Liam Sharp, un auteur de comics popularisé par son travail pour Marvel UK, a annoncé qu’il voulait clore définitivement son compte DeviantArt. Fatigué du vol de ses œuvres, qui sont ensuite transformées en NFTs, il n’a trouvé que cette solution pour y mettre fin.
Le vol d’œuvres d’art est bien entendu une pratique aussi ancienne que l’existence de ces dernières. Avec la mise en ligne d’œuvres d’art, ou encore la création d’œuvres entièrement numériques, elle a cependant pris une autre ampleur, dans la mesure où il est devenu bien plus facile de dérober des images, films, ou n’importe quelle œuvre présente sur Internet.
On voit régulièrement des artistes qui plaident contre la réutilisation de leurs créations sans leur consentement. Avec la création des NFTs, ces « jetons » liés à une œuvre qui servent de signature numérique, il semble que ces pratiques soient aussi devenues plutôt rentables, ou en tout cas alléchantes pour les amateurs de vol de pixels.
L’artiste Liam Sharp, un dessinateur de comics, a ainsi élevé la voix dans un tweet contre la mise en ligne illégale de NFTs. L’artiste expose ses œuvres sur DeviantArt, une vaste communauté en ligne d’artistes, et voit régulièrement ses œuvres copiées, puis mises en vente par de parfaits inconnus.
Sadly I'm going to have to completely shut down my entire @DeviantArt gallery as people keep stealing my art and making NFTs. I can't – and shouldn't have to – report each one and make a case, which is consistently ignored. Sad and frustrating. pic.twitter.com/oNH6yXQtyU
— Liam 'Sharpy' Sharp (@LiamRSharp) December 17, 2021
« Malheureusement, je vais devoir fermer complètement ma galerie DeviantArt, car les gens continuent de voler mon art et de faire des NFT », annonçait-il ainsi le 17 décembre. Simple coup de gueule ? Peut-être. Sa galerie est pour le moment toujours en ligne, et il expliquait récemment son geste par un élan de frustration : « J’étais seulement frustré de me faire voler mon art, c’est tout. Portez-vous bien, soyez gentils et bonnes vacances ! », répond-il dans le fil d’une discussion où il avoue être estomaqué par l’ampleur qu’a pris sa publication de dénonciation par rapport à ses partages d’œuvres habituels.
It’s a bit of a shame that a post I made about NFTs vastly outshone, out performed, and reached more people – by far – than any piece of art I’ve ever shared here in 12 years. Outrage trumps hard work. 🙁
— Liam 'Sharpy' Sharp (@LiamRSharp) December 18, 2021
« C’est un peu dommage qu’un article que j’ai fait sur les NFT ait largement éclipsé, dépassé les performances et touché plus de personnes – de loin – que n’importe quelle œuvre d’art que j’ai jamais partagée ici en 12 ans. L’indignation l’emporte sur le travail acharné. 🙁 », exprimait-il ainsi.
Si l’on peut comprendre aussi bien son agacement que son étonnement, son annonce est tout de même révélatrice d’un problème de fond au sujet de l’art numérique. Car même si DeviantArt, par exemple, signale aux artistes lorsqu’un NFT similaire à l’une de leurs œuvres est mis en vente, il leur faut tout de même les traquer et faire des signalements individuels. « Je ne peux pas – et je ne devrais pas avoir à – signaler chacun d’eux et faire des requêtes, qui sont systématiquement ignorées. Triste et frustrant », a ainsi dénoncé Liam Sharp.
Des jetons pour « signer » l’art numérique
On aurait pourtant pu croire que les NFT apporteraient enfin de la reconnaissance aux œuvres numériques. Ces « non fungible token », ou « jetons non fongibles », ont pris de l’ampleur dans le domaine de l’art à partir de 2017. Ils sont une sorte de « signature numérique », un titre de propriété adossé à une œuvre, supposé garantir son authenticité.
Ils utilisent pour cela la technologie de la blockchain. Selon la définition donnée par le gouvernement français, la blockchain est « un registre, une grande base de données qui a la particularité d’être partagée simultanément avec tous ses utilisateurs, tous également détenteurs de ce registre, et qui ont également tous la capacité d’y inscrire des données, selon des règles spécifiques fixées par un protocole informatique très sécurisé grâce à la cryptographie ». Pour simplifier, dans notre cas, on pourrait dire qu’il s’agit d’un registre hyper sécurisé qui garantit que le « jeton » émis est bien associé à un fichier d’œuvre « unique ».
En rendant une œuvre d’art numérique « unique », on lui attribue donc de la valeur. C’est ainsi qu’ont d’ailleurs pu se faire des ventes assez étonnantes qui ne sont pas sans rappeler les peintures d’art contemporain vendues à prix d’or. Un NFT d’un seul pixel a ainsi été vendu 1,7 million d’euros en avril dernier. Certaines plateformes permettent même aux artistes de toucher une rémunération sur les ventes secondaires, ce qui peut être intéressant pour eux dans ce monde hautement spéculatif.
L’histoire de Liam Sharp soulève pourtant un problème majeur qui n’a pas été résolu par ce système : le vol d’œuvres numériques. De toute évidence, il est tout à fait possible de déposer une œuvre qui ne nous appartient pas pour y apposer ce fameux certificat. Là encore, c’est une mécanique applicable au monde tangible, mais il est tout de même bien plus facile de copier-coller une image sur Internet que de faire une copie d’un tableau ou de le voler…