Des archéologues ont découvert une ancienne galère égyptienne, ensevelie sous cinq mètres de blocs d’argile, au fond de la mer Méditerranée, dans la cité engloutie de Thônis-Héracléion. Le navire a vraisemblablement coulé sous le poids de blocs provenant du temple d’Amon, lors d’un événement cataclysmique — probablement un tremblement de terre, selon les experts — au IIe siècle av. J.-C.
L’épave mise au jour appartient à ce que l’on appelle une galère rapide, un navire à grande voile et à rames, capable d’atteindre des vitesses relativement élevées. Celui-ci mesure 25 mètres de long et possède un fond et une quille plats, typiques des anciens navires égyptiens naviguant sur le Nil. « Les découvertes de galères rapides de cette période restent extrêmement rares », a déclaré Franck Goddio, président de l’Institut européen d’archéologie sous-marine.
C’est grâce à un sonar sophistiqué, à balayage latéral, que l’épave a pu être détectée sous la couche de gravats qui la recouvre. Sur le même site, les archéologues ont également découvert un complexe funéraire grec datant du IVe siècle avant J.-C ; celui-ci était recouvert par un tumulus, un tas de roche qui servait à marquer l’emplacement des sépultures dans l’Antiquité. Diverses offrandes ont été retrouvées dans ce cimetière, telles que des poteries richement décorées et une amulette en or.
Le plus grand port de l’Égypte antique
La cité de Thônis-Héracléion a été construite au VIIIe siècle avant notre ère, à l’entrée du delta du Nil, près de l’actuelle ville d’Aboukir. La cité était considérée pendant des siècles comme le plus grand port de l’Égypte antique (avant la fondation d’Alexandrie). Bien que mentionnée par plusieurs historiens, la ville semblait toutefois n’avoir laissé aucune trace de son existence. Ce n’est qu’en 2001 que les restes engloutis de cette cité ont été découverts dans la baie d’Aboukir, lors de fouilles menées par Franck Goddio, président de l’Institut européen d’archéologie sous-marine (IEASM), en collaboration avec le ministère égyptien du Tourisme et des Antiquités.
Les nombreuses explorations du site qui ont suivi ont permis aux scientifiques de l’IEASM de reconstituer l’histoire de cette cité antique : vers le IIe siècle avant notre ère, un terrible tremblement de terre aurait provoqué d’importants glissements de terrain et un raz de marée, qui auraient totalement dévasté la cité. Chacune des missions archéologiques menées dans la baie d’Aboukir a permis de découvrir de nouveaux vestiges : statues, sarcophages, objets rituels, pièces de monnaie, amulettes, bateaux, etc.
L’épave nouvellement découverte a été construite selon un assemblage tenon-mortaise : des morceaux de bois dotés de saillies (appelées tenons) viennent s’encastrer dans d’autres morceaux de bois découpés (des mortaises). De cette manière, le navire se construit un peu comme un puzzle, constitué de sections de bois qui s’emboîtent les unes dans les autres. Les archéologues n’ont en revanche pas pu déterminer quelle cargaison la galère transportait lorsqu’elle a coulé ; il s’agissait probablement d’un navire militaire. Selon le ministère égyptien du Tourisme et des Antiquités, certaines caractéristiques de construction, ainsi que des preuves de réutilisation du bois, attestent que ce navire a bien été construit en Égypte.
Des preuves de la présence de marchands grecs
Le navire était a priori amarré à un débarcadère dans le canal qui longe la face sud du temple d’Amon, lorsque le tremblement de terre s’est produit ; les lourds blocs provenant du temple ont entraîné le navire au fond du canal. Il ne reste aujourd’hui que peu d’exemplaires de ce type d’embarcation. Cette découverte rare permet ainsi d’éclaircir plusieurs points de la description fournie par Hérodote de ce bateau nilotique, nommé baris par les Égyptiens.
Dans une autre partie de la ville engloutie, Goddio et son équipe ont également découvert une vaste zone funéraire grecque datée du IVe siècle avant notre ère. De nombreuses offrandes ont été découvertes sur les lieux, notamment des poteries peintes et richement décorées. Ils ont également mis au jour une amulette en or représentant Bès, un dieu égyptien chargé de protéger les hommes contre les forces néfastes et les esprits malfaisants selon la mythologie égyptienne ; il est considéré comme le dieu qui apporte le bonheur dans les foyers.
Le site constitue la preuve que des marchands grecs s’étaient installés dans la ville de Thônis-Héracléion, vers la fin des dynasties pharaoniques, jusqu’à construire leurs propres sanctuaires. Ils contrôlaient plus ou moins l’entrée de l’Égypte au niveau de l’estuaire. Les restes du sanctuaire grec sont aujourd’hui mêlés à ceux du temple d’Amon, à environ sept kilomètres des côtes actuelles de l’Égypte.
Plusieurs tremblements de terre suivis de raz-de-marée ont provoqué l’effondrement de près de 110 km² de terres au niveau du delta du Nil. La cité de Canope a disparu de la même façon que Thônis-Héracléion ; depuis leur découverte, en 1999 et 2001 respectivement, toutes deux sont largement explorées par les archéologues de l’IEASM, de manière à glaner un maximum d’indices et d’artefacts permettant de reconstituer l’histoire de ces villes antiques.