moins bien dormi ces derniers jours ? Ce n’est peut-être pas qu’une impression. Ce 28 janvier était une nuit de pleine lune. Or, une étude menée par des biologistes de l’Université de Washington a mis en évidence le fait que nous nous endormons plus tard et que le sommeil se fait plus court les nuits précédant la pleine lune, notamment lorsque le clair de Lune survient pendant les heures qui suivent le crépuscule.
On sait aujourd’hui que l’activité humaine est facilitée par la présence de lumière, qu’elle provienne du Soleil, de la Lune ou qu’elle soit artificielle. Cette nouvelle étude suggère non seulement que la Lune impacte bel et bien notre capacité à dormir, mais aussi que son influence est la même que l’on ait accès ou non à une source de lumière artificielle.
Un effet accentué par le manque de lumière artificielle
Le Soleil est la source de lumière la plus importante et synchronise les rythmes circadiens de presque toutes les espèces ; le clair de Lune module également l’activité nocturne d’organismes, allant des larves d’invertébrés aux primates. Le clair de Lune est si brillant pour l’œil humain qu’il est tout à fait raisonnable d’imaginer qu’en l’absence d’autres sources de lumière, cette lueur nocturne joue un rôle dans la modulation de l’activité nocturne humaine et du sommeil. Cette hypothèse est cependant controversée.
Pour vérifier les effets du cycle lunaire, des chercheurs ont suivi et analysé les habitudes de sommeil d’une centaine de personnes, issues de trois communautés autochtones d’Argentine, pendant plusieurs semaines. Toutes étaient équipées d’un actimètre de poignet. Ces trois groupes de personnes se distinguaient par leur accès à l’électricité : le premier groupe n’y avait pas du tout accès, le deuxième disposait d’un accès restreint, tandis que le troisième avait un accès complet.
Les chercheurs souhaitaient notamment tester la prédiction selon laquelle, dans les communautés sans accès à l’électricité, les nuits au clair de Lune seraient associées à une activité nocturne accrue et à une diminution du sommeil. Conformément à de précédentes études, les résultats ont permis de constater qu’un accès accru à la lumière électrique entraînait une durée de sommeil plus courte et un endormissement plus tardif.
Cependant, les scientifiques ont aussi remarqué que malgré la différence d’accès à la lumière artificielle, tous les participants ont affiché le même schéma d’oscillations de sommeil à mesure que la Lune effectuait son cycle de 29,5 jours. La durée du sommeil variait de façon notable sur un cycle (entre 20 et plus de 90 minutes), de même que les heures de coucher (entre 30 et 80 minutes de décalage). Comme attendu, les données ont montré que l’effet du cycle lunaire sur le sommeil semblait être plus fort à mesure que l’accès à l’électricité était limité.
Une influence notable en début de nuit
Les chercheurs ont remarqué que les participants dormant moins et restant éveillés plus tard étaient les plus nombreux pendant les 3 à 5 jours précédant la nuit de pleine lune et ce, peu importe leur accès à la lumière artificielle. A contrario, le phénomène inverse a été observé lors des nuits précédant la nouvelle lune. Ces résultats étaient plutôt surprenants, les chercheurs s’attendant à moins de sommeil et plus d’activité les nuits de pleine lune. Horacio de la Iglesia, professeur de biologie à l’Université de Washington et co-auteur de l’étude, apporte une explication : « Il s’avère que les nuits précédant la pleine lune sont celles qui bénéficient le plus du clair de Lune pendant la première moitié de la nuit ».
En effet, les humains commencent généralement leur sommeil quotidien quelques heures après le crépuscule, et se réveillent rarement avant l’aube. Ainsi, en début de nuit, l’intensité du clair de Lune est susceptible d’empêcher l’initiation au sommeil ; en outre, il est peu probable qu’elle réveille quelqu’un qui s’est déjà endormi. Dans ce contexte, c’est principalement le clair de Lune disponible pendant les premières heures de la nuit qui est le plus susceptible de provoquer des changements au niveau de l’endormissement. En revanche, le clair de Lune qui apparaît tard dans la nuit, lorsque la plupart des individus sont endormis, a peu d’influence sur le début ou la durée du sommeil.
Afin de corroborer leurs résultats, De la Iglesia et ses collègues ont comparé leurs données avec les résultats obtenus lors d’une étude similaire, réalisée auprès de 464 étudiants de l’Université de Washington. L’objectif étant de vérifier si le cycle lunaire influençait aussi les individus résidant dans de grands environnements urbains modernes. Ils ont pu constater que les oscillations de sommeil suivaient ici encore le même schéma, selon les différentes phases de la Lune. Les effets de notre satellite naturel sur notre sommeil sont donc indéniables : « Ensemble, ces résultats suggèrent fortement que le sommeil humain est synchronisé avec les phases lunaires indépendamment de l’origine ethnique et socio-culturelle et du niveau d’urbanisation », résument les chercheurs.
Derk-Jan Dijk, professeur de sommeil et de physiologie et directeur d’un centre de recherche sur le sommeil à l’Université de Surrey, a toutefois noté que les chercheurs n’avaient pas tenu compte des influences internes, telles que les horloges circadiennes, qui pourraient affecter les habitudes de sommeil. C’est la première fois qu’une étude sur le sommeil est réalisée ainsi, hors laboratoire, et examine spécifiquement l’impact de la Lune. Comme les auteurs le déclarent eux-mêmes, le lien de causalité ne peut être établi sur la base de ces résultats ; néanmoins, « les données sont solides et nouvelles », souligne un autre chercheur de centre de recherche sur le sommeil de Surrey.