Le pôle Sud lunaire contient probablement des quantités importantes d’eau dans les cratères ombragés en permanence. Extraire cette eau pour le maintien de la vie sur une base lunaire ou pour fabriquer du carburant pour fusée nécessiterait de grandes quantités d’énergie, de l’ordre du gigawatt. Pour produire cette énergie, une équipe de chercheurs propose la construction de grandes tours en béton dotées de panneaux solaires dans les zones lunaires éclairées en permanence.
Cela ressemble certainement à de la science-fiction, mais la construction d’une énorme tour de plusieurs kilomètres de haut sur la surface lunaire peut être le meilleur moyen d’exploiter l’énergie solaire pour une exploration lunaire à long terme. De telles tours placeraient des panneaux solaires au-dessus des caractéristiques géologiques obstructives de la surface lunaire et élargiraient la surface disponible pour la production d’électricité.
Une future base lunaire, quelle que soit sa taille, nécessitera deux ressources clés : l’eau et l’électricité. Depuis que des preuves de glace d’eau gelée ont été découvertes dans les profondeurs de cratères ombragés en permanence près du pôle Sud de la Lune, la région polaire est devenue la principale cible de la NASA pour les futures missions lunaires. L’eau peut être utilisée pour l’hydratation, et faire pousser des plantes, mais aussi comme carburant pour fusée ou être séparée au niveau moléculaire pour produire de l’oxygène respirable.
Mais alors que l’eau lunaire se trouve au fond des bassins du cratère, la production d’électricité proviendra probablement des hauteurs, au-dessus des bords du cratère, où des pics de lumière permanente sont connus pour exister.
Ces pics ne subissent presque jamais d’ombre et seraient des endroits idéaux pour placer des cellules solaires pour alimenter les activités d’extraction d’eau. Les « pics de lumière permanents » sont cependant faibles, et pour en tirer le meilleur parti, il pourrait être judicieux de les exploiter verticalement — augmentant considérablement la surface utilisable pour la production d’énergie solaire sans obstruction.
Des tours plus simples à construire sur la Lune que sur Terre
Bien qu’il faudra plusieurs décennies avant qu’une telle construction ne soit véritablement lancée, des chercheurs de l’Université Harvard ont déjà commencé à déterminer les possibilités et les contraintes d’un tel projet. Ils ont ainsi publié un article sur le serveur de préimpression arXiv qui explore la physique et la science des matériaux qui régiraient la construction de ces énormes tours lunaires.
Sur Terre, le plus haut bâtiment jamais construit, le Burj Khalifa, mesure 828 mètres de haut. Sur la Lune, il est possible de construire beaucoup plus haut que cela car l’environnement lunaire offre trois avantages significatifs. Premièrement, la gravité lunaire n’est que de 1/6 de celle de la Terre, ce qui signifie que les bâtiments peuvent porter leur propre masse à des hauteurs beaucoup plus élevées. Deuxièmement, l’environnement lunaire n’a pas d’atmosphère, ce qui signifie que les constructeurs sur la Lune n’auront pas à tenir compte de la tension des vents violents comme ils le font sur Terre.
Et enfin, l’environnement sismique calme de la Lune signifie que les concepteurs des tours lunaires n’auront pas à se soucier des effets des tremblements de terre — ou plutôt des tremblements de Lune. En tenant compte de ces paramètres, les chercheurs ont pu calculer qu’une épaisseur de paroi minimale de 20 cm est nécessaire pour construire en toute sécurité une tour en béton jusqu’à plusieurs kilomètres de hauteur. Construire plus haut est possible, mais le coût et la quantité de béton requis augmentent considérablement au-delà de deux kilomètres.
Béton : le matériau le plus adéquat pour la construction lunaire
Les chercheurs ont choisi le béton comme matériau de construction car il peut être fabriqué assez facilement à partir du sol lunaire (régolithe). Le coût du transport des poutres en acier depuis la Terre serait prohibitif, il est donc essentiel de pouvoir construire les tours à partir de ressources lunaires. Les chercheurs ont également mesuré la contrainte de compression du poids du béton, ainsi que sa résistance au flambage, pour déterminer la hauteur d’une telle structure qui pourrait être construite.
Bien que des tours allant jusqu’à 17 km soient théoriquement possibles, l’équipe a conclu que « la masse et le volume du régolithe qui doit être transformé en béton dans un délai raisonnable sont très probablement le facteur limitant pendant un certain temps. Si nous comptons une période de construction d’un an, une tour de 2 km devrait être construite à hauteur de 11 mt/jour. Une tour de 1 km nécessiterait des taux 80% plus bas. Ces chiffres semblent plausibles dans une ou deux décennies ».
Les gratte-ciel lunaires imposants sont donc non seulement réalisables (d’ici peu), mais peuvent simplement être la solution la plus pratique pour la production d’électricité sur la Lune à long terme. Le jour où un bâtiment lunaire dépasse en hauteur le Burj Khalifa est encore loin, mais avec le programme Artemis prévoyant un retour sur la Lune cette décennie, les bases d’un tel projet pourraient être posées dans un avenir que nous pouvons d’ores et déjà entrevoir.