Depuis des années, de nombreux chercheurs estiment que l’avenir de l’ingénierie sera fait de matériaux autocicatrisants, du moins pour les applications qui en auraient le plus besoin. Et la recherche dans le domaine s’est accélérée ces dernières décennies. Récemment, des scientifiques ont conçu un nouveau type de plastique capable de s’autoréparer rapidement (en quelques secondes) même dans des conditions difficiles, y compris sous l’eau — qu’elle soit salée ou acide.
Ce qui est le plus impressionnant avec ce matériau, c’est qu’il conserve sa résistance initiale après l’auto-cicatrisation. Une telle capacité le rend potentiellement utile pour de nombreuses applications. Les chercheurs citent notamment les opérations sous-marines dangereuses.
Ce plastique aux superpouvoirs est appelé Rapid Underwater Self-healing Stiff Elastomer (RUSSE), soit Elastomère rigide à autoréparation rapide sous l’eau. Son premier secret ? Il est composé de petits morceaux d’un type de polymère souple utilisé dans certaines peintures, reliés par des chaînes de taille nanométrique d’un polymère plus résistant.
RUSSE a été conçu à l’université Tsinghua en Chine par Lili Chen et son équipe afin de répondre à un besoin spécifique : « Les polymères autocicatrisants à température ambiante ont généralement une mauvaise stabilité sous l’eau, une faible force de guérison et un processus de guérison lent », explique Chen. Les chercheurs ont testé les propriétés de leur matériau en l’étirant, en le découpant et en le frappant avec un marteau, et les résultats sont impressionnants. Les détails ont été publiés dans la revue Advanced Functional Materials.
Une cicatrisation en 10 secondes !
« Les élastomères à cicatrisation rapide sous l’eau présentant une résistance mécanique élevée à température ambiante sont hautement souhaitables pour les opérations sous-marines dangereuses. Cependant, les matériaux autocicatrisants actuels à température ambiante présentent des défauts, tels qu’une faible force de cicatrisation (inférieure au mégapascal), un long temps de cicatrisation (plusieurs heures) et une dégradation des fonctions de cicatrisation dans des environnements difficiles (solutions salées, acides et basiques), ce qui limite leurs applications pratiques », écrivent les chercheurs dans leur document. Le besoin semblait donc évident.
Lors des premiers tests, ils ont constaté que le matériau pouvait être étiré de 1400% sans se rompre, supporter 1000 fois son propre poids sans changer de forme et se régénérer en 10 secondes seulement lorsqu’il est découpé puis recollé à la main (voir vidéo en fin d’article). Cela est dû au fait que les molécules qui composent l’un des polymères ont une extrémité chargée négativement et une autre chargée positivement, qui s’attirent et ressoudent le matériau.
Après ces 10 secondes, le matériau a lentement retrouvé sa force structurelle au fur et à mesure que les molécules se liaient entre elles, retrouvant presque sa solidité initiale en cinq minutes seulement. Lorsque les chercheurs ont testé RUSSE dans de l’eau salée, son élasticité et ses capacités d’autoguérison n’ont été que légèrement altérées, les échantillons coupés retrouvant une résistance de 80% en cinq minutes. Les résultats des tests dans des solutions acides et basiques étaient similaires, et un échantillon laissé dans l’eau salée pendant un mois a conservé ses propriétés initiales.
Selon Chen, ce matériau pourrait être utile pour réparer les équipements sous-marins en cas d’urgence. Par exemple, si les bouteilles à oxygène d’un plongeur se brisent inopinément et que le flux de gaz est interrompu, le plongeur peut mourir en quelques secondes, explique-t-elle. « De tels matériaux rigides et à cicatrisation rapide peuvent jouer un rôle important dans ces cas dangereux et urgents ». Elle ajoute que RUSSE pourrait même être utilisé comme revêtement des canalisations sous-marines afin de les rendre plus faciles et plus rapides à réparer.