Au cours du mois de fรฉvrier, l’orbite martienne va accueillir trois nouveaux arrivants en provenance de la Terre : la sonde spatiale Hope des EAU, qui a rรฉalisรฉ avec succรจs son insertion orbitale mardi 9 fรฉvrier ; la sonde spatiale (dotรฉe d’un atterrisseur) Tianwen-1, qui s’est elle aussi placรฉe avec succรจs en orbite aujourd’hui (mercredi 10 fรฉvrier) ; et le rover Perseverance, qui devrait arriver sur la planรจte rouge d’ici une semaine. Mais alors, pourquoi les agences spatiales de trois pays (ou groupement de pays) ont-elles dรฉcidรฉ de lancer leurs engins spatiaux au mรชme moment ?
C’est un mois de fรฉvrier chargรฉ pour Mars, avec trois sondes de trois pays diffรฉrents arrivant sur la planรจte rouge en seulement neuf jours. Mais cette affluence martienne n’est pas hasardeuse : c’est une question de mรฉcanisme spatial. La premiรจre mission interplanรฉtaire des รmirats arabes unis, la sonde Hope, a atteint l’orbite de Mars mardi 9 fรฉvrier. La premiรจre mission interplanรฉtaire de la Chine, Tianwen-1, s’est placรฉe sur sa propre orbite martienne aujourd’hui.
La sonde chinoise comprend ร la fois un orbiteur et un atterrisseur avec un rover ร bord, qui devrait tenter d’atterrir ร la surface en mai. Et le 18 fรฉvrier, le premier vรฉhicule de descente de la NASA atteindra Mars et plongera directement dans son atmosphรจre. Si tout se passe comme prรฉvu, le vรฉhicule perdra sa coque extรฉrieure et utilisera des fusรฉes pour arrรชter sa descente au dernier moment. Ensuite, il planera au-dessus de la surface pour dรฉposer le rover Perseverance, ร propulsion nuclรฉaire, d’une valeur de 2.7 milliards de dollars.

Tous ces engins spatiaux apparaissant presque exactement au mรชme moment ne sont pas une coรฏncidence, comme l’explique Jonathan McDowell, astrophysicien et spรฉcialiste des vols spatiaux ร l’Universitรฉ de Harvard. Mars et la Terre sont comme des ยซ coureurs sur une piste circulaire. Et le coureur le plus rapide (Terre) se retrouve rรฉguliรจrement au niveau du coureur extรฉrieur (Mars). Donc ils sont ici juste ร cรดtรฉ l’un de l’autre, et parfois ils sont sur les cรดtรฉs opposรฉs de la piste ยป. Ce cycle Terre-Mars prend environ deux ans.
Il faudrait une รฉnorme fusรฉe, des tonnes de carburant et beaucoup plus de temps pour atteindre Mars depuis la Terre alors que les planรจtes sont les plus รฉloignรฉes l’une de l’autre. Mais lancer une mission alors que les planรจtes sont ร leur plus proche โ lorsqu’elles sont distantes de 62.1 millions de kilomรจtres en moyenne โ n’est pas non plus le moyen le plus efficace pour se rendre sur Mars.
Orbite de transfert entre la Terre et Mars : une fenรชtre ouverte tous les deux ans
Il y a un point en amont dans le cycle de deux ans des planรจtes oรน le voyage prend moins de temps et nรฉcessite moins de carburant. ร ce stade, qui se produit une fois au cours du cycle de deux ans, la Terre est un peu derriรจre Mars, mais continue de se dรฉplacer plus vite que sa voisine. Ce positionnement permet ร un l’engin spatial d’entrer dans une ยซ orbite de transfert de Hohmann ยป, du nom de l’ingรฉnieur allemand Walter Hohmann, qui a รฉlaborรฉ les mathรฉmatiques sous-jacentes en 1925.
Aucune fusรฉe ne transporte assez de carburant pour parcourir tout le chemin entre la Terre et Mars, une distance qui varie entre des dizaines et des centaines de millions de kilomรจtres. Cela signifie que toute aventure interplanรฉtaire commence par une brรจve et intense pรฉriode d’accรฉlรฉration, suivie d’une longue pรฉriode de croisiรจre. Le travail des moteurs de fusรฉe pendant cette pรฉriode initiale d’accรฉlรฉration est de placer le vaisseau spatial sur une orbite autour du Soleil qui rencontrera l’orbite de Mars dรจs que possible.

Le chemin le plus efficace entre les planรจtes est donc l’orbite solaire en intersection avec Mars, qui peut รชtre atteinte avec une moindre dรฉpense de carburant, et cette orbite devient disponible une fois tous les deux ans. Mais les agences spatiales n’ont pas ร viser ce jour-lร exactement. Tant qu’ils lancent leur engin dans une fenรชtre de quelques semaines autour de la date, ils peuvent placer leur vaisseau spatial sur les orbites de transfert de Hohmann.
L’orbiteur Hope a รฉtรฉ lancรฉ le 19 juillet 2020, Tianwen-1 le 23 juillet et Perseverance le 30 juillet. Les รฉcarts entre les arrivรฉes des vaisseaux spatiaux ne correspondent pas exactement ร leurs dates de lancement en raison de diffรฉrences mineures dans leur technologie de fusรฉe, leurs trajectoires dans l’espace et les destinations. Par exemple, il faut un angle d’approche diffรฉrent pour plonger directement dans l’atmosphรจre de la planรจte et pour entrer sur une orbite haute comme Hope l’a fait.
Mars : une planรจte habituรฉe ร l’affluence d’engins terrestres
Ce n’est pas la premiรจre fois que l’espace orbital martien est aussi encombrรฉ. L’Union soviรฉtique a lancรฉ quatre vaisseaux spatiaux sur Mars en 1973, mais l’un n’a pas rรฉussi ร atteindre l’orbite et aucun des trois autres n’a fonctionnรฉ comme prรฉvu ร son arrivรฉe. Deux engins spatiaux soviรฉtiques et un vaisseau spatial amรฉricain ont รฉtรฉ lancรฉs sur Mars en 1971, et tous ont eu des missions au moins partiellement rรฉussies. Les deux pays ont prรฉvu des sondes supplรฉmentaires cette annรฉe-lร , mais la sonde amรฉricaine Mariner 8 a รฉchouรฉ lors du lancement et le Kosmos 419 soviรฉtique n’a jamais รฉchappรฉ ร l’orbite terrestre basse.
Ce qui est diffรฉrent cette annรฉe, c’est la grande diversitรฉ des vaisseaux spatiaux atteignant Mars et le fait que plusieurs sondes supplรฉmentaires sont dรฉjร actives autour de la planรจte. La NASA a trois orbiteurs actifs en orbite martienne, l’Agence spatiale europรฉenne (ESA) a รฉgalement la sienne et un orbiteur, qui est un projet conjoint avec l’agence russe Roscosmos. L’Organisation indienne de recherche spatiale a รฉgalement un orbiteur actif. Le rover Curiosity et l’atterrisseur InSight de la NASA sont รฉgalement toujours actifs ร la surface martienne.

