Dans la grande course à la puissance de calcul qui se poursuit entre différents États du monde, l’exaflop représente une frontière clef. C’est cette dernière que vient de franchir un supercalculateur développé par un laboratoire aux États-Unis, baptisé « Frontier ».
« Frontier inaugure une nouvelle ère d’informatique exascale pour résoudre les plus grands défis scientifiques du monde », clame ainsi Thomas Zacharia, directeur de l’Oak Ridge National Laboratory (ORNL), où a été développé ce gigantesque supercalculateur. Pour le définir simplement, un « supercalculateur » n’est autre qu’un ordinateur spécialement conçu pour atteindre une très grande puissance de calcul.
L’ordinateur en question, baptisé « Frontier », vient donc de se rendre célèbre pour le franchissement de la barre de « l’exaflop », hautement convoitée. Ce résultat a été annoncé lors de l’International supercomputing conference 2022, à Hambourg, en Allemagne. L’exaflop est une unité de mesure qui est utilisée pour exprimer la puissance de calcul d’un processeur. Très concrètement, le fait d’avoir franchi la barre du 1 exaflop signifie que Frontier peut effectuer plus d’un trillion (« quintillion » en anglais) d’opérations par seconde (1018). Chaque flop représente un calcul possible, comme l’addition, la soustraction, la multiplication ou la division.
Jusqu’ici, les ordinateurs les plus puissants se situaient sur l’échelle du pétaflop, c’est-à-dire qu’ils étaient plutôt capables d’effectuer dans les 1015 calculs par seconde. Pour mieux nous situer sur cette échelle qui dépasse quelque peu l’imagination, l’ORNL a donné le point de comparaison suivant : si chaque humain sur terre faisait un calcul par seconde, il nous faudrait, à nous tous, plus de quatre ans pour effectuer le même calcul que l’ordinateur Frontier effectue en une seconde.
Avec une capacité de 1.1 exaflop de puissance de calcul par seconde, l’ordinateur s’est donc classé officiellement premier sur la Top 500 List des supercalculateurs les plus puissants, éditée depuis 1993. Celle-ci se base sur un test de performance particulier qui est le LINPACK Benchmark. « Avec un score HPL exact de 1,102 exaFLOPS, Frontier n’est pas seulement le supercalculateur le plus puissant qui ait jamais existé, c’est aussi la première véritable machine exascale », peut-on lire sur le site internet du classement. Si c’est bien cette performance de 1.1 qui a été retenue, le laboratoire affirme quant à lui que la limite théorique de puissance de l’ordinateur approcherait plutôt les 2 exaflops, soit deux trillions de calculs à la seconde.
9400 processeurs en action
Techniquement, cette barrière de l’exascale, comme le rappelle le média Sciencealert, avait été franchie par un autre projet en 2020, nommé Folding@home. Cependant, la puissance de calcul était répartie sur de très nombreux ordinateurs de bureau. Il ne s’agissait donc pas d’un seul « supercalculateur » à proprement parler. Le supercalculateur japonais Fugaku est aussi techniquement en lice, rappelle le site : « Compte tenu du fait que le pic théorique de Fugaku est au-dessus de la barrière de l’exaFLOP, il y a lieu d’appeler également ce système une machine exascale ».
Reste que sa performance moyenne a tout de même classé Frontier en tête de tous ses concurrents. Pour réaliser cette prouesse de calcul, pas moins de 9400 processeurs et 37 000 processeurs graphiques ont été mis à contribution. Tous les éléments ont été connectés entre eux par près de 56 kilomètres de câble réseau pour ne former qu’un seul ordinateur. Ce supercalculateur est aussi pourvu d’une capacité de stockage de 700 pétabits. Pour donner un élément de comparaison, il faut comprendre qu’un pétabit vaut mille térabits, et un seul térabit représente pour le commun des mortels un bon gros disque SSD externe. Donc, on pourrait dire que l’on se trouve en présence de 700 000 disques externes. Tout ce dispositif a coûté pas moins de 600 millions de dollars.
Tout cela pour quoi, pourrait-on se demander ? Pour ses créateurs, ce nouveau seuil dans la puissance de calcul pourrait permettre d’effectuer des calculs inédits, pour trouver des solutions à des problèmes de plus en plus complexes. Le Département de l’énergie des États-Unis d’Amérique explique ainsi dans un communiqué que ces supercalculateurs pourraient permettre de créer des modèles réalistes de systèmes climatiques, concevoir de nouveaux types de matériaux, soutenir la recherche en astrophysique et l’astronomie ou encore le développement des réacteurs à fusion nucléaire…
Le supercalculateur Frontier doit encore passer des tests pour sa validation finale, mais le laboratoire espère un premier accès à la communauté scientifique dès 2022, avec une mise en service complète au début de l’année 2023.