Un stimulant (interdit) datant de la Seconde Guerre mondiale retrouvé dans des compléments alimentaires pour la perte de poids

stimulants bannis retrouves dans complements alimentaires
Cet inhalateur nasal, utilisé durant la Seconde Guerre mondiale, contient l'un des stimulants bannis retrouvés dans des compléments alimentaires. | Pieter Cohen
⇧ [VIDÉO]   Vous pourriez aussi aimer ce contenu partenaire

Un puissant stimulant, connu sous le nom de phenprométhamine, a connu un véritable succès durant la Seconde Guerre mondiale, vendu pour la dernière fois sous la forme d’un inhalateur nasal, le Vonedrine, dans les années 1940 et 1950. Il a depuis été retiré du marché et surtout, n’a jamais été approuvé pour un usage oral. Pourtant, et malgré son interdiction dans les sports de compétition par l’Agence mondiale antidopage, selon une récente étude, il est utilisé aujourd’hui dans des compléments alimentaires pour sportifs ou perte de poids.

La nouvelle étude, publiée dans la revue revue Clinical Toxicology le 23 mars, semble être la première à confirmer la présence de la phenprométhamine dans des compléments alimentaires. En plus de la phenprométhamine, les chercheurs ont identifié huit autres stimulants interdits dans les compléments sportifs et les compléments de perte de poids, souvent mélangés dans diverses combinaisons pour créer des « cocktails » stimulants qui n’ont jamais été étudiés chez l’Homme, déclarent les auteurs de l’étude.

« Trouver neuf stimulants expérimentaux interdits différents en même temps était vraiment très choquant », a déclaré le Dr Pieter Cohen, auteur principal de l’étude, interniste généraliste à la Cambridge Health Alliance et professeur associé de médecine à la Harvard Medical School. Lui et son équipe ont trouvé jusqu’à quatre stimulants différents dans un seul complément alimentaire…

Les risques liés à la consommation de ces combinaisons de stimulants sont inconnus, et les stimulants en question ne sont pas toujours mentionnés sur les étiquettes des produits, notent les auteurs. « La FDA devrait avertir les consommateurs de la présence de cocktails de stimulants expérimentaux dans les compléments pour la perte de poids et le sport et prendre des mesures efficaces immédiates pour retirer ces stimulants du marché », écrivent les chercheurs dans l’étude.

Arrêt cardiaque et mort subite…

Au départ, le but des chercheurs n’était pas d’identifier la phenprométhamine, mais un autre stimulant, le déterénol. Selon des études antérieures, les compléments à base de déterénol, comme d’autres stimulants, étaient associés à des effets nocifs : nausées, vomissements, douleurs thoraciques, arrêts cardiaques, voire morts subites. À savoir que l’utilisation du déterénol n’a jamais été approuvée aux États-Unis et en 2004, la FDA a décidé que le stimulant n’était pas autorisé dans les compléments alimentaires.

Dans le cadre de leur étude, les chercheurs ont analysé 17 marques de compléments alimentaires vendus aux États-Unis et étiquetés comme contenant du déterénol ou un dérivé du composé. Ces produits étaient généralement commercialisés en tant que compléments alimentaires pour la perte de poids ou pour le sport.

À leur grande surprise, les chercheurs ont trouvé du déterénol dans 13 des 17 compléments. Le deuxième stimulant le plus souvent détecté était la phenprométhamine, présente dans 4 des 17 marques. Il existe très peu de données sur la sûreté de la phenprométhamine. De plus, lorsqu’elle était utilisée dans les années 1940 et 1950, elle n’était disponible que sous forme de spray nasal. Les effets de la prise orale du médicament, qui est la façon dont elle est consommée aujourd’hui, sont inconnus. « Si vous le prenez sous forme de pilule, il pourrait avoir des effets totalement différents », déclare Cohen.

La phenprométhamine n’est pas le premier stimulant datant de la Seconde Guerre mondiale à avoir été trouvé dans des compléments alimentaires. En 2004, après que la FDA a interdit le stimulant éphédra dans les compléments alimentaires, les fabricants ont commencé à ajouter d’autres stimulants expérimentaux, dont le 1,3-DMAA, qui avait été commercialisé en 1948 sous forme d’inhalateur nasal, selon les auteurs. Depuis, la FDA a interdit le 1,3-DMAA dans les compléments alimentaires et a émis des avertissements selon lesquels il pourrait augmenter le risque de problèmes cardiaques.

Un « cercle vicieux »

« Dès que la FDA émet un avertissement à propos d’un stimulant, de nouveaux stimulants ou des variantes proches de ceux-ci ont tendance à apparaître », explique Cohen. Jusqu’à présent, la FDA n’a pas émis d’avertissement aux consommateurs concernant la phenprométhamine, selon l’étude. De plus, des scientifiques de la FDA ont récemment détecté du déterénol dans des compléments, publiant leurs conclusions dans la revue Drug Testing and Analysis en septembre 2020. Mais même après cette découverte, l’agence n’a pas émis d’avertissement, bien que le complément soit interdit par l’agence.

« Il ne fait aucun doute que la FDA aurait dû agir dès qu’elle a déterminé que le [déterénol] était présent », a déclaré Cohen. « Elle aurait dû mettre immédiatement en garde les consommateurs contre le déterénol et communiquer avec les fabricants pour leur dire que tout supplément contenant ce stimulant doit être retiré ».

Sur son site web, la FDA déclare avoir « identifié une tendance émergente » de compléments alimentaires qui contiennent des ingrédients actifs cachés et potentiellement dangereux. « Les consommateurs peuvent, sans le savoir, prendre des produits contenant des quantités variables d’ingrédients de médicaments sur ordonnance approuvés, de substances contrôlées et d’ingrédients pharmaceutiquement actifs non testés ou non étudiés », indique l’agence.

Conseils aux consommateurs

Sur les neuf stimulants trouvés dans la nouvelle étude, sept (dont le 1,3-DMAA) ont déjà fait l’objet d’avertissements de la FDA en raison de leur présence dans des compléments. Il peut être difficile de savoir si un complément alimentaire contient un stimulant interdit, car les fabricants peuvent ne pas mentionner le composé sur l’étiquette, ou utiliser un synonyme pour le décrire, déclare Cohen.

Cohen conseille donc aux consommateurs d’éviter deux catégories de compléments alimentaires : ceux qui sont étiquetés comme aidant à perdre du poids, et ceux étiquetés comme compléments de pré-entraînement (pre-workout) ou de musculation. Cette dernière catégorie exclut les poudres protéinées, qui contiennent généralement des acides aminés et ne sont pas à craindre.

Bonne nouvelle : dans un communiqué, la FDA a déclaré qu’elle examinait cette nouvelle étude. « La FDA se consacre à l’avancement de nos priorités stratégiques pour les compléments alimentaires : la sécurité, l’intégrité des produits et la prise de décision éclairée. Nous apprécions les études comme celle-ci, qui sensibilisent et attirent l’attention sur ces questions », indique le document.

Pour consulter la liste complète des produits étudiés par les chercheurs incluant des stimulants interdits, vous pouvez accéder à leur rapport d’étude via le lien ci-dessous.

Source : Clinical Toxicology

Laisser un commentaire