Le nouveau variant du VIH, nommé VB, est apparu dans les années 1990 et se serait développé à partir d’une mutation de novo. Les mutations peuvent modifier le visage d’un virus, pouvant le rendre plus virulent et plus contagieux, ce qui serait le cas ici. Le variant VB serait particulièrement virulent, montrant des changements importants à travers le génome (affectant près de 300 acides aminés). Malgré tout, les traitements disponibles semblent toujours efficaces. Explications.
Le VIH, ou virus de l’immunodéficience humaine, est l’agent pathogène qui provoque une infection chronique aboutissant, sans traitement antirétroviral, à une immunodépression caractérisée : le SIDA.
Le VIH est un rétrovirus (virus à ARN) d’une très grande variabilité génétique. Il est connu sous deux types : le VIH-1, identifié en 1983 et le VIH-2, identifié en 1986. Il cible et détruit les lymphocytes CD4, cellules essentielles de notre système immunitaire, et perturbe l’immunité à médiation cellulaire. Cette caractéristique provoque une augmentation du risque de contracter certaines infections et de développer certains cancers.
Carté d’identité du variant VB
Trois groupes de VIH-1 sont reconnus : le groupe M (major), le groupe O (outlier) et le groupe N (non-M, non-O). Les VIH-1 du groupe M sont responsables de la pandémie du SIDA : à ce jour, neuf sous-types ont été caractérisés, dont le sous-type B, à l’origine de l’épidémie dans les pays industrialisés et du variant VB. Il apparait essentiel d’étudier les mécanismes génétiques sous-jacents à ces sous-types dans le but de comprendre pourquoi certains ont plus d’impact sur la santé mondiale que d’autres.
Ainsi, en 2014, le projet international BEEHIVE fut lancé, regroupant les données de 7 cohortes de VIH en Europe et 1 en Ouganda. Au cours de cette étude, Chris Wymant et al. ont découvert 17 personnes atteintes du variant VB. Elles portaient toutes des concentrations sanguines étonnamment élevées de virus au début de l’infection. Quinze des personnes infectées provenaient des Pays-Bas, une de Suisse et une de Belgique.
Les auteurs ont alors passé au crible les données disponibles de ces pays, étendant leur recherche au-delà du projet BEEHIVE. Parmi une cohorte de 6700 patients infectés par le VIH, ils ont identifié 92 cas supplémentaires du variant VB, portant le total à 109 cas uniquement aux Pays-Bas.
Le génotype du variant VB est caractérisé par de nombreuses mutations réparties dans le génome, signifiant qu’une seule cause génétique de la virulence accrue ne peut être déterminée à partir des données actuelles. De ce fait, il est peu probable qu’une mutation, voire un gène seul, soit responsable de ce changement de virulence.
Généralement, pour retracer l’histoire évolutive d’une mutation au sein d’un génome, des arbres phylogénétiques sont établis, à l’image des arbres généalogiques pour les humains. Les auteurs ont découvert d’une part que tous les individus infectés par VB étaient étroitement liés les uns aux autres, suggérant une transmissibilité plus rapide (le virus « n’a pas le temps d’évoluer » entre deux personnes). Et d’autre part, que cette variation serait apparue, de novo, entre les années 1980 ou 1990 aux Pays-Bas, lorsque les traitements antirétroviraux n’étaient pas encore disponibles. Elle se serait alors rapidement propagée dans les années 2000, avant d’être ralentie par la généralisation des traitements dans les années 2010.
Chris Wymant déclare avoir « constaté qu’en moyenne, les personnes atteintes de cette variante devraient passer au stade ‘VIH avancé’ en neuf mois [contre 36 mois habituellement], si elles ne commencent pas le traitement et si elles sont diagnostiquées dans la trentaine. La progression de la maladie serait encore plus rapide chez une personne âgée ».
En effet, les individus infectés par VB portaient des charges virales 3,5 à 5,5 fois plus élevées que les personnes infectées par d’autres souches de sous-type B. De plus, leurs taux initiaux de CD4 étaient inférieurs aux chiffres attendus dans une infection « ordinaire » au VIH, et ont baissé deux fois plus rapidement que prévu.
Devons-nous craindre des variants de plus en plus agressifs ?
L’évolution des virus doit obéir au compromis infectiosité-virulence. De manière simple, si l’infectiosité est trop faible, le virus ne peut pas être transmis lorsque son hôte entre en contact avec d’autres hôtes. Si la virulence est trop élevée, l’hôte devient trop malade pour avoir de tels contacts et permettre la transmission. Dans le cas du VIH, il est donc peu probable que des variants hautement virulents se propagent largement dans une population, en l’absence de traitement généralisé, car leurs hôtes évolueraient trop rapidement vers le SIDA, limitant les possibilités de transmission.
L’équipe de recherche a découvert que les médicaments antirétroviraux fonctionnent aussi bien contre le variant VB que contre les autres versions du virus. « Pour un individu sous traitement réussi, la détérioration du système immunitaire vis-à-vis du SIDA est arrêtée et la transmission de son virus à d’autres individus est également empêchée », explique C. Wymant.
Les auteurs estiment que les futures investigations in vitro pourraient établir plus fermement le rôle du génotype viral et révéler un mécanisme de virulence encore inconnu au niveau moléculaire ou cellulaire. Cette découverte, d’un nouveau variant, souligne l’importance de l’accès à des tests fréquents pour les personnes à risque et du respect des recommandations d’initiation immédiate du traitement pour toute personne vivant avec le VIH.