La maladie pourrait entraîner une perte de matière grise au fil du temps. C’est ce que suggèrent les résultats d’une étude britannique, qui s’appuie sur les données de près de 800 volontaires. La comparaison de leurs scanners cérébraux effectués avant et après l’infection montre en effet une perte de matière cérébrale dans certaines régions du cerveau, même en cas de forme bénigne de la maladie.
Cette nouvelle étude, non examinée par les pairs à ce jour, repose sur les données de la UK Biobank, une banque de données de santé qui comprend des scintigraphies cérébrales réalisées avant la pandémie. Afin d’évaluer l’impact de la COVID-19 sur le cerveau, les chercheurs ont invité 394 personnes ayant été infectées à effectuer des scanners de suivi ; ils ont également demandé à 388 volontaires n’ayant jamais été malades de réaliser les mêmes examens à titre de comparaison.
Or, les scientifiques ont constaté une perte significative de matière cérébrale, notamment dans les zones corticales limbiques directement liées au système olfactif et gustatif primaire — soit les régions cérébrales liées à l’odorat et au goût. La plupart des personnes malades ont pourtant contracté une forme bénigne de la maladie, avec des symptômes légers à modérés, voire aucun symptôme ; seule une quinzaine d’entre elles ont nécessité une hospitalisation.
Une perte significative qui pourrait favoriser l’apparition d’une démence
La substance grise fait partie des tissus du système nerveux central ; elle contient la plupart des corps cellulaires neuronaux du cerveau. Elle comprend les régions cérébrales impliquées dans le contrôle musculaire, la perception sensorielle (odorat, vue, audition…), la mémoire et les émotions. En résumé, elle contrôle les fonctions essentielles de notre organisme. Ainsi, une anomalie de la matière grise du cerveau peut affecter gravement les capacités d’un individu.
Ce n’est pas la première fois que des chercheurs soulignent le fait qu’une infection due au coronavirus peut endommager le cerveau à plus ou moins long terme. Nombreux sont les patients à avoir signalé des troubles neurologiques ou des troubles de la mémoire après avoir été malades. Une étude publiée au mois d’avril dans The Lancet Psychiatry a en outre fourni des preuves d’une morbidité neurologique et psychiatrique substantielle au cours des 6 mois suivant l’infection (l’incidence estimée s’élevait à près de 34%) ; les risques étant les plus importants chez les patients atteints de COVID-19 sévère (l’incidence grimpait alors à 46%).
Les résultats obtenus suggéraient notamment que les infections graves de COVID-19 peuvent entraîner des complications à long terme ; telles qu’un accident vasculaire cérébral ou des symptômes de type démence. Une conclusion confirmée par cette nouvelle étude disponible en version de préimpression : la perte de matière grise dans les régions du cerveau liées à la mémoire peut augmenter le risque pour ces patients de développer une démence à plus long terme.
Le fait que l’étude implique des participants ayant développé une forme légère, voire asymptomatique, de la maladie est fondamental, car la plupart des travaux antérieurs portant sur les conséquences neurologiques ne concernent que des cas modérés à sévères de COVID-19. « Il existe un besoin fondamental d’informations supplémentaires sur les effets cérébraux de la maladie, même dans sa forme la plus légère », confirment les auteurs de l’étude.
De potentiels effets à long terme sur la mémoire
Les chercheurs rapportent « des effets significatifs de COVID-19 dans le cerveau », avec une perte de matière grise dans le gyrus parahippocampique gauche, le cortex orbitofrontal latéral gauche et l’insula gauche — des régions liées au sens du goût et de l’odorat, ce qui est cohérent avec les principaux symptômes signalés par les patients.
Chez les personnes ayant dû être hospitalisées, les scientifiques ont remarqué une perte de matière grise encore plus importante, notamment dans le cortex cingulaire (lié à la prise de décision, à l’empathie, aux émotions), le noyau central de l’amygdale (le « système d’alerte » de notre corps, qui conditionne notre réponse comportementale face à la peur) et la corne d’Ammon de l’hippocampe (lié à la mémoire et à la navigation spatiale). En revanche, aucun changement n’a été détecté dans le cerveau des personnes n’ayant pas été infectées par le virus.
Les auteurs de l’étude soulignent toutefois que des recherches supplémentaires sont nécessaires pour déterminer si les individus rétablis de la COVID-19 sont susceptibles de développer ou non des problèmes à long terme liés à leur capacité à se souvenir d’événements impliquant des émotions. Par ailleurs, ils ne peuvent pas confirmer à ce jour si la perte de matière grise est le simple résultat de la propagation du virus dans le cerveau — le point d’entrée étant vraisemblablement le bulbe olfactif — ou s’il s’agit d’un effet secondaire de la maladie.