Dans son récent livre intitulé « Comment éviter un désastre climatique », Bill Gates explore plusieurs solutions pour diminuer les émissions des gaz à effet de serre. Des transports à l’agriculture en passant par les sources d’énergie, le bouquin liste les principaux problèmes relatifs à chaque grand domaine, ainsi que les solutions et obstacles qui y sont liés. Gates aborde notamment le sujet de la nourriture synthétique afin d’éliminer les émissions dues au bétail. Il préconise un passage total au bœuf synthétique pour la majorité des pays riches.
Le cofondateur de Microsoft, qui est maintenant coprésident de la Fondation Bill et Melinda Gates et président du fonds d’investissement Breakthrough Energy Ventures, s’en tient à son argument principal selon lequel nous aurons besoin de nombreuses percées énergétiques pour espérer améliorer toutes les parties de l’économie et aider les régions les plus pauvres du monde. La question de la nourriture est également un point central de son argumentaire. Pour Bill Gates, les pays riches et qui en ont les moyens devraient progressivement abandonner la viande issue du bétail. Le MIT l’a interrogé à ce sujet, et voici ses réponses.
MIT : Dans le livre, vous couvrez un large éventail de secteurs difficiles à résoudre. Et la nourriture en est un. L’échelle est massive. Nous commençons à peine à trouver des alternatives. Nous n’avons fondamentalement pas de produits de remplacement qui éliminent complètement les émissions de gaz à effet de serre provenant du bétail et des engrais. Dans quelle mesure avez-vous confiance en l’agriculture future ?
Arborez un message climatique percutant 🌍
Bill Gates : Il existe des entreprises, dont une filiale de Breakthrough Energy Ventures appelée Pivot Bio, qui réduisent considérablement la quantité d’engrais dont vous avez besoin. Il y a des progrès dans le domaine des semences, y compris des semences qui font ce que font les légumineuses : c’est-à-dire qu’elles sont capables de convertir l’azote du sol en composés que les plantes peuvent utiliser biologiquement. Mais la capacité à améliorer la photosynthèse et à améliorer la fixation de l’azote est l’une des choses les plus sous-investies.
En matière de bétail, c’est très difficile. Il y a plusieurs manières de réduire les émissions de gaz à effet de serre, comme il existe un composé particulier qui permet de réduire de 20% les émissions de méthane. Mais malheureusement, ces bactéries situées dans leur système digestif qui produisent du méthane sont une partie nécessaire à la décomposition de l’herbe. Et donc je ne sais pas s’il y aura une approche naturelle de ce côté. J’ai peur que les alternatives protéinées synthétiques comme les hamburgers à base de plantes soient nécessaires au moins pour le bœuf.
Les gens s’intéressent à des entreprises comme Memphis Meats qui travaillent au niveau cellulaire et produisent de la viande synthétique en bioréacteurs. De la même manière, Impossible and Beyond ont une stratégie de production de viande synthétique qui les rend totalement compétitifs. Mais dire littéralement aux populations « vous ne mangerez plus de bœuf » constituerait une approche assez impopulaire dans un premier temps.
Pensez-vous que les viandes végétales et cultivées en laboratoire pourraient être la solution complète au problème d’apport des protéines dans le monde, même dans les pays pauvres ? Ou pensez-vous que ce sera négligeable à cause des choses dont vous parlez, de l’amour culturel pour les hamburgers et de la façon dont le bétail est si central pour les économies du monde entier ?
Pour l’Afrique et d’autres pays pauvres, nous devrons utiliser la génétique animale pour augmenter considérablement la quantité de viande de bœuf. Concernant le bétail américain, il est si productif que les émissions carbone par kg de bœuf sont considérablement inférieures aux émissions par kg en Afrique. Et dans le cadre du travail de la Fondation Bill et Melinda Gates, nous tirons profit du bétail africain, pouvant vivre dans de fortes chaleurs, et le croisons génétiquement avec le bétail américain pour la production de viande et de lait.
Donc non, je ne pense pas que les 80 pays les plus pauvres mangeront de la viande synthétique. Je pense que tous les pays riches devraient passer à du bœuf 100% synthétique. Vous pouvez vous habituer à la différence de goût, et les entreprises lui donneront un goût encore meilleur avec le temps. Finalement, ce changement est suffisamment modeste pour que vous puissiez en quelque sorte changer le comportement des personnes ou utiliser la réglementation pour déplacer totalement la demande.
Donc, pour la viande dans les pays à revenu intermédiaire et supérieur, je pense que c’est possible. Mais ce sont des pays où la chaîne de production doit être évaluée tous les ans, et les politiques sont souvent contraignantes. Il y a tous ces projets de loi qui obligent que la viande synthétique soit définie comme « déchet » de laboratoire. Ils ne veulent pas que nous utilisions l’étiquette du bœuf pour ces produits.