Il était considéré comme le troisième homme, « l’astronaute oublié » de la mission Apollo 11. Et pour cause : il avait pour tâche de rester dans le module de commande, en orbite lunaire, tandis que ses célèbres équipiers Neil Armstrong et Buzz Aldrin, devenaient les premiers humains à marcher sur la Lune. Michael Collins a été emporté par un cancer, le 28 avril, à l’âge de 90 ans.
S’il n’a pas eu la chance de fouler le sol lunaire ce 21 juillet 1969, son rôle n’en était pas moins crucial. En tant que pilote du module de commande et de service Apollo, il avait pour tâche de demeurer en orbite autour de la Lune, pour permettre à ses coéquipiers d’atterrir, puis de revenir à bord en toute sécurité. Une opération périlleuse, sur laquelle reposait l’ensemble de la mission. « Aucun humain n’a connu une telle solitude comme Mike Collins », peut-on lire dans le journal de bord de la mission.
Après une vaillante bataille contre la maladie, Collins a vécu ses derniers jours paisiblement, ont déclaré ses proches. « De son point de vue, au-dessus de la Terre, il nous a rappelé la fragilité de notre propre planète et nous a appelés à en prendre soin comme le trésor qu’elle est », a déclaré le président Joe Biden dans un communiqué.
« L’homme le plus solitaire de l’histoire »
Neil Armstrong avait 82 ans lorsqu’il est décédé en 2012. Buzz Aldrin, 91 ans, est toujours en vie et réside dans le New Jersey. Sur Twitter, il a rendu hommage à son ancien co-équipier : « Cher Mike, où que tu sois ou seras, tu auras toujours la flamme pour nous transporter habilement vers de nouveaux sommets et vers le futur ».
La NASA a elle aussi rendu hommage à cet homme, qui a permis aux États-Unis de franchir une étape décisive. « La nation a perdu un véritable pionnier et défenseur de longue date de l’exploration spatiale », regrette Steve Jurczyk, administrateur par intérim de l’agence américaine. « L’exploration n’est pas un choix, vraiment, c’est un impératif », avait déclaré l’astronaute. Michael Collins s’est également distingué dans le programme Gemini — un programme de vols spatiaux habités, qui a précédé les missions Apollo, entre 1963 et 1966 — et en tant que pilote de l’armée de l’air.
Lorsqu’Armstrong a marché pour la première fois sur la Lune, le 21 juillet 1969, le monde entier était focalisé sur lui. Et pendant ce temps, Collins était en orbite à une centaine de kilomètres au-dessus de son collègue, concentré sur ses manœuvres de pilotage du module de commande. S’il a dû se contenter d’admirer la Lune de loin, il a également eu l’occasion de contempler notre planète, subissant l’effet overview de plein fouet. « Ce dont je me souviens le plus, c’est la vue de la planète Terre de loin. Toute petite. Très brillante. Bleue et blanche. Belle. Sereine et fragile », a-t-il déclaré au retour de la mission.
Parce qu’il était coupé de toute communication chaque fois que le module de commande passait de l’autre côté de la Lune, certains l’appelaient « l’homme le plus solitaire de l’histoire ». Pourtant, il révéla lors d’une interview en 2016 qu’il ne se sentait pas si seul. Le fait d’être ainsi coupé du monde pendant un petit moment, et notamment du Centre de contrôle terrestre, lui procurait plus de joie que de peur, selon ses dires. Une parenthèse paisible et silencieuse, qu’il a visiblement appréciée.
Un exemple pour tous les astronautes
Michael Collins naît le 31 octobre 1930, à Rome, où son père, le général James Collins, est attaché militaire à l’ambassade américaine. Avant de devenir astronaute, il obtient son diplôme de l’Académie militaire de West Point. Il suit alors le parcours classique de la plupart des astronautes de la NASA à l’époque. Tout d’abord pilote de chasse dans l’armée, il devient pilote d’essai en 1960, au sein de la base aérienne Edwards, en Californie. Il est finalement accepté au sein du groupe d’astronautes 3 de la NASA en 1963.
Il effectue son premier vol spatial lors de la mission Gemini 10, dans laquelle lui et son co-équipier John Young réalisent également deux sorties extravéhiculaires. Son second et dernier vol spatial sera en tant que pilote du module de commande de la mission Apollo 11, un rôle qui n’a pas vraiment marqué les esprits, mais qui représentait une énorme responsabilité. « Pour le grand public, l’exploit, c’est de marcher [sur la Lune], mais c’est peut-être un exploit encore plus grand d’être tout seul à gérer une situation critique pour la survie de ses compagnons », commente le spationaute français Jean-François Clervoy.
Sans lui, Armstrong et Aldrin n’auraient tout simplement pas marché sur la Lune. Considérant la responsabilité qui pesait sur ses épaules, le manque de célébrité de Collins peut paraître injuste. Mais pour Jean-François Clervoy, « un astronaute ne vole pas pour être connu, il vole pour l’aventure humaine, pour bien faire son travail ». Il ajoute que Michael Collins, un homme connu pour son calme, sa sympathie et sa discrétion, reste un exemple pour tous les astronautes.
Collins se retire de la NASA en 1970. Il est ensuite nommé au poste de secrétaire d’État adjoint aux affaires publiques au département d’État des États-Unis. Un an plus tard, il devient directeur du National Air and Space Museum, un poste qu’il occupera jusqu’en 1978, puis devient sous-secrétaire de la Smithsonian Institution, dédiée à la recherche scientifique. En 1985, il crée son cabinet de conseil, Michael Collins Associates. Il s’est éteint le 28 avril à Naples, en Floride.