Le 17 juin dernier, trois taïkonautes ont décollé de la base de lancement de Jiuquan à destination du premier module de la future station spatiale chinoise, Tiangong (« Palais céleste »). L’arrimage s’est effectué sans encombre ; les trois astronautes vont rester trois mois en orbite, afin d’entamer les travaux de construction de la station. Ce dimanche, deux d’entre eux ont effectué avec succès leur première sortie dans l’espace.
Ils ont passé pas moins de sept heures en dehors du module Tianhe (« Harmonie céleste »), premier élément de la future station chinoise, en orbite depuis la fin avril. Liu Boming et Tang Hongbo ont notamment testé le bras robotique de la station, qui sera utilisé pour transférer les futurs modules. C’est la première sortie dans l’espace pour des astronautes chinois depuis celle de Zhai Zhigang en 2008, qui a fait de la Chine le troisième pays à effectuer une sortie extravéhiculaire après la Russie et les États-Unis.
Après avoir rapporté des échantillons lunaires fin 2020, via la mission Chang’e-5, et après avoir posé son rover Zhurong sur Mars le 14 mai, la construction de Tiangong est une nouvelle étape importante de l’ambitieux programme spatial de la Chine. Pour l’Agence spatiale chinoise, cette première sortie est un « succès complet ». Une autre sortie extravéhiculaire est prévue durant ce séjour de trois mois à bord de la station.
Le début de dix-huit mois de construction
Lors de cette première sortie, Boming et Hongbo étaient chargés d’effectuer un certain nombre de mises à niveau et d’installations sur le module central. Il s’agissait notamment de régler une caméra panoramique installée à l’extérieur du module, puis d’installer des butées de pied sur le bras robotique de la station, qui sera utilisé pour transférer les futurs modules, à savoir les modules Wentian et Mengtian — deux laboratoires qui devraient être ajoutés à la structure en juin et août 2022 respectivement.
Au total, l’agence spatiale chinoise prévoit onze lancements, dont quatre missions avec équipage, pour achever la construction de cette station fin 2022. Une fois terminée, Tiangong devrait peser près de 100 tonnes et sera de taille similaire à l’ancienne station soviétique Mir (soit environ trois fois plus petite que la Station spatiale internationale).
Dans une vidéo diffusée par l’agence spatiale, on peut voir Liu Boming, en train de quitter la cabine, s’exclamer : « Wow, c’est vraiment trop beau ici ! ». Les deux taïkonautes, équipés de combinaisons de près de 130 kg, sont sortis du module séparément ; le commandant de la mission, Nie Haisheng, qui compte deux séjours dans l’espace à son actif, guidait ses coéquipiers depuis l’intérieur du module, s’assurant du bon déroulement des opérations. Pour se préparer à cette mission cruciale, le trio a suivi plus de 6000 heures de formation.
Dimanche, la télévision d’État a diffusé des images de la vie quotidienne des trois taïkonautes : on les a vus manger avec des baguettes dans leur habitacle en apesanteur, puis l’un d’entre eux s’est entraîné sur un tapis roulant, un autre s’est amusé à faire un équilibre sur les mains et un salto. Dans l’équipe, seul Tang Hongbo n’avait aucune expérience de l’espace, mais il semble s’être rapidement familiarisé avec son nouvel environnement : « La nourriture, la vie quotidienne, les conditions de travail… Tout se passe bien. On a aussi pu passer des appels vidéos avec nos familles. Il fait bon vivre dans notre petite maison de l’espace », a-t-il déclaré.
Une station ouverte à une collaboration internationale
La mission semble en tout cas susciter l’intérêt d’une grande partie de la population sur les réseaux sociaux, un hashtag sur cette sortie dans l’espace a en effet recueilli près de 200 millions de vues sur Weibo (une plateforme chinoise similaire à Twitter). Un utilisateur a écrit : « Je suis ému par chaque étape de cet accomplissement, c’est au-delà des mots ». Pour la Chine, la réussite de cette mission Shenzhou-12 — premier vol habité chinois depuis près de cinq ans et la plus longue mission spatiale habitée jamais menée par le pays — est aussi une question de prestige. Ce 1er juillet, Pékin a célébré le 100e anniversaire du Parti communiste chinois, l’occasion de mettre en avant les dernières réussites du pays, y compris en matière d’exploration spatiale.
Cette sortie extravéhiculaire accomplie avec succès marque évidemment une étape importante dans la « course à l’espace » que se livrent les États-Unis et la Chine. Le projet de construction de la station Tiangong a d’ailleurs été motivé en partie par le fait que les astronautes chinois n’ont pas accès à la Station spatiale internationale — fruit d’une collaboration entre les États-Unis, la Russie, le Canada, l’Europe et le Japon. Construite dès 1998 et opérationnelle depuis 2011, l’ISS arrive d’ailleurs en fin de vie. Parce que son exploitation coûte très cher, la NASA a maintes fois exprimé son souhait de se désengager du projet et ce, dès 2024 — notamment afin de se consacrer pleinement à son projet de station orbitale lunaire, la Lunar Gateway. L’exploitation de l’ISS pourrait toutefois être prolongée jusqu’en 2028.
La station Tiangong devrait, quant à elle, avoir une durée de vie comprise entre 10 et 15 ans et la Chine a déclaré qu’elle serait ouverte à une collaboration internationale sur la station. Le président Xi Jinping a par ailleurs déclaré que la construction de cette première station spatiale chinoise ouvrait de « nouveaux horizons pour l’humanité dans l’utilisation pacifique de l’espace ».