Selon une nouvelle étude portant sur des millions de dossiers de santé aux États-Unis, au cours d’une année, les personnes ayant contracté la COVID-19 pourraient être exposées à un risque accru d’anxiété et de dépression, allant parfois jusqu’au suicide. Alors que la pandémie de COVID-19 entre dans sa troisième année, la considération du COVID long doit être effective.
Plus de 403 millions de personnes dans le monde, dont 77 millions aux États-Unis, ont été infectées par le virus depuis le début de la pandémie. Il est attesté que la COVID-19 peut induire des complications neurologiques, différentes selon les personnes. Jusqu’ici, les études ont été limitées quant aux troubles mentaux pris en compte (seulement la dépression et l’anxiété) et par un suivi maximal de six mois. Une évaluation complète des manifestations de santé mentale chez les personnes atteintes de COVID-19 à un an n’a pas été entreprise. Ces troubles comprennent l’anxiété, la dépression et les idées suicidaires, ainsi que les troubles liés à l’utilisation d’opioïdes, les troubles liés à la consommation de drogues illicites et d’alcool et les troubles du sommeil et de la cognition.
Il apparait donc primordial, face à la recrudescence des COVID longs et de leur constellation de symptômes neuropsychiatriques, d’améliorer notre compréhension du risque à long terme de troubles de santé mentale chez les personnes infectées par le virus.
Après les conséquences physiques, les séquelles mentales…
Dans une vaste analyse des résultats de santé mentale, l’équipe de Ziyad Al-Aly, épidémiologiste clinique à l’Université de Washington, a tenté d’estimer les risques de ces troubles incidents chez les personnes infectées par le SARS-CoV-2.
Les chercheurs ont compulsé les données de 154 000 patients en provenance de l’US Department of Veterans Health Care System (Veterans Health Administration) qui n’avaient eu aucun traitement ou diagnostic concernant un trouble mental dans les deux années précédant leur infection. Ils les ont comparés à deux groupes témoins de plus de 5 millions d’individus chacun : un groupe contemporain sans signe de SARS-CoV-2 et un groupe témoin « historique », antérieur à la pandémie de COVID-19. Ils ont également spécifié le milieu de soins pendant la phase aiguë de l’infection, c’est-à-dire s’il y a eu hospitalisation ou non au cours des 30 premiers jours de COVID-19. Ziyad Al-Aly, l’auteur principal de l’étude, déclare dans un communiqué : « Nous savons par des études antérieures et des expériences personnelles que les immenses défis des deux dernières années de la pandémie ont eu un effet profond sur notre santé mentale collective ».
Malgré les preuves montrant que le fardeau des troubles de santé mentale pourrait avoir augmenté dans la population générale pendant la pandémie de COVID-19, les chercheurs ont découvert que des troubles mentaux survenaient dans l’année suivant la guérison de l’infection chez les personnes atteintes d’infections graves et bénignes.
Comparées à celles des groupes témoins sans aucune infection, les personnes qui ont contracté la COVID-19 étaient 35% plus susceptibles de souffrir de troubles anxieux. Elles étaient également près de 40% plus susceptibles de souffrir de dépression ou de troubles liés au stress affectant le comportement et les émotions. Cela a coïncidé avec une augmentation de 55% de l’utilisation d’antidépresseurs et une croissance de 65% de l’utilisation de benzodiazépines pour traiter l’anxiété. On note aussi l’utilisation de substances non opioïdes telles que l’alcool et les drogues illicites.
De même, les personnes qui s’étaient remises de la COVID-19 étaient 41% plus sujettes à avoir des troubles du sommeil et 80% à connaître un déclin neurocognitif. Ceci fait référence à l’oubli, à la confusion, au manque de concentration et à d’autres déficiences communément appelées « brouillard cérébral ».
Bien plus qu’une grippe…
Pour mieux comprendre si le risque accru de troubles de santé mentale est spécifique au virus SARS-CoV-2, les chercheurs ont également comparé les patients COVID-19 avec 72 207 patients grippés, dont 11 924 hospitalisés, d’octobre 2017 à février 2020. Les personnes admises à l’hôpital pour COVID-19 ont montré des risques accrus de troubles de santé mentale d’un côté par rapport à celles admises à l’hôpital pour toute autre cause (entre 27% et 45%), et de l’autre par rapport à celles qui n’ont pas été admises à l’hôpital (près de 86%). À noter que des séquelles ont été observées aussi chez les personnes ayant fait une forme bénigne de la maladie.
« J’espère que cela dissipe l’idée que la COVID-19 est comme la grippe », a déclaré Al-Aly. « C’est tellement plus sérieux ».
Les auteurs soulèvent un point intéressant concernant un lien bidirectionnel entre COVID-19 et troubles de santé mentaux. En d’autres termes, il apparaitrait que les personnes atteintes de troubles de santé mentale courent un risque accru d’être infectées par le SARS-CoV-2 et d’avoir des conséquences graves. Une meilleure compréhension de l’interaction des troubles de santé mentale à la fois en tant que risque et séquelle de la COVID-19 est nécessaire.
La multitude des causes possibles aux troubles mentaux
Le ou les mécanismes des risques accrus de troubles de santé mentale chez les personnes atteintes de COVID-19 ne sont pas entièrement clairs.
Plusieurs mécanismes potentiels sont à l’étude, y compris l’infiltration de cellules T périphériques dans le parenchyme cérébral, la microglie et les astrocytes dérégulés ; les perturbations de la signalisation synaptique des neurones excitateurs de la couche supérieure. Toutes ces causes se chevauchent généralement avec les manifestations des maladies génétiques associées à une altération de la cognition, à la dépression, et d’autres troubles neuropsychiatriques.
D’autres mécanismes probables comprennent un rôle potentiel de la neuro-inflammation médiée par l’enzyme de conversion de l’angiotensine et l’effet indirect d’une réponse immunitaire dérégulée sur le système nerveux central.
« Nos résultats suggèrent un lien spécifique entre le SARS-CoV-2 et les troubles de santé mentale », poursuit Z. Al-Aly. « Nous ne savons pas pourquoi, mais l’une des principales hypothèses est que le virus peut pénétrer dans le cerveau et perturber les voies cellulaires et neuronales, entraînant des troubles de la santé mentale ».
Il ne faut cependant pas diminuer l’influence des mécanismes non biologiques (changements dans l’emploi, problèmes financiers, isolement social, traumatismes, chagrin, changements de régime alimentaire et d’activité physique) sur des personnes atteintes de COVID-19 par rapport à leurs contemporains.
Les auteurs de l’étude demandent ainsi une « plus grande attention » médicale pour les COVID longs afin de mieux comprendre ce phénomène et le prévenir. « Il ne s’agit pas seulement d’un virus respiratoire. C’est un virus systémique qui peut provoquer des troubles et un déclin cognitif », concluent les auteurs.
Des recherches comme celle-ci montrent la nécessité évidente de suivre les patients dans les semaines et les mois après des diagnostics de COVID-19, même légers. L’intégration des soins de santé mentale doit être considérée en tant qu’élément central des stratégies de soins post-COVID-19. Les organismes internationaux, les gouvernements nationaux et les systèmes de santé doivent élaborer et mettre en œuvre des stratégies d’identification et de traitements précoces des personnes touchées, car la société va devoir faire face à ce problème émergent au cours des mois et des années à venir.