Les sportifs professionnels sont parfois soumis à un rythme soutenu de compétitions, qui met leur organisme à rude épreuve. L’étape de récupération après chaque effort physique est dans ce cas cruciale pour rester performant, et les chercheurs s’efforcent de trouver de nouvelles stratégies pour qu’elle soit la plus efficace possible. L’objectif est principalement de lutter contre la fatigue liée à l’effort, qui se manifeste par des douleurs, une inflammation des tissus, une faiblesse musculaire, etc.
Le cannabis sativa (ou chanvre cultivé) contient de nombreux composés chimiques ayant des effets bioactifs potentiels, dont au moins 144 cannabinoïdes. Parmi eux, le Δ-9-tétrahydrocannabinol (THC) et le cannabidiol (ou CBD) sont les plus étudiés. Le CBD — qui au contraire du THC n’est pas psychoactif — a été isolé pour la première fois en 1940 ; il a tout d’abord suscité un intérêt médical pour ses propriétés anticonvulsives, et a notamment montré de bons résultats chez des patients atteints de deux formes rares et sévères d’épilepsie réfractaires aux traitements conventionnels. La Food and Drug Administration américaine a d’ailleurs approuvé, en 2018, le premier médicament à base de CBD (Epidiolex) pour traiter ces maladies spécifiques.
À mesure que les recherches sur cette substance avançaient, d’autres effets thérapeutiques ont émergé et divers produits à base de CBD sont apparus sur le marché. Le cannabidiol se présente ainsi sous de nombreuses formes, notamment des huiles, des gélules, des patchs, des sprays ou des préparations topiques à utiliser sur la peau. Il est également commercialisé sous forme de fleurs de CBD, dont on peut inhaler les effluves à l’aide d’un vaporisateur à plantes, ou que l’on peut consommer sous forme d’infusion (comme une tisane classique). À noter qu’un arrêté publié au Journal officiel le 31 décembre interdit la vente et la consommation des fleurs et feuilles de CBD en France — par décision du Conseil d’Etat du 24 janvier, l’exécution de ces dispositions est pour le moment suspendue.
Des effets anti-inflammatoires et analgésiques
Depuis trois ans, de nombreux commerces proposant des produits à base de CBD sont apparus dans toute la France — répondant à une demande croissante des consommateurs qui souhaitaient profiter de ses effets apaisants. Plusieurs essais cliniques ont en effet suggéré que le CBD pouvait réduire l’anxiété et contribuer à lutter contre l’insomnie. D’autres recherches ont montré qu’il pouvait soulager la douleur chronique grâce à ses effets analgésiques (des études plus vastes et de plus longue durée restent toutefois à réaliser pour évaluer son efficacité et son innocuité à long terme dans ce contexte). Plus récemment, il est apparu comme potentiellement efficace pour améliorer et accélérer le processus de récupération chez les sportifs.
Plusieurs produits naturels ont déjà été évalués en tant que stratégie de récupération : c’est notamment le cas du ginseng, du thé vert, de la curcumine ou encore de la betterave, qui ont tous montré des propriétés anti-inflammatoires, antioxydantes et analgésiques — ainsi que d’autres avantages cognitifs — favorisant la récupération après un effort intense. Le CBD viendrait donc s’ajouter à cette liste de produits végétaux, connus pour être particulièrement bénéfiques à la santé.
Des études préliminaires ont rapporté en effet que le CBD exerçait un certain nombre d’effets physiologiques, biochimiques et psychologiques susceptibles de bénéficier aux athlètes — et ce, sans les effets indésirables psychotropes du cannabis médical. De ce fait, son utilisation est de plus en plus fréquente dans le milieu sportif — d’autant plus depuis que l’Agence mondiale antidopage a retiré le CBD de sa liste de substances interdites aux sportifs, en 2018.
Une revue narrative publiée l’an dernier dans Frontiers in Physiology rapporte qu’un tiers des cyclistes, triathloniens et coureurs sont ou ont été des consommateurs de cannabinoïdes (THC + CBD). Dans les sports de contact comme le rugby, le taux d’utilisation du CBD est de 28% et augmente avec l’âge — le soulagement de la douleur et l’amélioration de la qualité du sommeil étant les principaux avantages signalés par les consommateurs.
Des effets positifs sur des modèles de maladies cardiaques
Une étude menée en 2019 a montré que les effets du CBD sur les fonctions physiologiques et cognitives sont médiés par le système endocannabinoïde (ECS), qui est impliqué dans le maintien de l’homéostasie de l’organisme ; ce système biologique intervient notamment dans de nombreuses fonctions régulatrices importantes (fertilité, grossesse, immunité, humeur, mémoire, etc.). Lors de la pratique sportive, l’ECS assure la médiation des effets positifs de l’exercice, tels que le bonheur, le bien-être et l’euphorie. De la même façon, les cannabinoïdes activent les récepteurs cannabinoïdes de type 1 et 2 (CB1 et CB2), induisant des effets coupe-faim, anti-inflammatoires et anxiolytiques, identiques à ceux provoqués par l’exercice physique.
Afin d’écarter de potentiels effets indésirables sur la santé, une étude parue en 2020 dans l’International Journal of Molecular Sciences s’est penchée sur les effets du CBD sur le système cardiovasculaire. L’étude a été menée sur des animaux et des volontaires sains. Les chercheurs n’ont relevé aucun effet délétère significatif. « Bien que le CBD présente des propriétés vasodilatatrices et antioxydantes dans l’hypertension, il n’a pas affecté la tension artérielle chez les animaux hypertendus. L’action hypotensive du CBD a été principalement révélée dans des conditions de stress », rapportent-ils. Son usage à des fins médicales et/ou de bien-être ne semble donc pas présenter de risque, bien au contraire : « De nombreux effets positifs du CBD ont été observés dans des modèles expérimentaux de maladies cardiaques », écrivent les chercheurs.
De par le manque d’études sur les sportifs de haut niveau, les produits à base de CBD restent à ce jour une aide à la récupération non prouvée. « Pour confirmer ces effets, davantage de preuves scientifiques dans des populations spécifiques liées au sport sont nécessaires », conclut la revue narrative. Néanmoins, les premières études sur le sujet soutiennent qu’ils pourraient réellement améliorer l’efficacité du processus. Ils pourraient également contribuer à soulager une variété de maladies difficiles à traiter, en particulier via l’atténuation de la douleur. Des experts ont par ailleurs souligné qu’il pourrait être d’un intérêt certain pour lutter contre l’addiction aux opioïdes (ou d’autres types d’addiction, tels que l’alcool et le tabac).