Pour préparer au mieux les futures missions habitées sur la planète Mars, l’agence spatiale américaine recrute dès à présent des candidats pour une première expérimentation d’un an, visant à simuler les conditions de vie sur la planète rouge. Quatre personnes seront confinées dans un module d’environ 160 m², le Mars Dune Alpha, et seront volontairement soumises à certains facteurs de stress, qui pourraient survenir sur Mars.
Cette expérience est la première d’une série de missions, baptisée Crew Health and Performance Exploration Analog (CHAPEA), qui comprendra trois simulations d’un an, basées au Johnson Space Center de la NASA. L’objectif du projet est d’étudier le comportement des individus face aux conditions réputées difficiles de la vie martienne, afin de développer les méthodes et technologies nécessaires permettant de prévenir et résoudre les problèmes potentiels.
« Les simulations sur Terre nous aideront à comprendre et à contrer les défis physiques et mentaux auxquels les astronautes seront confrontés avant de partir », résume Grace Douglas, scientifique principale pour l’Advanced Food Technology de la NASA. Seuls peuvent candidater les citoyens américains de 30 à 55 ans, en bonne santé (et surtout très motivés), titulaires d’un master dans l’une des disciplines STEM (science, technology, engineering and mathematics) accompagné d’au moins deux ans d’expérience professionnelle.
Une immersion martienne qui inclut tous les problèmes potentiels
L’habitat, baptisé Mars Dune Alpha et imprimé en 3D par la société ICON, comprendra quatre quartiers privés pour les candidats, une cuisine, deux salles de bains et des zones dédiées aux activités médicales, de loisirs et de remise en forme ; le module comportera bien sûr des espaces de travail et une zone dédiée à la croissance des cultures, comme illustré dans cette vidéo de présentation fournie par ICON :
À noter que les systèmes d’éclairage, de température et sonores, peuvent tous être personnalisés, et une partie du mobilier est mobile, pour permettre à l’équipage d’ajuster l’aménagement selon leurs besoins et préférences. Pour Jason Ballard, co-fondateur et PDG d’ICON, « il s’agit de l’habitat simulé de la plus haute fidélité jamais construit par l’homme ». Si les responsables de la mission ont opté pour un habitat imprimé en 3D, c’est parce que c’est le seul moyen de pouvoir envisager la colonisation de Mars ; cette approche permet en effet de s’affranchir du besoin d’envoyer de grosses quantités de matériaux de construction sur la planète.
Mais il faudra être particulièrement motivé pour vivre dans cet espace restreint pendant près d’un an. Et pour cause, la vie dans ce module ne sera pas vraiment une partie de plaisir : pour obtenir les données les plus précises, cet habitat sera aussi réaliste que possible. Cela signifie que les responsables du projet introduiront des facteurs de stress environnementaux, tels que les limitations des ressources, des retards de communication, des pannes d’équipement et des charges de travail importantes.
« L’analogue est essentiel pour tester des solutions répondant aux besoins complexes de la vie sur la surface martienne », a déclaré Grace Douglas dans un communiqué. En d’autres termes, il faudra avoir les nerfs solides pour participer à cette aventure — la sélection de l’équipage reposera d’ailleurs sur les critères standards utilisés par la NASA pour sélectionner ses astronautes.
Une mission physiquement et mentalement exigeante
Selon les détails du processus de recrutement, les finalistes subiront des évaluations médicales, des tests psychologiques et un dépistage psychiatrique pour déterminer leur aptitude à une mission d’isolement de longue durée, physiquement et mentalement exigeante. Pour candidater, il faut donc être en très bonne santé (ce qui implique d’être non-fumeur et de ne suivre aucun traitement). Chacun devra évidemment présenter une preuve de vaccination contre la COVID-19.
Les membres de l’équipage auront pour tâches de mener des recherches scientifiques, de gérer leurs ressources, d’expérimenter la réalité virtuelle et de nouveaux systèmes robotiques, puis de communiquer avec l’extérieur (avec le même retard que dans la réalité) — du moins, lorsque leurs équipements seront fonctionnels. Des simulations de sorties dans l’espace sont également prévues au programme.
Ce n’est pas la première fois que la NASA se livre à des missions analogiques. L’expérience la plus longue du genre, la Hawaii Space Exploration Analog and Simulation, a pris fin en août 2016. Six volontaires avaient passé une année entière sous un dôme scellé, conçu pour simuler les conditions de vie sur Mars, installé sur l’île d’Hawaï. L’objectif était ici d’étudier l’impact d’un isolement extrême de longue durée sur les humains ; les membres de cette mission ne pouvaient quitter leur habitat qu’en portant une combinaison spatiale et ne pouvaient communiquer avec le monde extérieur que par e-mails (volontairement retardés).
Le programme Mars500, initié par l’Académie des sciences de Russie, en collaboration avec l’ESA et Roscosmos, incluait quant à lui une mission de 520 jours ! Ce projet, achevé en novembre 2011, visait à analyser les répercussions physiologiques et psychologiques d’un très long voyage dans l’espace ; six personnes étaient ainsi isolées du monde extérieur et confinées dans un espace restreint reproduisant les parties habitables d’un vaisseau spatial.
Cette fois, la NASA pousse la simulation un cran plus loin, afin de parer à toutes les éventualités le jour où les missions vers Mars seront une réalité. Le processus de recrutement de l’équipage pourrait prendre jusqu’à 13 mois selon les responsables. Cette première simulation du programme CHAPEA devrait commencer à l’automne 2022. Deux autres missions similaires, de même durée, sont d’ores et déjà prévues pour 2024 et 2025.