L’apparition du variant Omicron du SARS-CoV-2, une forme virale beaucoup plus contagieuse, qui se propage à grande vitesse en France comme dans d’autres pays, a soulevé de nouvelles inquiétudes d’ordre matériel : la disponibilité des masques N95, de plus haut niveau de filtration que les masques dits chirurgicaux, est limitée. Mais des chercheurs du Beth Israel Deaconess Medical Center de Boston ont montré qu’il était possible de les désinfecter au moins 25 fois, sans qu’ils perdent leur pouvoir filtrant et leur étanchéité. Une bonne nouvelle pour les établissements de santé, qui font face à des pénuries.
Les masques N95, tout comme leurs équivalents européens FFP2, sont conçus pour filtrer au moins 95% des particules en suspension dans l’air. Ils sont ainsi beaucoup plus efficaces que les masques chirurgicaux utilisés par la population pour limiter la transmission du virus (de surcroît depuis l’apparition d’Omicron). Déclinés en plusieurs modèles et tailles afin de s’ajuster au mieux au visage des usagers, ils garantissent une parfaite étanchéité. C’est pourquoi ils sont couramment utilisés dans les hôpitaux du monde entier.
Aux États-Unis, l’Occupational Safety and Health Administration (OSHA) exige que les professionnels de santé qui prennent en charge des patients COVID-19 soient munis de tels masques. Mais ceux-ci sont initialement conçus pour un usage unique et en 2020, le pays a rapidement dû faire face à une pénurie mondiale… Leur disponibilité limitée est sans doute ce qui explique pourquoi leur usage ne s’est pas généralisé. Mais une nouvelle étude pourrait changer la donne.
Une efficacité de filtration et une étanchéité inchangées
En septembre 2020, une étude américaine avait d’ores et déjà démontré qu’il était possible de décontaminer les masques N95 afin de les réutiliser ; quatre méthodes de décontamination avaient été évaluées à l’époque : la lumière UV (260-285 nm), la chaleur sèche à 70 °C, l’éthanol à 70% et le peroxyde d’hydrogène vaporisé (VHP). « Les performances de filtration du masque N95 n’étaient pas sensiblement réduites après une seule décontamination pour chacune des 4 méthodes de décontamination », ont conclu les chercheurs. La désinfection au VHP s’est avérée la plus efficace, les performances de filtration ayant été jugées « acceptables » même après trois cycles de décontamination. Mais il semblerait aujourd’hui que ces masques peuvent résister à bien plus de cycles.
Dans une nouvelle étude publiée la semaine dernière, des scientifiques ont entrepris de tester davantage la résistance de ces masques : ils ont ainsi décontaminé des masques N95, utilisés par sept volontaires, à 25 reprises avec du VHP. À noter que le VHP est déjà largement utilisé pour la stérilisation des dispositifs médicaux réutilisables. Le processus est effectué dans des conditions de vide poussé (généralement de 1 à 10 millibars), à des températures comprises entre 28 et 40 °C.
D’après leurs résultats, le pouvoir protecteur des masques est resté identique, même après 25 cycles du traitement destiné à éliminer toutes les particules de virus. « L’efficacité de filtration est restée supérieure à 95% même après 25 cycles de retraitement, sans changement statistiquement significatif entre les cycles 20-25 et le cycle 0 », résume l’équipe dans American Journal of Infection Control. Les chercheurs précisent que ni la capacité de filtration ni l’étanchéité du masque n’ont été altérées ; les masques demeuraient bien ajustés au visage de leurs utilisateurs, après chaque cycle de décontamination.
Régulièrement, l’équipe se livrait à des tests d’ajustement quantitatif et qualitatif : il s’agissait de détecter d’éventuelles fuites d’air le long du joint du masque et de vérifier que l’usager ne puisse détecter aucune odeur. Mais aucun changement n’a été constaté, du premier cycle jusqu’au dernier. « Le VHP est une méthode relativement sûre pour retraiter les masques N95 et pourrait aider à remédier aux pénuries lors d’épidémies futures », souligne dans un communiqué Christina F. Yen, auteure principale de l’étude.
Une décontamination possible par chaleur sèche
Selon l’équipe, les masques N95 auraient pu résister à des cycles supplémentaires, mais un rapport de la Food and Drug Administration avait déjà souligné qu’à partir de 35 cycles, les sangles du masque commençaient à se dégrader. Leur résistance à 25 cycles est néanmoins déjà une très bonne nouvelle pour le personnel hospitalier travaillant dans des établissements où les stocks sont limités.
Certes, les particuliers qui souhaiteraient réutiliser leurs masques N95 ou FFP2 ne disposent certainement pas d’une chambre de décontamination au VHP. Mais d’autres techniques de décontamination plus « accessibles » existent, telles que la décontamination par chaleur sèche (comme celle fournie par un four). Une étude récemment publiée dans PLOS One rapporte en effet que le virus devient indétectable après une exposition à une chaleur de 100 °C pendant 30 minutes; après 4 cycles de stérilisation, les masques avaient conservé leur intégrité structurelle et restaient ajustés à leur porteur.
Nous ne serons toutefois peut-être pas obligés de faire régulièrement « cuire » nos masques : le Haut Conseil de la santé publique vient d’exprimer un avis défavorable concernant l’extension du port du FFP2 à toute la population. Dans un cadre médical, il n’est d’ailleurs recommandé qu’aux soignants exposés à des gouttelettes porteuses de virus, a précisé le ministre de la Santé. Cette « stratégie » s’oppose à celle mise en place par l’Autriche — où le port du masque FFP2 est obligatoire depuis un an dans tous les transports en commun et tous les lieux publics fermés — qui a récemment étendu cette obligation à tous les endroits où il est impossible de respecter la distance de sécurité de deux mètres.